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23/02/2001 |
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Le monde aujourd�hui |
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C�est � nous d�aller vers les tr�s d�munis, et non l�inverse �J'y arrive pas �, lance Luciana, d�un air d�sesp�r�. La trentaine enjou�e, la jeune femme souffre d�un handicap mental l�ger. Comme chaque samedi apr�s-midi, elle est venue retrouver ses amis pour le cours de dessin dans les locaux d�un petit restaurant du Trastevere, un quartier de Rome. Pench�e sur une feuille, Luciana tente de reproduire un mod�le de fleur. Debout � c�t� d�elle, Massimiliano, l�animateur �artiste �, lui prend la main et la guide : �Essaie de te concentrer. � Luciana s�applique et, sur le papier, un p�tale prend forme. A l�autre bout de la pi�ce, Laura dessine au rouleau, sur des pochoirs, donnant des grands coups de couleur sur la feuille qui tapisse son chevalet. Elle est infirme moteur c�r�bral, clou�e dans un fauteuil roulant. Amis des plus pauvres Le groupe d� �Amis� du Trastevere, par exemple, s�est mobilis� pour venir en aide aux sinistr�s du Salvador: collectes, organisation de f�tes payantes. La somme sera envoy�e � la communaut� l�-bas. Autre exemple : les ateliers hebdomadaires de peinture donnent lieu, une fois par an, � 1��tonnante exposition � A bas le gris�. Place Santa Maria in Trastevere, 500 oevres de diff�rents groupes d�Amis de Rome et des environs sont expos�es. Accol�es � chaque tableau, des fiches expliquent qui en est l�auteur et de quel handicap il est atteint. � Les handicapes aiment beaucoup, raconte avec enthousiasme Giuseppe Di Pompeo, responsable du groupe du Trastevere. Pour une fois, leur handicap n�est pas un obstacle, mais un avantage. � Preuve � l�appui, Giuseppe montre une peinture repr�sentant des arbres �clair�s de quelques touches de peinture: � Le gar�on qui a peint cela ne parle pas. Il a des gestes tr�s brusques, qui seuls ont pu donner ces touches de lumi�re�. Lors de l�expo, un jury d�artistes romains s�lectionne dix oeuvres, dont il estime le prix. Ces tableaux sont ensuite vendus au b�n�fice d�une op�ration choisie par les Amis. L�une des peintures r�cemment prim�es, celle de Silvia, �tonnant collage figurant une �glise, est estim�e � 3 millions de lires (soit 10 000 F). L�an dernier, la collecte de plus de 60 millions de lires (soit 200 000 F) a permis de financer la restauration d�un h�pital de Guin�e-Bissau, pays d�Afrique de l�Ouest o� vit une communaut� de Sant�Egidio. Ce samedi soir justement, des jeunes de Guin�e-Bissau, de passage � Rome, participent au service � La Mensa (litt�ralement, la table), �quivalent de nos Restos du c�ur. � Les plus pauvres trouvent toujours plus pauvres qu�eux �, commente, � leur vue, l�un des responsables. De 16 h 30 � 20 h 30, trois soirs par semaine, ils sont de 1 500 � 2 000 �trangers sans travail ou italiens de la rue, qui viennent profiter d�un repas chaud. Au menu, ce soir: p�tes � la mode de Trieste, r�ti de dinde, croquettes de pommes de terre et pomme. Une table et une famille Comme le Samaritain � C�est une fa�on de vivre l��vangile du bon Samaritain� explique la responsable de la Mensa, Francesca Zuccari. As tante sociale le jour, elle passe deux � trois soirs par semaine avec les gens de la rue, souvent dehors. � � C�est � nous d�aller vers eux. Nous ne devons pas attendre qu�ils viennent vers nous.� Cet �lan vers l�autre guide tous les combats de Sant�Egidio. L�autre quand il est pauvre, mais aussi l�autre � tous les �ges de sa vie. O� qu�elle soit situ�e dans le monde, chaque communaut� instaure une amiti� avec les personnes �g�es du coin. Au c�ur du Trastevere, un appartement fra�chement restaur� accueille un foyer des anciens. Ils sont huit, Filomena, Sandro, Fata et les autres, � y vivre ensemble. Vingt-cinq membres de la communaut�, b�n�voles, se relaient aupr�s d�eux et compl�tent la � famille �. Cuisine, m�nage, toilette, courses: tout le quotidien se partage. Ce soir, Stefano, � peine 30 ans, appelle � l�aide ses camarades: Fata, 91 ans, d�origine tzigane, lui a demand� de la coiffer et le jeune homme n�a pas le coup de brosse. Filomena, 91 ans, les cheveux blancs impeccablement coup�s, vivait � Fiumicino, dans les environs de Rome, o� elle �tait membre de la communaut� locale. Elle a demand� � s�installer ici parce quelle �tait prise de phobies d�s qu�elle restait seule. Elle re�oit des visites de sa file et se rende une fois par semaine � la pri�re de sa communaut� de Fiumicino. Une pause spirituelle
Don matteo Zuppi, cur� de Santa Maria in Trastevere Q. A 46 ans, vous etes membre de Sant�Egidio depuis trente ans. Quelle est votre d�marche spirituelle? R. On ne peut comprendre les activit�s de la communaut� sans en saisir la spiritualit�. Nos actions ne sont pas qu�une une question de militantisme et d�organisation. La communaut� est n�e � la fin des ann�es 60, apr�s le Concile Vatican II, dans le monde �tudiant. Ses jeunes membres ont red�couvert la Parole de Dieu et ont voulu la vivre dans leurs vies. Tout cela a �t� fortement li� � une dimension comunautaire, au service des plus pauvres. Notre intuition a �t� de lire l�Evangile dans la rue, dans la vie de tous les jours. Le journal dans une main, l�Evangile dans l�autre. Nous avons ainsi d�couvert saint Fran�ois d�Assise. Bourgeois, laic, comme la plupart d�entre nous, il a vecu un engagement radical bas� sur l�amour des plus pauvres, dans la joie et la frat�rnit�. Q. La communaut� de Sant�Egidio a �t� surnomm� � l'ONU de Trastevere �, en r�f�rence aux actions en faveur de la paix que vous menez depuis une dizaine d�ann�es. Pourquoi vous etes-vous lanc�s dans ces activit�s ? R. Dans les ann�es 80, nous avion d�j� beaucoup d�amis au Mozambique. Nous avons chercher � les aider � se sortir de la guerre civile qui faisait rage. Nous avons jou� un role de m�diateur en menant des n�gociations de paix qui ont abouti � un accord sign� en 1992. Dans une guerre, les premi�res victimes sont les pauvres. C�est pour cela que nous avons accept� de nous engager. Apr�s le succ�s au Mozambique, le pr�sident du Burundi nous a demand� de l�aide, et ainsi de suite. En ce qui concerne les Balkans, nous sommes intervenus en Albanie, parce que ce pays est voisin de l�Italie. C�est vrai que nous ressemblons � une famille qui aime faire beaucoup des choses, mais remettons les choses � leur place : en mati�re de diplomatie, nous faisons de l�artisanat. Nous comptons tr�s peu. Q. La communaut� attire-t-elle encore les jeunes? R. Elle continue � recruter dans les lyc�es. Ce n�est pas �vident d�accueillir une nouvelle g�n�ration quand on est marqu� par l�esprit des ann�es 70. Chacun doit grandir avec sa personnalit�, vivre son exp�rience , mais � l�int�rieur du meme sensibilit�. Les plus jeunes ont une grande ouverture d��prit, une certaine disponibilit�. Ils sont plus sereins que nous � leur �ge.
Marie-Christine Vidal
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