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Pr�face
On ne le rencontre plus dans ces nombreuses r�unions et conf�rences, ou nous avions l'habitude de l'�couter en France et dans d'autres pays d'Europe. Et pourtant, Olivier Cl�ment continue de parler � travers ses �crits. Il ne donne plus de cours aux �tudiants de l'Institut de th�ologie orthodoxe Saint-Serge. On ne le voit plus � la liturgie orthodoxe de la cath�drale de la rue Daru. Mais il reste pr�sent et nous accompagne, il demeure aussi dans notre culture europ�enne qui ne peut que d�couvrir l'importance et l'originalit� de son apport.
Malade depuis quelques ann�es, Olivier Cl�ment vit chez lui dans un quartier populaire de Paris, non loin de M�nilmontant. De la fen�tre de sa chambre o� il passe presque tout son temps, on aper�oit la ville �tendue jusqu'a la tour Eiffel. M�me �loign� du tumulte parisien et clo�tr� chez lui, il n'a pas renonc� � regarder son poque avec int�r�t et � suivre la vie fran�aise, la vie internationale, la vie de l'�glise. Il lit beaucoup, re�oit des amis, voit les membres de sa famille, prie devant les petites ic�nes plac�es face � son lit. Son histoire personnelle a fait de lui un ermite dans la ville, cette ville vue d'en haut et pr�sente � son coeur. Apr�s une longue histoire pass�e au milieu de la vie des gens, au contact des jeunes, dans les d�bats d'id�es, a l'int�rieur de la vie de l'�glise, il semble s'�tre comme retir� en ermitage.
A leur mani�re, la pr�sence et l'actualit� de la pens�e et du t�moignage d'Olivier Cl�ment transparaissent dans cet ouvrage. On per�oit dans les essais propos�s ici la sagesse d'une vie tiss�e d'affections, d'amiti�s et de grandes passions. On devine la le�on d'une existence qui fait de lui � pr�sent un ancien au sens noble du terme, un a�n� plein de mesure et d'exp�rience. Ce t�moignage est d'autant plus pr�cieux aujourd'hui, o� il n'est plus d'usage d interroger les plus �g�s d'entre nous, o� l'on court davantage derri�re le clinquant des nouveaut�s ou les gourous a la mode, o� la course � la consommation mordue non seulement la culture contemporaine, mais aussi une partie de la spiritualit�.
L'essai le plus significatif de ce volume est n� d'une question des amis de la communaut� de Sant �gidio comment �tre chr�tien aujourd'hui? Question pos�e a un homme vivant sa foi avec foi et passion, tout en r�fl�chissant sur sa signification. Au moment o� Oliviier Cl�ment accepte de r�pondre, il ne sort d�j� plus de chez lui. Toutefois, les nombreux probl�mes de la vie quotidienne continuent de lui parvenir. M�me retir� de la vie, ermite � sa mani�re, il n'est pas prisonnier du pessimisme ni de la sensation d'�tre �tranger aux �v�nements, ce sentiment qu'on rencontre parfois chez de vieilles personnes perdues dans une �poque qui ne les aime plus et qui n'est plus la leur. C'est que notre auteur n'a pas pris cong� de son �poque, mais vit encore avec sympathie les probl�mes et la qu�te de ses contemporains.
Olivier Cl�ment offre donc ici une � petite boussole pour le temps pr�sent �, comme une aide aux chr�tiens d'aujourd'hui, surtout aux plus jeunes. Aux hommes et femmes d�pays�s que nous sommes, comme le dit Todorov, il propose une boussole pour nous orienter dans une �poque complexe.
Avec ce texte pr�cieux sont publi�es d'autres contributions du m�me auteur, �crites pour dis erses occasions et encore inconnues du grand public en France. Il ne s'agit pas d'un recueil de fragments constitu� au hasard: Olivier Cl�ment a toujours une solide architecture intellectuelle m�me si son oeuvre ne s'est jamais caract�ris�e par une composition excessivement syst�matique. Comme le faisaient les P�res de l'�glise, notre auteur �crit d'abord pour r�pondre aux questions des chr�tiens, approfondir une difficult�, commenter un texte important, guider un itin�raire, expliquer l'�criture ou offrir la pens�e des P�res. Ainsi Olivier Cl�ment reste-t-il effectivement tr�s li� � la vie, m�me si sa r�flexion a des racines profondes et lointaines: ce qui est actuel dans la r�flexion chr�tienne, en effet, ne prend pas appui sur le pr�sent, mais sur des racines anciennes.
Ce livre exprime non seulement l'a pens�e d'un th�ologien orthodoxe illustre, mais aussi la sagesse d'un homme � l'histoire personnelle riche et significative; un homme singulier qui vient de plus loin que lui-m�me. Ses racines en effet sont fran�aises et occidentales et puisent �galement dans l'Orient chr�tien. Sa pens�e est originale parce que lui-m�me est le fruit d'une greffe complexe et bien r�ussie. En effet, Olivier Cl�ment est profond�ment enracin� dans la culture fran�aise et dans le monde de la France contemporaine. Ses origines familiales s'inscrivent dans le sud de la France, dans un milieu la�que, non-croyant et socialiste. Mais c'est aussi un homme qui a v�cu toute sa vie � Paris au contact des d�bats intellectuels, plac� devant les d�fis de la vie dans une grande ville plurielle, riche et marqu�e aussi par le d�sert humain, plac� encore devant le mouvement de 1968 et l'utopie d'un monde nouveau...
Cl�ment a v�cu l'histoire d'un homme occidental. II en porte avec lui les interrogations, Il a ressenti l'angoisse des horizons �troits de l'homme contemporain et de sa culture, ce qui l'a conduit a emprunter les chemins de la recherche spirituelle. Il s'est ouvert en partant de la le�on de cet historien singulier qu'a �t� Alphonse Dupront, pr�sent quant � lui dans la Roumanie fervente d'avant la Seconde Guerre mondiale. Il a rencontr� la foi chr�tienne dans la tradition de l'�glise orthodoxe. Cl�ment est en effet un chr�tien orthodoxe : il n'est pas n� catholique mais, de la�c et de non-croyant qu'il �tait, il s'est engag� dans la foi chr�tienne par le bapt�me dans l'�glise orthodoxe.
Sa recherche inqui�te se d�veloppe dans le climat dramatique de 1939-1945. Pour beaucoup de grands esprits d'alors, la guerre est un temps f�cond en intuitions et en interrogations, Cela l'a �t� pour fr�re Roger de Taiz�, pour Chiara Lubich, fondatrice du Mouvement des Focolari. Jean-Paul II soulignait toujours avec force combien la Seconde Guerre mondiale a constitu� un creuset de vie chr�tienne mais aussi une m�moire � ne pas perdre. La g�n�ration de la Seconde Guerre mondiale compte de nombreux ma�tres spirituels qui ont beaucoup � dire � l'Europe d'aujourd'hui, tent�e par le repliement sur elle-m�me. La recherche de Cl�ment se d�veloppe ensuite dans le climat passionn� de l'apr�s-guerre, au moment o� la France se reconstruit et o� l'on pose les bases de l'Europe.
Dans ce contexte, Cl�ment cherche avec passion et il parvient � trouver dans un certain sens, mais en s'�loignant beaucoup du paysage religieux de la France contemporaine. Il est devenu chr�tien en accueillant l'�vangile qui lui venait de la tradition de l'�glise d'Orient. Apr�s la r�volution bolchevique, beaucoup de Russes s'�taient �tablis en France: c'�tait le monde �clectique des �migr�s, des gens de toutes sortes, confront�s � un Occident qui leur �tait jusqu'alors en grande partie �tranger. La culture th�ologique et philosophique russe, la foi de la Sainte Russie, se sont greff�es dans la France du premier apr�s-guerre. Pensons � la grande figure de m�re Marie, Russe convertie au christianisme apr�s une vie aventureuse, moniale, amie des pauvres, morte dans les camps nazis pour avoir aide les juifs dans le Paris occup�. La greffe de l'orthodoxie en France n'est pas seulement culturelle, elle est aussi un vrai v�cu eccl�sial.
Cl�ment a recueilli, avec sa sensibilit� profonde, le t�moignage qui lui venait de grands croyants russes, Vladimir Lossky et, devant lui, Berdiaev. Il a �t� l'ami de Paul Evdokimov qui a eu le g�nie d'introduire la culture religieuse occidentale au monde de l'ortho�doxie. Je me souviens moi-m�me, �tant jeune, du fort impact de la lecture de ses livres, en particulier Orthodoxie. Mais, pour Cl�ment, ne s'agit pas seulement de th�ologie ou de culture religieuse. II a recueilli de la tradition. spirituelle repr�sent�e par ces croyants un message de foi et de vie.
Son passage � la foi a �t� accompagn� de la pr�sence du p�re Sophrony, un moine qui a grandi � l'�cole ou mont Athos et qui, comme le reconna�t Cl�ment, � [lui] a fait comprendre que le christianisme n'est pas une id�ologie, mais la R�surrection �. Sophrony n� � Moscou en 1896, a �t� moine � l'Athos et disciple du grand starets Silouane, mort en 1938, dont il a publi� la vie et l'oeuvre. Sophrony quitta ensuite l'Athos pour se rendre en France o� Cl�ment a pu le fr�quenter. Cette filiation spirituelle impr�gne profond�ment notre auteur.
Les noms cit�s ici �voquent une histoire particuli�re : cette tradition spirituelle de vie et de pens�e qui vient de la Sainte Russie, de la recherche; des drames de l'histoire (avant la r�volution bolchevique ou avec elle), que le christianisme russe a v�cue Cl�ment, dont la famille ne s'inscrivait dans aucune tradition chr�tienne, a eu la gr�ce de s'unir a cette grande tradition de foi, riche et tourment�e, au contact de quelques-uns de ses t�moins les plus importants. II est all� puiser a une source chr�tienne tr�s �loign�e de son univers naturel et que l'histoire avait fait s'approcher de la France du fait des �v�nements bien connus de la r�volution de 1917 et de l'�migration. C'�tait une grande tradition repr�sent�e par des exil�s et des marginaux. Cl�ment la d�crit en effet ainsi:
�Ces hommes m'ont accueilli et je n'ai jamais vu leur amiti� faire d�faut. Leur marginalit� relative rencon�trait la mienne et se transfigurait dans la marginalit� n�cessaire d'un christianisme r�nov�, partout en diaspora, partout crucifi� entre l'exil et le royaume. J'ai re�u le bapt�me dans l'�glise orthodoxe. J'avais trente ans. C'�tait un choix lucide et grave... Un choix conscient, si l'on veut, m�me s'il faut toute la vie, toute la mort, pour devenir conscients de la gr�ce baptismale, pour mourir et rena�tre en Christ. �
Son histoire est particuli�re, mais chaque vraie conversion m�ne finalement loin de soi, Et pourtant Cl�ment est un Occidental. II ne se fait pas passer pour ce qu'il n'est pas. Il a puis� � la tradition orthodoxe avec ses interrogations propres et sa mentalit�. Ce n'est pas un Russe de seconde g�n�ration, mais bien un homme d'Occident qui, cherchant le sens de la vie, a rencontr� J�sus dans la foi et dans la tradition de l'�glise d'Orient. Sa vie est la greffe f�conde d'un Occidental, d'un Fran�ais, sur l'orthodoxie En lui nous ne trouvons rien d'exotique ni de lointain, mais nous rencontrons celui qui est all� loin pour trouver des r�ponses a la sensibili�t� et aux interrogations des hommes et des femmes de sa g�n�ration, du monde fran�ais et du monde occidental. Les r�ponses qu'il a trouv�es, la sagesse qui a grandi en lui, sont une synth�se pr�cieuse et rare entre les mondes, les cultures diff�rentes que sont l'Occident de sa culture et de son histoire et l'Orient chr�tien de sa foi.
Son existence est celle d'un passeur, comme l'�crit Franck Damour: � Il est un passeur entre les mondes chr�tiens d'Orient et d'Occident. Un passeur est un r�v�lateur d'unit�, de relation... � C'est pourquoi il s'agit d'une existence et d'une pens�e qui ont une grande signification pour nous tous car elles se sont d�velopp�es en vivant et en respirant avec deux poumons, avec l'Orient et avec l'Occident (comme le disait Jean-Paul Il et avant lui Ivanov). Dans ce sens, l'oecum�nisme comme recherche d'unit� des chr�tiens est inscrit en profondeur dans la vie de Cl�ment et a m�ri dans les nombreuses amiti�s de son existence.
Olivier Cl�ment a donc d�pens� toute sa vie pour faire siennes les interrogations des jeunes et des moins jeunes rencontr�s au cours de d�cennies de vie active, allant puiser aux sources de la liturgie et de la foi de l'Orient chr�tien et des P�res de l'�glise. Il a passion�n�ment aime la recherche et la confrontation des id�es, en traversant aussi des p�riodes de-fragilit�. Ce n'est pas un homme ferm�. Sa libert� int�rieure consiste en une ouverture aux questions de tous qui l'am�ne a consid�rer les autres avec s�rieux. Ses questions sont les n�tres : celles des g�n�rations des ann�es soixante, de ceux qui se confrontent ,� la modernit�, de ceux qui ressentent le poids d'un totalitarisme scientifique, de ceux qui devinent les limites de la psychologie et de la psychanalyse, de ceux qui per�oivent la faiblesse des id�ologies, mais aussi de ceux qui sentent combien la vie s'est fragilis�e... Ce sont les questions de ceux qui ne se cachent pas derriere les murs, mais qui puisent � l' �vangile, trouvant l� leur force.
Notre auteur a v�cu aussi de pr�s la grande crise de 1968, attentif aux sentiments et aux espoirs des jeunes qui envahissaient de leur vacarme enthousiaste les rues de Paris, tout pr�s du grand lyc�e ou il enseignait. Il s'aper�ut que 1968 �tait une grande mise en sc�ne liturgique � de la r�volution, avec le refus g�n�ralis� du p�re, c'est-�-dire de la continuit� entre g�n�rations et de la tradition. 1968 a �t� un banc d'essai difficile pour une g�n�ration qui, �tant jeune, avait v�cu la guerre et s'�tait jet�e ensuite avec enthousiasme et courage dans la reconstruction. C'�tait un acte d'accu�sation de la part des plus jeunes, tout au moins du monde universitaire, contre ceux qui les as aient pr�c�d�s.
Cl�ment proc�de � une lecture qui vide l'utopie de 1968 de sa substance. Mais il ne renonce pas � croire qu'il est possible de changer le monde et les hommes. Au contraire, il est de plus en plus convaincu que le chemin du coeur peut changer l'homme. Il. affirme en effet que � les seules r�volutions cr�atrices de l'histoire sont n�es de la transformation des coeurs �. En 1968, il fit justement une exp�rience compl�tement diff�rente du mai parisien. R�pondant � la proposition d'un �diteur, il se rendit � Istanbul pour �crire un livre-interview avec le patriarche orthodoxe de Constantinople, Athenagoras. Celui-ci repr�sentait le p�re, l'histoire, la tradition de la grande �glise du Christ qui vivait, quant � elle, un moment difficile et humiliant dans la Turquie moderne.
A l'�poque de la r�volte contre le p�re, Cl�ment se plonge dans l'histoire et la vie de ce vieux patriarche orthodoxe ne en 1886, qui avait connu le demembrement de l'Empire ottoman, les crises du patriarcat orthodoxe, les haines nationalistes et les guerres. Le th�ologien �g� de quarante-cinq ans se mit � l'�coute du patriarche plus qu'octog�naire il d�couvrit l'indomptable force spirituelle et humaine d'un homme qui ne se r�signait pas � la d�sunion des chr�tiens, � la haine entre les nations, au vide de l'existence de tant de ses contemporains.
Au temps de la contestation des p�res ou de leur meurtre, en 1968, Cl�ment dialogua donc avec ce vieux p�re. C'est la r�alit�, mais c'est aussi une image symbolique de la transmission de la foi de g�n�ration en g�n�ration. Au cours de ses ann�es de recherche et de sa conversion, il avait d�j� exp�riment� le passage d�cisif que repr�sente la relation avec des t�moins de la foi. � un tournant d�licat de sa vie, mais aussi de la soci�t� fran�aise, le voici de nouveau en colloque, un colloque m�r, non pas entre �gaux, mais avec un grand p�re. Il en est ne un livre qui constitue un v�ritable chef-d'oeuvre de spiritualit� et d'histoire, dans lequel le th�ologien Cl�ment et le patriarche se fondent dans un dialogue abordant tous les domaines. C'est un texte qui m�rite d'�tre repris en main et m�dit�, comme un grand livre du XXe si�cle
Pour le th�ologien fran�ais, l'orthodoxie constitue la tradition de la foi v�cue dans la liturgie et au contact vital des t�moins, des p�res et puis, de plus en plus, des P�res de l'�glise, L'orthodoxie n'est pas le refuge dans un pass� atemporel, � l'abri de la peine � oeuvrer dans le monde, � �tre touches et �branl�s par une histoire qui semble, � certains moments, glisser avec rapidit� et confusion, Plus le th�ologien fran�ais se plonge dans la tradition, plus on ressent sa pr�sence intelligente et inqui�te dans l'actualit� des d�bats, de la vie, des probl�mes.
La ferveur de sa vie se nourrit � la source d'une inextinguible esp�rance devenue d�sir de se changer soi-m�me, de vivre dans le monde et de ne pas renoncer � le changer, Au d�but de son livre, La R�volte de l'Esprit (un titre � combien important qui appara�t comme un d�fi lance a une �poque ou nous sommes en 1979 - les id�ologies se dissipent et les jeunes g�n�rations cherchera des paradis artificiels et spirituels), on trouve des paroles de Nicolas Berdiaev qui sont ch�res � Cl�ment: � La r�volte contre Dieu, n'est-ce pas un malentendu suscit� par le mot? On ne peut se r�volter qu'au nom de la r�ante ultime, de l'Esprit, c'est-�-dire au nom de Dieu.�
Il ne s'agit pas des sentiments d'une ancienne g�n�ration impr�gn�e de militantisme, mais de quelque chose de plus profond, qui va au-del� de la d�ception et de l'insucc�s. Une attitude qui se fonde sur la pens�e profonde de la foi chr�tienne: la R�surrection. La culture historique, la passion pour les faits du monde et la vie des peuples augmentent le sens de l'histoire. Cl�ment n'est pas un spirituel hors de l'histoire et sans r�ves pour le monde. II a le sens de l'histoire et le go�t de la sonder. Dans l'un de ses premiers �crits th�ologiques qui remonte � 1959, il observe: � Nous faisons pour l'histoire comme pour les visages : nous ne voyons que la surface... � Sonder l'histoire veut dire tenter d'en saisir aussi les profondeurs. On d�couvre au coeur de celles-ci une force de changement qui semble impossible � la surface et dans l'encha�nement m�canique des �v�nements.
La r�surrection du Christ fait que l'histoire ne devient pas un enfer, mais qu'elle est habit�e en profondeur par une force de salut. � Si l'histoire n'est pas nourrie d'�ternit�, elle devient zoologie �, conclut-il. Dieu n'a pas abandonn� le monde; la pauvre et douloureuse histoire des hommes, le chemin des peuples. Aussi le regard du chr�tien n'est-il pas as auvegle devant la douleur dans l'histoire, il ne se laisse pas plus enfermer dans le pi�ge conservateur du pessimisme ou tromper par les utopies du paradis sur terre.
� Aujourd'hui, l'humanit� fuit la mort mais multiplie les moyens de son propre suicide, a-t-il �crit. C'est pourquoi les chr�tiens ont avant tout le devoir d'annoncer la grande joie de P�ques. De l'annoncer et de la faire rayonner par la beaut� de la liturgie et le t�moignage des saints... C'est � ce d�ploiement de la R�surrection � travers l'histoire que nous sommes appel�s pour pr�parer le retour du Christ ou plut�t de toute chose en Christ. Retour qui doit s'anticiper d�j� dans les signes pos�s par une "culture des visages"... �
Qui parcourt les pages de ce livre, qui prend en main cette boussole spirituelle, d�couvre la force int�rieure issue de la foi chr�tienne et d'une longue tradition d'hommes et de femmes, de saints et de martyrs. il en saisit dans le pr�sent l'actualit� et la capacit� de transformation, mieux encore de transfiguration, pour soi et pour l'ensemble du monde.
Sans pr�tendre imposer quoi que ce soit, argumen�tant, racontant, s'interrogeant, Olivier Cl�ment transmet comme un ancien la fra�che sagesse de sa vie. Il vit aujourd'hui tout ce qu'il avait �crit voici plus de trente ans : � La vieillesse favorise une autre connaissance, cette connaissance que l'Orient chr�tien d�signe comme l'union de l'intelligence et ,du coeur. � Le christianisme, c'est aussi cela: une transmission humaine et spirituelle qui lie une g�n�ration � l'autre � bien que dans des situations diff�rentes �, une solidarit� avec son �poque elle-m�me h�riti�re d'un don qui vient d'autres avant moi et, en derni�re analyse, de tr�s loin.
Cette transmission n'est pas anonyme, mais peupl�e de visages d'hommes et de femmes, de croyants, d'anciens, de savants. Ces pages nous transmettent non seulement les paroles et les r�flexions d'Olivier Cl�ment, mais font voir son visage int�rieur, comme un t�moignage d'intelligence et de coeur. Elles sont une invitation � s'orienter dans le monde pr�sent � la lumi�re de l'Evangile. Ce qui signifie aussi choisir la voie de l'int�riorit� : � Seule la pri�re peut vaincre la tentation du narcissisme, rendre aux hommes leur finitude ouverte, accept�e mais ouverte, �clair�e par le regard de l'autre, l'ordinaire des jours.�
Enfin, que ce livre soit aussi per�u comme l'hommage d'un ami qui, comme beaucoup, a �norm�ment re�u de son t�moignage et de son amiti�.
Andrea Riccardi
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