Comunità di S.Egidio


 

25/01/2003


La paix ivoirienne de Marcoussis

 

Il �tait 1 h 40 du matin, dans la nuit de jeudi � vendredi, quand le texte d�finitif de l'accord a commenc� � circuler de main en main autour de la table ronde. D'Alassane Ouattara � Henri Konan B�di�, chacun des chefs de d�l�gations ivoiriens a appos� sa signature. Puis le �facilitateur� fran�ais, Pierre Mazeaud, s'est lev�, les larmes aux yeux, pour remercier les participants. Chacun a saisi la main de ses voisins en entonnant l'hymne national.

Entam�es dans le scepticisme, le 15 janvier, les discussions tenues dans l'enceinte du Centre national de rugby de Marcoussis (Essonne) se sont achev�es par un succ�s diplomatique pour la France. Leurs r�sultats devraient �tre ent�rin�s, ce week-end, � Paris, lors d'un sommet des chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest, en pr�sence du secr�taire g�n�ral des Nations unies, Kofi Annan.

Ab�me. Les n�gociateurs se sont entendus sur un ambitieux programme de sortie de crise. Ce document liste les probl�mes qui ont conduit la C�te-d'Ivoire au bord de l'ab�me et �nonce les solutions pour y rem�dier (lire page 7). De l'int�gration dans une �arm�e r�publicaine� de toutes les �forces en pr�sence� � l'impartialit� des m�dias, en passant par l'application du code foncier, il ne laisse rien au hasard. �C'est le programme propos� r�cemment par le Pr�sident !�, assure son conseiller, Alain Toussaint. Les d�l�gu�s rebelles font eux aussi part de leur satisfaction, mais pas pour les m�mes raisons. �Il faudra beaucoup de doigt� et de patience de part et d'autre pour assurer l'application de l'accord�, r�sume Mario Giro, de la Communaut� de Sant'Egidio, une ONG catholique pr�sente � Marcoussis.

Le Pr�sident Gbagbo, qui a �t� re�u vendredi � l'Elys�e par Jacques Chirac, d�tient en grande partie les cl�s de l'avenir de son pays. Il a certes obtenu d'achever son mandat en 2005, mais ses pr�rogatives seront rogn�es par le futur gouvernement qui �disposera, pour l'accomplissement de sa mission, des pr�rogatives de l'ex�cutif�. Apr�s trente ans pass�s dans l'opposition, et alors qu'il avait engag� des r�formes apr�s son �lection contest�e d'octobre 2000, Laurent Gbagbo d�nonce �l'injustice� dont il se dit victime depuis le 19 septembre. Jouera-t-il sinc�rement le jeu de la r�conciliation nationale ? Parviendra-t-il � fl�chir les �faucons� pr�sents dans son entourage, ainsi que les �jeunes patriotes� ? �Gbagbo ne sera pas un Pr�sident sous tutelle, pr�vient Alain Toussaint. Il nommera et d�finira les pr�rogatives du Premier ministre�. Et d'ajouter que le peuple ivoirien sera �d�mocratiquement� consult�. Une pr�cision qui ne figure pas dans l'accord.

Chasser. De leur c�t�, les d�l�gu�s rebelles devront dissuader leurs supporters de p�n�trer dans Abidjan pour y chasser Gbagbo. Lundi, ils rentreront � Bouak�, et non � Abidjan, pour des raisons �videntes de s�curit�. Qu'en sera-t-il le jour o� le gouvernement de transition entamera ses travaux ? �La France nous a donn� des garanties dans ce domaine�, confie le porte-parole du MPCI, Sidiki Konat�. Les soldats de l'op�ration Licorne devraient assurer des missions de maintien de l'ordre qui sortent du cadre actuel de leur mandat. Le principal mouvement rebelle se dit pr�t � d�sarmer, � condition que cette mesure intervienne �lorsque la confiance aura �t� r�tablie�, selon Sidiki Konat�. Ce � quoi Alain Toussaint r�torque : �La confiance ne sera r�tablie que si les rebelles d�posent d'abord les armes.�

Chiffon. La France, qui sera comptable du processus initi� � Marcoussis, occupera une place d�terminante au sein d'un comit� de suivi international qui contr�lera l'application de l'accord. Lequel pourra demander des sanctions en cas de violations de l'accord. Les 2 500 soldats fran�ais pr�sents aujourd'hui en C�te-d'Ivoire ne sont pas pr�ts de partir, m�me si une force ouest-africaine devrait, � terme, prendre le relais.

Mardi, le chef d'�tat-major des arm�es, Henri Bent�geat, indiquait devant des parlementaires que la pr�sence des forces fran�aises �sera n�cessaire� dans l'ouest du pays. Une zone mise � feu et � sang par des ��l�ments incontr�l�s� venus du Liberia voisin, pour lesquels l'accord de Marcoussis n'est sans doute qu'un chiffon de papier.

Thomas Hofnung