Comunità di S.Egidio


 

30/09/2002


L'�vangile tout azimut : le ph�nom�ne Sant'Egidio

 

Andrea RICCARDI, dans une s�rie d'entretiens avec Dominique CHIVOT, nous d�crit le destin singulier d'une petite communaut� romaine qui, � partir d'un simple groupe d'amis, s'est propag� sur la sc�ne et dans les coulisses du monde entier, montrant qu'il est possible au XXIe si�cle de vivre une aventure spirituelle, faite de pri�re, de t�moignage et d'aide caritative en direction des populations les plus pauvres. Fondateurs de la communaut� Sant'Egidio, Andrea RICCARDI est aujourd'hui l'une des figures les plus en vue du catholicisme mondial. Romain de naissance, professeur d'histoire du catholicisme, il incarne le nouveau profil du la�c servant l'�glise, � la t�te d'un mouvement atypique, s'inspirant d'un humanisme pragmatique et d'une spiritualit� �cum�nique, h�ritage de mai 1968 et de Vatican II.

Tout a commenc� avec une poign�e d'�tudiants du lyc�e Virgile, �tablissement bourgeois du centre de Rome, r�vant de refaire le monde � partir de l'�vangile affich� et pratiqu� dans les faubourgs d�sh�rit�s de la ville, en associant ostensiblement pri�re, apostolat et b�n�volat caritatif dans les champs les plus divers : prestation de repas, prise en charge des personnes �g�es, des handicap�s, des drogu�s, des malades du sida ou des immigr�s en qu�te de papiers, d'emploi ou de logis. N�e � Rome, leur communaut� a essaim�, d'abord dans toute l'Italie, puis dans le reste de l'Europe et, enfin, sur tous les continents. Pr�sent aujourd'hui dans quelque soixante pays, leur mouvement mobilise presque trente mille personnes. Parti de Rome o� il y demeure enracin�, il s'est �parpill� dans le monde en une myriade de petites communaut�s, surgies spontan�ment, et se d�veloppant � leur mani�re et � leur rythme dans les milieux les plus vari�s (urbain, rural, universitaire), souvent dans la mouvance du catholicisme, mais aussi d'autres religions, se portant audacieusement au c�ur des conflits, raciaux, sociaux politiques religieux, avec un souci constant d'universalisme, d'ouverture, d'�cum�nisme et de paix.

Au fil des entretiens, nous d�couvrons d'une mani�re concr�te : a. les initiatives spectaculaires, qui ont valu au mouvement une notori�t� qui va au-del� de ses fronti�res italiennes ; b. ses efforts de m�diation et son action pour la paix dans les convulsions alg�riennes de 1994 et 1995 (chap. 1er) ; c. ses exp�riences au plan caritatif et humanitaire dans les quartiers d�sh�rit�s de la banlieue romaine et d'autres agglom�rations italiennes ; d. son r�le dans la promotion des rencontres interreligieuses pour la paix et le dialogue entre les religions et les peuples, dans l'esprit d'Assise ; e. son rayonnement spectaculaire dans les autres pays d'Europe (Allemagne, Belgique, France) et Afrique francophone (chap. 2) ; f. ses interventions humanitaires dans le tiers-monde africain et ses tentatives de m�diation, pas toujours vaines, dans les conflits du Proche-Orient, de Turquie, d'Irak ou du Mozambique (chap. 3) ; g. ses efforts pour la mise en place des r�solutions de Vatican II en mati�re de dialogue interreligieux, d'�cum�nisme, de rapprochement avec les orthodoxes et les non-chr�tiens, notamment l'islam, dans l'esprit d'Assise, sans arri�re-pens�e, sans chercher � convertir, mais dans un cadre commun de pri�re et de recherche spirituelle (chap. 4) ; h. son travail pour la paix et la coexistence pacifique dans les Balkans, avant et apr�s les conflits sanglants entre Croates, Serbes, musulmans et Kosovars albanais (chap. 5 et 6) ; i. les particularit�s du mouvement Sant'Egidio, son esprit, ses m�thodes, ses objectifs (chap. 7 et 8), ses valeurs fondamentales. La solidarit� face aux diverses formes de violence, apartheid, exclusions, pauvret�, discrimination, l'engagement �vang�lique est un de ses traits essentiels, expliquant son option pr�f�rentielle pour les pauvres et l'audace de ses engagements profanes (humanitaires, politiques ou syndicaux) selon le principe qu'un � chr�tien solidaire ne reste pas chr�tien solitaire �.

Tourn� vers l'ext�rieur, vers l'autre, la solidarit� conduit le chr�tien � des formes d'engagement partag�es avec les autres, mais il est entendu qu'� Sant'Egidio, pri�re et solidarit� restent indissociables. On y a des convictions, mais on cultive le dialogue et l'union. Dans un monde d�chir� par le fanatisme et l'individualisme, il n'y aurait pas d'autre voie. Le dialogue s'impose. C'est l'acceptation de l'autre � tous les niveaux, m�me quand on est diff�rent (p. 120). L'�glise du dialogue ne renonce pas � sa mission qui est d'�vang�liser, mais dans sa pratique du dialogue, elle s'inscrit dans un monde complexe et pluraliste qu'elle accepte, refusant de s'enfermer sur elle-m�me et de se prot�ger de l'autre par la distance et le m�pris, ce qui serait renoncer � sa foi et � son message. N'oublions pas que la religion est l� pour apporter du sens, pour remplir un vide et qu'elle n'�chappe au fanatisme qu'en affirmant pour l'homme la � centralit� de l'amour � (p. 122). On refuse l'id�e d'une �glise dominante, exclusive et uniforme, l'objectif du mouvement �tant la convergence dans le Christ des d'�glises porteuses d'une l�gitime diversit�. Serions-nous au si�cle des martyrs ? La question est pos�e au chapitre 9. Il est certain que la violence constitue une r�alit� � laquelle les chr�tiens se trouvent confront�s. Il est aujourd'hui de leur responsabilit� de se lib�rer du poids de cet h�ritage empoisonn� (p. 141). L'�vangile de l'amour devrait nous engager dans cette voie mais sans nous laisser confondre douceur et faiblesse. Plus que jamais le christianisme est la religion du courage. En notre si�cle le martyre n'est pas le lot de quelques personnes au destin particulier, c'est un ph�nom�ne de masse, qui engage indiff�remment pr�tres et la�cs, femmes et hommes, tous ceux donc qui par fid�lit� � l'appel divin de l'amour refusent la violence (p. 142). Dans de nombreuses trag�dies contemporaines des chr�tiens religieux ou la�cs, hommes et femmes, jeunes et vieux, r�pondent � la pers�cution par fid�lit�, avec force, mais sur un mode non-violent. N'est-ce pas la nouvelle mani�re de vivre sa foi, d'en t�moigner et de servir l'�glise ? N'est-ce pas au XXIe si�cle le nouveau mode de martyre ?

Ainsi les entretiens d'Andrea RICCARDI s'ach�vent-ils au chapitre 10 sur la fresque exaltante d'une �glise dress�e, fid�le � elle-m�me, face � la r�surgence des nationalismes et aux caricaturales moutures des � identit�s nationales �. Il devient �vident que la dimension universelle de la foi implique la n�gation de son inculturation exclusive dans la nation. Au contraire, au-del� de ses modalit�s incultur�es, ouvertes aux r�alit�s du monde, elle permet entre croyants de peuples divers une franche communion. Dans le monde globalis� d'aujourd'hui, la tentation est forte de se prot�ger par une identit� affirm�e, pour �viter de se perdre dans un univers trop grand et trop envahissant. Se garder de cette tentation constituerait le d�fi des chr�tiens de notre temps. Qu'ils reconnaissent donc les compromissions et les erreurs de leur pass�, qu'ils implorent humblement le pardon et s'engagent � vivre ensemble plus pleinement et authentiquement leur foi.

Comme on le voit � la simple �vocation des th�mes abord�s dans ses entretiens par Andrea RICCARDI, le lecteur est assur� de trouver dans ce livre ample mati�re � r�flexion sur la situation de l'�glise au c�ur du monde complexe et diversifi�, ouvert cependant, comme le prouve Sant'Egidio, � toutes les audaces de la foi et de l'amour partag�.


Andrea RICCARDI, Sant'Egidio, L'�vangile au-del� des fronti�res, Entretiens avec Dominique CHIVOT, Paris, Bayard �d., 2001. - (20,5x15), 170 p., 18,29 �.