Comunità di S.Egidio


 

18/02/2001


Le diagnostic de Sant'Egidio
Laur�ate du prix Houphou�t-Boigny pour la recherche de la paix, cette communaut� de la�cs porte sur la situation du continent un regard sans complaisance. Explications d�Andrea Riccardi, son pr�sident

 

PRESIDENT DE. LA COMMUNAUTE DE SANT�EGIDIO, UNE ASSOCIATION DE LA�CS DONT LE SIEGE EST A ROME, EN ITALIE, ANDREA RICCARDI A RE�U, LE 1 ER FEVRIER 2001, DES MAINS DU DIRECTEUR GENERAL DE L�UNESCO, KO�CHIRO MAISUURA, LE PRIX FELIX HOUPHOU�T-BOIGNY POUR LA RECHERCHE DE LA PAIX. LANCE UN 1989 ET DOTE D�UNE SOMME DE 800 000 FE CE PRIX, REMIS AU COURS D�UNE CEREMONIE A LAQUELLE ON PRIS PART DE NOMBREUSES PERSONNALITES, PARMI LESQUELLES LES EX-PRESIDENTS DU SENEGAL, ABDOU DIOUF. ET DE C6TE D� IVOIRE. HENRI KONAN BEDIE, L�ANCIEN PRESIDENT DE LA COMMISSION EUROPEENNE JACQUES DELORS, OU LE SECRETAIRE GENERAL DE LA FRANCOPHONIE, BOUTROS BOUTROS-GHALI, VIENT COURONNER LES EFFORTS ENTREPRIS UN FAVEUR DE LA RECONCILIATION OECUMENIQUE DE TOUTES LES RELIGIONS ET POUR LE RETABLISSEMENT DE LA PAIX (AU MOZAMBIQUE. EN GUINEE-BISSAU, AU BURUNDI, EN ALGERIE, AU CONGO-KINSHASA, EN YOUGOSLAVIE) PAR UNE COMMUNAUTE. CREE EN 1968, ET QUI REVENDIQUE PAS MOINS DE 30 000 MEMBRES DANS PLUS DE 30 PAYS (VOIR JAE N�305). SON FONDATEUR, ANDREA RICCARDI, PROFESSEUR D�HISTOIRE A L�UNIVERSITE DE ROME, LIVRE A JAE LE REGARD QU�IL PORTE. SUR L' AVENIR DE L�AFRIQUE. ENTRETIEN.

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Quel regard portez-vous sur le continent?
Je suis tr�s pr�occup� car je trouve qu�il n�y a plus de v�ritables politiques en direction de, et pour l�Afrique. La strat�gie de l�Occident est de sauvegarder ses int�r�ts, pas de collaborer avec les Africains pour le d�veloppement du continent. Nous avons connu le colonialisme, qui n�est plus d�fendable aujourd�hui. Mais qu�est�il arriv� depuis les ind�pendances? On a dit que l�Afrique �tait prise en charge par ses dirigeants. Ce n�est pas la r�alit� du post-colonialisme! Les grands int�r�ts du continent n�ont pas �t� pris en consid�ration, en grande partie � cause des �lites africaines, trop proches des int�r�ts europ�ens. L�ambigu�t� reste enti�re. Quel est, aujourd�hui, le projet africain? Quels sont les diff�rents projets nationaux? Myst�re. Il y a eu l�afro-rnarxisme, ou marxisme tropical, avec ses faiblesses et ses contradictions, mais qui, au moins, �tait un projet. Il y a eu le projet de Julius Nyerere, celui de L�opold S�dar Senghor. celui de F�lix Houphou�t-Boigny, des projets contradictoires mais qui avaient le m�rite d�exister. Je ne fais pas l'�loge du pass�, mais force est de reconna�tre qu�il y avait alors des visions. Aujourd'hui, l�Afrique souffre d�une. faiblesse, voire d�une absence totale de politiques et de projets. Cela me choque. Il faut r�agir. Je dis souvent � mes amis europ�ens que, s� ils pensent pouvoir s�parer le destin de l�Europe de celui de l�Afrique, ils se trompent, car c�est le m�me monde. Nous vivrons ou nous tomberons ensemble.

Vous semblez bien pessimiste...
Il y a de quoi. Et ce n�est pas tout. S�il y a un point sur lequel j�ai beaucoup r�fl�chi dans les rencontres organis�es par la Communaut� de Sant�Egidio, c�est bien l�humiliation de la jeunesse africaine. Il y a une demande forte pour une attitude nouvelle. Je crains que cette jeunesse ne soit humili�e dans son esp�rance, dans sa recherche de culture et d�espace de vie. Elle paie un tribut important � la situation actuelle, elle est frapp�e par le sida et d�autres maladies. Je crains que son esp�rance ne s�amenuise.

Vos efforts en faveur de la paix ont tout de m�me �t� couronn�s de succ�s.
C�est vrai, au Mozambique, la paix a �t� sign�e sous l�impulsion de la Communaut� de Sant�Egidio. En Guin�e-Bissau, nous avons construit un h�pital, qui a �t� d�truit pendant la guerre civile entre 1998 et 2000 et que nous sommes en train de reb�tir Et quand je vois les repr�sentants de la R�sistance nationale du Mozambique au Parlement de Maputo avec ceux du Front de lib�ration du Mozambique je suis tr�s content, car je vois une d�mocratie. Bien s�r, je sais que la question des �lections les oppose encore. Mais ils sont sur le bon chemin. Reste, dans cette partie du continent, la question de l�Angola. C�est dramatique. Les n�gociations sur le Mozambique et l�Angola suivaient un cours parall�le. Et puis, les fr�res ennemis angolais ont gard� leurs armes � la main, ce qui a amen� cette situation terrible.

Certains ne peuvent-ils pas s' impatienter et trouver que le dialogue prend trop de temps?
C�est terrible � dire, mais les processus de paix ont besoin de temps. Je me souviens que, pendant les n�gociations au Mozambique, quelqu�un nous t�l�phonait de Maputo pour nous dire: � Vous perdez votre temps dans les restaurant- de Rome, dans des discussions interminables. Il y a des gens qui meurent, ici�. C�est vrai. Mais il faut d�abord changer les mentalit�s Et, surtout, il ne faut pas que les deux parties gardent leurs armes. Car une arme dans la poche est toujours une menace.

Dans quels autres pays �tes-vous intervenus?
Au Burundi, o� un membre de la Communaut� �tait le responsable de la commission de cessez-le feu. Nous avons suivi la situation dans le sud du Soudan, en Guin�e-Bissau. D�o� nous avons vu l��volution dramatique de la Casamance. Nous suivons �galement le devenir de la C�te d�Ivoire. gr�ce � une grande communaut� ivoirienne de Sant�Egidio, et aussi de la Guin�e, o� nous avons �galement une communaut�, et celte situation p�nible caract�ris�e par un demi - million de r�fugi�s.

Et le Congo?
Laurent-D�sir� Kabila est venu � Sant�Egidio il y a deux ans. Il nous a demand� de l�aider dans ses rencontres avec les autres parties. Nous n�avons rien fait de formel. Il y avait une certaine sympathie envers Sant�Egidio, mais finalement, un nous a plut�t demand� d�assister et d�aider le facilitateur international accept� par toutes les parties. L�ancien pr�sident botswanais Ketumile Masire. De crainte que cela ne cr�e un autre processus, susceptible de compliquer davantage la situation du Congo, nous pr�f�rons suivre la situation, sans nous associer aux efforts de Ketumile Masire, car on a beaucoup de choses � faire. Notre vocation est la lutte contre la pauvret� en Europe, en Afrique. Nous sommes des chr�tiens qui travaillons contre la pauvret�. Nous avons de petits projets de d�veloppement. Nous venons de lancer un projet de soins pour les malades atteints du sida au Mozambique, surtout de soins pour les femmes enceints et pour les enfants. Nous avons des communaut�s de Sant�Egidio � suivre et faire grandir.

Pour en revenir un Congo, croyez-vous � une sortie de crise rapide?
Je crains deux choses: la bureaucratisation du processus de paix et la mise � l��cart des Congolais. Le probl�me du Congo est celui d�une soci�t� riche qui souffre de l�implication des pays voisins. La situation dans ce pays ressemble � celle des guerres balkaniques, qui a marqu� le d�but du XXe si�cle en Europe. Ce n�est pas seulement un Etat qui est en cause, tout est li� � l��chiquier international.

Comment contenir efficacement la prolif�ration des armes dans le monde, et notamment dans les zones du conflit?
C�est un probl�me de fond. Les deux ennemis de la paix sont le sida et les armes. Celles-ci se retrouvent sur le march�, � 10, � 50 dollars. Acheter des armes est tr�s facile. L�arme, c�est la tentation de fuir la discussion. la d�mocratie.

Et les guerres de religion?
Je n�accr�dite pas l�id�e selon la-quelle existent sur le continent des guerres de religion mais le risque est grand que de telles guerres se d�veloppent en Afrique. Des politiciens peu scrupuleux sont capables de se pr�valoir d�une religion peur se constituer une base, politique, r�gionale, religieuse. Cela peut arriver au Soudan, au Mozambique, en C�te d�Ivoire et dans d�autres pays. M�me au S�n�gal. C�est pourquoi Sant�Egidio travaille en faveur du dialogue. Il faut que chr�tiens, musulmans et juifs comprennent que la religion et la paix sont li�es. La paix est l�approfondissement de chaque conviction religieuse.

Et l�Alg�rie?
Je vais vous expliquer comment nous nous sommes int�ress�s � la question alg�rienne. La maison de notre voisin [l�Alg�rie] br�lait. Les Italiens, les Espagnols et m�me les Fran�ais �taient l�, � regarder, et � compter les morts. Que faisaient les diplomates? Que faisaient les Etats? Nous avons pris nos responsabilit�s, et avons pr�par� un colloque, chez nous, � Rome, en 1994, auquel nous avons invit� tout le monde pour tenter de comprendre ce qui arrive en Alg�rie. Les gens sont venus nombreux. Pas seulement de l�opposition, mais aussi des partis proches du gouvernement. Et le pouvoir alg�rien [de Liamine Zeroual] �tait inform� de notre d�marche. Et puis l�opposition a dit qu�elle voulait faire une proposition de paix. Ses repr�sentants sont venus � Rome, en 1995, o� ils ont sign� une plate-forme. Ses signataires allaient du Front islamique du salut (Fis) au Front des forces socialistes d�Hocine A�t Ahmed. C��tait tr�s important, car cela montrait la volont� du Fis de sortir de la lutte arm�e. On a beaucoup critiqu� cette initiative. Mais il n�est pas vrai que cette plat-forme sign�e pur un la�c comme Hocine A�t Ahmed proposait le retour � la charia.

Sant�Egidio n�est-elle pas en train de devenir une v�ritable institution?
Sant�Egidio n�est pas seulement une organisation italienne. C�est aussi une organisation d�Africains. Mais nous ne sommes pas les Nations unies de Trastevere [commune de la ville de Rome] ou des pauvres. Nos membres sont des jeunes et des adultes qui croient en leur pays, qui croient en l�Afrique, et qui refusent de c�der au d�sespoir.

Bapuwa Mwampa