Comunità di S.Egidio


01/02/2001
LE PRIX FELIX HOUPHOUET-BOIGNY POUR LA RECHERCHE DE LA PAIX 
A ETE REMIS A LA COMMUNAUTE DE SANT�EGIDIO
Discours de Jacques Delors

Excellences, 
Mesdames et Messieurs,

nul ne pouvait mieux que Monsieur Boutros Boutros-Ghali, qui a pr�sid� aux destin�es de l'Organisation des Nations Unies dans une p�riode difficile, marqu�e par la multiplication des interventions de cette organisation et par des perplexit�s aussi sur les crit�res de d�cision et d'action, personne n'�tait mieux plac� que lui pour rendre un hommage au Professeur Riccardi et � la Communaut� Sant'Egidio. Je n'ajouterai que quelques mots, quelques mots qui sont li�s � une complicit� profonde, m�me si le Professeur Riccardi est extr�mement pris et doit voyager � travers le monde.

Tout d'abord c'est la disponibilit� du professeur Riccardi qu'il faut souligner: cette capacit� d'�tre en mesure -� un moment donn�- d'aller l� o� il sent qu'il y a une action utile � mener et -� d'autres moments- d'aller soutenir un ami, comme il l'a fait il y a deux ans pour le prix Europ�en de l'ann�e pour Romano Prodi. Et pour faire cela, pour pouvoir � la fois concilier l'amiti�, l'intuition du service et la r�alisation du service, il faut �tre un ma�tre de l'agenda. On peut dire que, m�me si personne n'est possesseur du temps, comme disait Vaclav Havel, au moins certains savent g�rer le temps comme il le faut. Mais tout �a � cause de cette disponibilit�.

Le lieu " Sant'Egidio " est sans �quivalents. �a ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres endroits o� l'on sent la charit�, l'amour, l'accueil, la compr�hension de l'autre. Mais celui-ci a un style et un parfum particulier. Il n'est pas �tonnant que, s'occupant avec le d�veloppement de la Communaut� des grandes questions comme celle du Mozambique, de l'Angola, tentant la chance de la paix en Yougoslavie, au Kosovo notamment, il n'est pas �tonnant de savoir que la Communaut� est aussi attentive aux pauvres, aux sans-abri, � ceux qui ont faim, � ceux qui n'ont pas de logis pour une nuit. Et c'est cette conception assez g�n�rale de la charit�, �tendue aux domaines de la politique -ce qui n'est pas facile-, la politique au sens de gestion de la cit�, qui fait justement ce style particulier de Sant'Egidio et qui doit �tre soulign� aujourd'hui.

On parle beaucoup depuis quelques temps de conscience publique universelle, d'opinion publique mondiale. On se bat aussi � coups d'arguments sur le r�le respectif des grandes institutions internationales, des �tats nationaux et de ce qu'on appelle la soci�t� civile, elle-m�me divis�e - parce qu'aussit�t les professeurs de Lettres sont l� - en soci�t� civile organis�e et soci�t� civile non organis�e, la premi�re �tant tenue ferme par les organisations habituelles, patronales, syndicales et autres, la seconde �tant occup�e par toutes ces organisations non gouvernementales qui agissent. Et bien s�r ce sera un grand d�bat dans l'avenir que de savoir ce qui incombe aux organisations internationales, quel type de dialogue peuvent-elles avoir avec des organisations non gouvernementales, qui ne se sont vues d�cerner aucun mandat par le suffrage universel et qui cependant sont souvent le sel de la terre. Dans ce d�bat qui va avoir lieu, je pense que la Communaut� Sant'Egidio saura garder son caract�re particulier, ne pas devenir une lobby institutionnalis�. Tout �a pour �tre disponible et pour �tre fid�le � ses valeurs. Il faudra donc �couter le professeur Riccardi dans les ann�es qui viennent, de fa�on � �viter des batailles de chiffonnier sur le pouvoir et de faire en sorte que les Ong, si admirables dans de nombreux cas, puissent continuer � nourrir le monde, � lutter contre l'indiff�rence, � alerter les puissants. Merci donc au professeur Riccardi pour ce qu'il a fait et pour ce qu'il fera.