Comunità di S.Egidio


 

23/02/2001

Le monde aujourd�hui
Sant�Egidio

�On trouve toujours plus pauvre que soi � aider�
Depuis plus de trente ans, la communaut� catholique et la�que de Sant�Egidio a choisi de vivre pleinement l�Evangile dans la pri�re et la rencontre avec les plus pauvres. Reportage � Rome, berceau de la communaut�.

 

L�histoire

1968
Un Romain des 18ans, Andrea Riccardi cr�e avec des amis de lyc�e un groupe pour concr�tiser son r�ve: vivre l�Evangile et �tre pr�sent dans la ville. Ils partent � la rencontre des plus pauvres dans les bidonvilles des bords du Tibre.

1973
La communaut� s�installe � l��glise Sant�Egidio (Saint-Gilles), dans le quartier populaire du Trastevere. Elle prend alors le nom du lieu.

1986
Le Vatican reconna�t la communaut�. Depuis, il lui apporte son soutien.

1992
Sant�Egidio contribue � r�soudre le conflit du Mozambique. Aujourd�hui, Sant�Egidio compte 30000 membres et 300 communaut�s. Elle est pr�sente dans plus de30 pays, parmi lesquels le Mozambique, la C�te d�Ivoire l�Egypte, la Belgique, l�Indon�sie, l�Indon�sie, la Roumanie, les Etats-Unis, Cuba, la Bolivie�

A l�occasion du car�me

Toutes les activit�s de Sant�Egidio (soutien scolaire des enfants, pr�sence aupr�s des Gitans, des malades du sida, des prisonniers, dialogue interreligieux..) prennent un sens particulier pendant le car�me, temps de la conversion et du partage. 

Concr�tement, nous vous proposons de soutenir la d�marche de la communaut� en faveur de l�abolition de la peine de mort. En octobre 1998, Sant�Egidio a lanc� une vaste campagne de recueil de signatures. A ce jour, plus de 3,2 millions de personnes de 145 pays ont sign� pour demander un moratoire. 

Vous pouvez ajouter votre nom � la liste, sur le site Internet de SantEgidio: www.santegidio.org ou en envoyant vos coordonn�es et le num�ro de votre carte d�identit� � Comunit� di SantEgidio - Piazza Sant�Egidio 3/A � 00153 Rome�Italie. Dans les deux cas, vous pouvez �crire en fran�ais.

C�est � nous d�aller vers les tr�s d�munis, et non l�inverse

�J'y arrive pas �, lance Luciana, d�un air d�sesp�r�. La trentaine enjou�e, la jeune femme souffre d�un handicap mental l�ger. Comme chaque samedi apr�s-midi, elle est venue retrouver ses amis pour le cours de dessin dans les locaux d�un petit restaurant du Trastevere, un quartier de Rome.

Pench�e sur une feuille, Luciana tente de reproduire un mod�le de fleur. Debout � c�t� d�elle, Massimiliano, l�animateur �artiste �, lui prend la main et la guide : �Essaie de te concentrer. � Luciana s�applique et, sur le papier, un p�tale prend forme. A l�autre bout de la pi�ce, Laura dessine au rouleau, sur des pochoirs, donnant des grands coups de couleur sur la feuille qui tapisse son chevalet. Elle est infirme moteur c�r�bral, clou�e dans un fauteuil roulant.

Amis des plus pauvres
Handicap�s ou valides, les quelque vingt artistes en herbe rassembl�s l� sont membres de la communaut� catholique et la�que de Sant�Egidio. Ils appartiennent au mouvement des � Amis �, destin� aux handicap�s. Comme tous les chr�tiens engag�s dans la communaut�, handicap�s ou valides veulent vivre l�Evangile au quotidien, avec les plus d�munis, � Nul n�est assez pauvre pour n�avoir rien � donner � plus pauvre que soi. � Telle pourrait �tre l�une des devises de Sant�Egidio.

Le groupe d� �Amis� du Trastevere, par exemple, s�est mobilis� pour venir en aide aux sinistr�s du Salvador: collectes, organisation de f�tes payantes. La somme sera envoy�e � la communaut� l�-bas. Autre exemple : les ateliers hebdomadaires de peinture donnent lieu, une fois par an, � 1��tonnante exposition � A bas le gris�.

Place Santa Maria in Trastevere, 500 oevres de diff�rents groupes d�Amis de Rome et des environs sont expos�es. Accol�es � chaque tableau, des fiches expliquent qui en est l�auteur et de quel handicap il est atteint.

� Les handicapes aiment beaucoup, raconte avec enthousiasme Giuseppe Di Pompeo, responsable du groupe du Trastevere. Pour une fois, leur handicap n�est pas un obstacle, mais un avantage. � Preuve � l�appui, Giuseppe montre une peinture repr�sentant des arbres �clair�s de quelques touches de peinture: � Le gar�on qui a peint cela ne parle pas. Il a des gestes tr�s brusques, qui seuls ont pu donner ces touches de lumi�re�. Lors de l�expo, un jury d�artistes romains s�lectionne dix oeuvres, dont il estime le prix. Ces tableaux sont ensuite vendus au b�n�fice d�une op�ration choisie par les Amis. L�une des peintures r�cemment prim�es, celle de Silvia, �tonnant collage figurant une �glise, est estim�e � 3 millions de lires (soit 10 000 F). L�an dernier, la collecte de plus de 60 millions de lires (soit 200 000 F) a permis de financer la restauration d�un h�pital de Guin�e-Bissau, pays d�Afrique de l�Ouest o� vit une communaut� de Sant�Egidio.

Ce samedi soir justement, des jeunes de Guin�e-Bissau, de passage � Rome, participent au service � La Mensa (litt�ralement, la table), �quivalent de nos Restos du c�ur. � Les plus pauvres trouvent toujours plus pauvres qu�eux �, commente, � leur vue, l�un des responsables. De 16 h 30 � 20 h 30, trois soirs par semaine, ils sont de 1 500 � 2 000 �trangers sans travail ou italiens de la rue, qui viennent profiter d�un repas chaud. Au menu, ce soir: p�tes � la mode de Trieste, r�ti de dinde, croquettes de pommes de terre et pomme.

Une table et une famille
Le tout est pr�par� et servi � table, sur des nappes, par des b�n�voles: aux c�t�s des Guin�ens, une jeune �tudiante romaine, une religieuse, un s�minariste, une m�re de famille... Roberto*, peintre en b�timent italien de 40 ans, actuellement sans travail, est, comme beaucoup, un habitu� de ces soir�es. � Depuis neuf ans, je viens manger, mais aussi parler de mes probl�mes. J�ai beaucoup d�amis. � Ancien alcoolique, il a trouv� plus qu�une table: l�occasion de se refaire � neuf. La r�ussite de La Mensa est d�avoir su cr�er un esprit de famille. Ici on f�te les anniversaires, on re�oit son courrier (pr�s de1000 personnes ont une adresse postale), on emprunte des livre, on se rencontre. Le tout, sans qu�aucun papier soit exig�.

Comme le Samaritain
A No�l, le repas vient � concurrencer � le d�sormais c�l�bre banquet de Santa Maria in Trastevere, �glise de la communaut�. Une fois l�an, en effet, sous les fameuse mosa�ques de la basilique romaine les bancs sont remplac�s par longues tables. Cette soir�e a acquis une notori�t� telle que familles enti�res, des acteurs connus, se proposent d�y �tre serveurs d�un soir. Mais si ce d�ner remporte un franc succ�s aupr�s de la gens de la rue, les membre de la communaut� savent, eux, que beaucoup ne sont pas touch�s : les plus pauvres, peut-�tre, ou ce qui n�osent pas. Alors, des petits groupes partent � leur rencontre, plusieurs fois par semaine, � Rome comme dans de nombreuses villes o� la communaut� est pr�sente. Un thermos de soupe et des panini (sandwiches italiens) � la main.

� C�est une fa�on de vivre l��vangile du bon Samaritain� explique la responsable de la Mensa, Francesca Zuccari. As tante sociale le jour, elle passe deux � trois soirs par semaine avec les gens de la rue, souvent dehors. �

� C�est � nous d�aller vers eux. Nous ne devons pas attendre qu�ils viennent vers nous.�

Cet �lan vers l�autre guide tous les combats de Sant�Egidio. L�autre quand il est pauvre, mais aussi l�autre � tous les �ges de sa vie. O� qu�elle soit situ�e dans le monde, chaque communaut� instaure une amiti� avec les personnes �g�es du coin. Au c�ur du Trastevere, un appartement fra�chement restaur� accueille un foyer des anciens. Ils sont huit, Filomena, Sandro, Fata et les autres, � y vivre ensemble. Vingt-cinq membres de la communaut�, b�n�voles, se relaient aupr�s d�eux et compl�tent la � famille �.

Cuisine, m�nage, toilette, courses: tout le quotidien se partage. Ce soir, Stefano, � peine 30 ans, appelle � l�aide ses camarades: Fata, 91 ans, d�origine tzigane, lui a demand� de la coiffer et le jeune homme n�a pas le coup de brosse.

Filomena, 91 ans, les cheveux blancs impeccablement coup�s, vivait � Fiumicino, dans les environs de Rome, o� elle �tait membre de la communaut� locale. Elle a demand� � s�installer ici parce quelle �tait prise de phobies d�s qu�elle restait seule. Elle re�oit des visites de sa file et se rende une fois par semaine � la pri�re de sa communaut� de Fiumicino.

Une pause spirituelle
Andrea Simari, professeur de litt�rature de 37 ans, vient 4 � 5 fois par semaine, apr�s le travail: � Bien sur, nous sommes au service des anciens, mais ils sont avant tout nos amis.�. Comme d�autres, Andrea a connu Sant�Egidio adolescent par des camarades de lyc�e. Derri�re l�allure un brin s�rieuse que lui donnent sa barbe et ses lunettes rondes, le Romain se montre doux mais d�termin�: � Ma pr�sence � SantEgidio m�aide � donner un sens � ma vie. C�est une fa�on de changer le monde, de b�tir une justice, qui ne s�appuie pas sur des mots, mais sur un engagement personnel, avec des personnes en chair et en os. Tous les soirs, Andrea, � 20 h 30, quitte le foyer pour se rendre � la pri�re du soir, � l��glise Santa Maria in Trastevere. Moment essentiel de ressourcement auquel les membres de la communaut� essaient de participer le plus souvent possible. Tout ne se termine pas avec le travail de nos mains, explique Mario Giro, l�un des responsables de Sant�Egidio. Comme le dit le psaume 127: � Si le Seigneur ne b�tit la maison, ses b�tisseurs travaillent peur rien. �

 

 

Don matteo Zuppi, cur� de Santa Maria in Trastevere
�L�Evangile dans une main, le journal dans l�autre�

Q. A 46 ans, vous etes membre de Sant�Egidio depuis trente ans. Quelle est votre d�marche spirituelle?

R. On ne peut comprendre les activit�s de la communaut� sans en saisir la spiritualit�. Nos actions ne sont pas qu�une une question de militantisme et d�organisation. La communaut� est n�e � la fin des ann�es 60, apr�s le Concile Vatican II, dans le monde �tudiant. Ses jeunes membres ont red�couvert la Parole de Dieu et ont voulu la vivre dans leurs vies. Tout cela a �t� fortement li� � une dimension comunautaire, au service des plus pauvres. Notre intuition a �t� de lire l�Evangile dans la rue, dans la vie de tous les jours. Le journal dans une main, l�Evangile dans l�autre. Nous avons ainsi d�couvert saint Fran�ois d�Assise. Bourgeois, laic, comme la plupart d�entre nous, il a vecu un engagement radical bas� sur l�amour des plus pauvres, dans la joie et la frat�rnit�.

Q. La communaut� de Sant�Egidio a �t� surnomm� � l'ONU de Trastevere �, en r�f�rence aux actions en faveur de la paix que vous menez depuis une dizaine d�ann�es. Pourquoi vous etes-vous lanc�s dans ces activit�s ?

R. Dans les ann�es 80, nous avion d�j� beaucoup d�amis au Mozambique. Nous avons chercher � les aider � se sortir de la guerre civile qui faisait rage. Nous avons jou� un role de m�diateur en menant des n�gociations de paix qui ont abouti � un accord sign� en 1992. Dans une guerre, les premi�res victimes sont les pauvres. C�est pour cela que nous avons accept� de nous engager. Apr�s le succ�s au Mozambique, le pr�sident du Burundi nous a demand� de l�aide, et ainsi de suite. En ce qui concerne les Balkans, nous sommes intervenus en Albanie, parce que ce pays est voisin de l�Italie. C�est vrai que nous ressemblons � une famille qui aime faire beaucoup des choses, mais remettons les choses � leur place : en mati�re de diplomatie, nous faisons de l�artisanat. Nous comptons tr�s peu.

Q. La communaut� attire-t-elle encore les jeunes?

R. Elle continue � recruter dans les lyc�es. Ce n�est pas �vident d�accueillir une nouvelle g�n�ration quand on est marqu� par l�esprit des ann�es 70. Chacun doit grandir avec sa personnalit�, vivre son exp�rience , mais � l�int�rieur du meme sensibilit�. Les plus jeunes ont une grande ouverture d��prit, une certaine disponibilit�. Ils sont plus sereins que nous � leur �ge.

Marie-Christine Vidal