Comunità di S.Egidio


 

9 mai 2000

Louis Michel en chef d'Etat au Vatican
Le Pape a assur� le ministre belge des Affaires �trang�res qu'il soutenait ses efforts en Afrique centrale.

 

ROME
De notre envoy�e sp�ciale

P�lerin de la paix en Afrique centrale et champion de la lutte contre l'extr�me droite en Europe, le ministre des Affaires �trang�res Louis Michel passait lundi par Rome pour renouer les liens entre le Vatican et la Belgique.

Au lendemain du sommet europ�en des A�ores, o� le ministre belgea eu des �changes tr�s tendus avec son coll�gue italien Dini � propos de l'Autriche, au point de le traiter de complice de la ministre Ferrero-Waldner, Louis Michel a �t� re�u en audience par le Pape Jean-Paul II. A l'issue de cet entretien de vingt minutes, d�crit comme chaleureux et anim�, le ministre belge n'a pas �t� b�ni par le Saint-P�re, mais il a re�u en souvenir la m�daille du Jubil�. Il aurait d� �tre question du Proche-Orient et du statut de J�rusalem, des mesures d'all�gement de la dette du tiers monde, des flux migratoires et des relations avec l'islam, mais ces sujets ont �t� r�serv�s aux discussions avec Mgr R� et Mgr Miglione, tous deux en charge des relations ext�rieures du Saint-Si�ge. En r�alit�, apr�s que furent �voqu�s le souvenir du Roi Baudouin ou la sant� d'Albert II, c'est surtout l'Afrique centrale qui a monopolis� les �changes entre le Pape et le ministre belge.

LES SOUCIS DE L'EGLISE

De l'influence, l'Eglise catholique n'en manque pas, et son r�seau d'informations est in�gal�. On se souvient que Jean-Paul II, lorsqu'il avait re�u le pr�sident Kabila en 1998, quelques mois apr�s le d�but de la guerre, lui avait d�clar� qu'il n'ignorait rien de la situation dans l'Est du pays, qu'il �tait tenu au courant de la r�alit� de l'occupation rwandaise et ougandaise jusque dans les moindres villages...
Au Congo en effet, le r�seau des missions catholiques ne se contente pas de fournir un appui humanitaire et m�dical aux populations, il collecte aussi les informations disponibles et les fait conna�tre au monde entier: c'est l'agence de presse catholique Misna qui a r�v�l� les principaux massacres qui ont endeuill� le Kivu, non sans exag�rer certains chiffres � l'occasion.

Le Vatican est �galement pr�occup� par la rel�gation de l'�v�que de Bukavu, Mgr Kataliko, qui se trouve toujours � Bunia.

En outre, l'Eglise catholique, qui a boud� la consultation nationale organis�e en mars par les autres confessions religieuses, entend bien �tre partie prenante dans le dialogue intercongolais tel qu'il est pr�vu par les accords de paix de Lusaka; dialogue qui devra rassembler le pouvoir de Kabila et des repr�sentants de l'opposition, arm�e et non arm�e. Le fait que l'opposant Etienne Tshisekedi soit pass� par Rome, pr�c�dant le ministre belge de quelques jours, n'est pas d� au hasard.

Au sortir de son audience avec le Pape, Louis Michel, moins loquace que d'ordinaire, et qui s'est d�clar� soumis � un devoir de r�serve comparable � celui qu'imposent les entretiens singuliers avec le Roi, devait d�clarer qu'il y avait convergence de vues entre la politique belge et celle du Vatican. Cette discr�tion s'explique par le fait que des diplomaties parall�les se mettent en oeuvre et que la communaut� Sant'Egidio, tr�s active en Afrique, pourrait y jouer un r�le. La rencontre entre Louis Michel, Andr�a Ricardi, qui dirige la communaut� et don Matteo Zuppi, son sp�cialiste de l'Afrique, augure peut-�tre une nouvelle initiative diplomatique.

En effet, Sant'Egidio, qui se compose essentiellement de la�cs engag�s dans la vie active mais dont la diplomatie est tr�s proche de celle du Vatican, s'est sp�cialis�e dans les actions de m�diation: son plus grand titre de gloire est d'avoir jet� les bases de la paix au Mozambique, qui a abouti au d�sarmement de toutes les parties et � la r�int�gration des combattants de la Renamo (Mouvement pour la r�novation du Mozambique, longtemps soutenu par l'Afrique du Sud). En Alg�rie, Sant'Egidio tenta d'ouvrir une br�che en direction du FIS (Front islamique de salut) mais avec moins de succ�s. Quant � l'Afrique centrale, le P�re Matteo Zuppi a d�j� eu plusieurs entretiens avec le pr�sident Kabila et son offre de m�diation fut nagu�re accept�e par Kinshasa, avec le soutien initial de l'Union europ�enne et de son envoy� sp�cial pour l'Afrique des Grands Lacs Aldo Ajello.

RENCONTRE AVEC SANT' EGIDIO

Par la suite, Sant'Egidio a d� faire face � l'hostilit� de l'organisation de l'Unit� africaine et de son secr�taire g�n�ral Salim Ahmed Salim et aux r�ticences du pouvoir alg�rien, jusqu'� ce que le m�diateur officiel choisi par l'ONU et l'OUA soit l'ex-pr�sident du Botswana, Quett Masire.
Mais ce dernier, anglophone et bien �loign� des probl�me de l'Afrique centrale, se heurte � l'immense m�fiance de Kinshasa, qui multiplie obstacles et -vexations � son �gard. Alors que le dialogue intercongolais doit encore �tre mis sur pied, Sant'Egidio, qui conna�t d�j� tous les interlocuteurs potentiels, pourrait un jour �tre appel� � proposer ses bons offices. Mais dans l'imm�diat, Louis Michel a assur� la communaut� romaine de son soutien, mat�riel au besoin, dans d'autres de ses initiatives comme des projets de d�veloppement au Mozambique ou dans l'Afrique des Grands Lacs. De leur c�t� les responsables de Sant'Egidio ont invit� Louis Michel � participer en septembre prochain � des assises internationales de la paix, qui doivent se tenir � Lisbonne sur le th�me du dialogue entre religieux et la�cs et o� il sera aussi question de l'Afrique. Le ministre belge s'est �galement engag� � soutenir Sant'Egidio qui veut d�velopper en Afrique une action de sensibilisation au probl�me du sida, en collaboration avec le professeur fran�ais Luc Montagnier.

A l'issue de sa visite romaine, essentiellement consacr�e au Vatican et aux milieux religieux, Louis Michel semblait non seulement satisfait du contenu politique de ses entretiens, mais s�duit par la profondeur et la qualit� intellectuelle des �changes, qui d�pass�rent des questions d'actualit� imm�diate pour d�boucher sur des enjeux de soci�t�, comme la ma�trise des flux migratoires et l'int�gration des immigr�s par le biais d'une politique volontariste.

COLETTE BRAECKMAN