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25/01/2003 |
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S'agit-il d'une simple �claircie dans un ciel lourd d'orages ou est-ce le d�but d'un changement durable du climat politique ivoirien ? Au lendemain de la signature des � accords de Marcoussis �, deux lectures du compromis paraph� par les partis politiques et les trois mouvements de r�bellion sont possibles. Optimiste, la premi�re privil�gie le constat selon lequel un processus de sortie de crise est engag� sur des bases solides. Le pacte paraph� au bout de neuf jours de palabres traite en effet de questions de fond agitant la soci�t� ivoirienne, comme l'ivoirit�, les conditions d'obtention de la nationalit�, et la r�forme d'un code foncier d�finissant les modes d'acc�s � la propri�t� des terres agricoles. Il r��quilibre �galement les rapports de force politique avec l'entr�e des rebelles dans le gouvernement. Et il met fin sur le papier � la contestation arm�e du pouvoir �lu lors des scrutins pr�sidentiels et l�gislatifs controvers�s de 2000. Particuli�rement impliqu�e dans le r�glement du dossier, la France va peser de tout son poids sur les protagonistes. Retenant des pr�c�dents africains f�cheux, la deuxi�me lecture donne la priorit� au doute. Car de nombreuses incertitudes planent sur la mise en place progressive du texte adopt� � l'unanimit� par les d�l�gu�s � l'issue du huis clos au Centre national de rugby (CNR). D�t�rior�e au point d'avoir provoqu� un conflit arm�, la confiance entre les deux camps a-t-elle pu r�ellement �tre r�tablie en une semaine de conciliabules ? Les protagonistes ne vont-ils pas pr�texter d'un incident pour relancer la guerre et renvoyer la responsabilit� des combats sur l'adversaire ? Les positions sur le terrain ne vont-elles pas rester fig�es en raison de l'anarchie r�gnant dans l'Ouest ? Ces interrogations n'avaient pas court vendredi � 1 h 40, lorsque les accords ont �t� paraf�s. � L'�motion �tait sinc�re et intense, et le contentement g�n�ral �, assure Mario Giro, le facilitateur de la communaut� religieuse de San't Egidio. Num�ro deux du Rassemblement des r�publicains (RDR), le principal parti d'opposition, Henriette Diab�t� a dit quelques mots. Puis ce fut au tour d'un Pierre Mazeaud au bord des larmes de prononcer un discours d'encouragement � la r�conciliation nationale. Main dans la main, les participants ont chant� debout en choeur l'hymne national ivoirien. On a sabl� le champagne. Le premier ministre actuel, Pascal Affi N'Guessan, et le d�l�gu� du Mouvement patriotique de C�te d'Ivoire (MPCI), Louis Dacoury Tabley, se sont embrass�s. Quelques heures plus tard, les int�ress�s semblaient toujours partager le m�me enthousiasme. � C'est un accord de compromis entre les revendications des diff�rentes parties �, commentait Pascal Affi N'Guessan. Visiblement satisfait, il ne d�plorait pas l'affaiblissement de la fonction pr�sidentielle. Louis Dacoury Tabley ne parlait plus pour sa part du d�part anticip� de Laurent Gbagbo, l'exigence imp�rieuse des rebelles. Interrog� sur de possibles r�actions n�gatives des mutins, il se voulait rassurant : � Nous sommes les repr�sentants de la base. Rien n'a �t� improvis�, et il n'y aura pas de probl�me avec nos camarades. � Proche collaborateur d'Alassane Ouattara, Ali Koulibaly reste prudent. � Les bases d'une r�conciliation sont jet�es, mais elles ne valent que par leur application �, commente-t-il. A Abidjan et dans le Sud sous contr�le des loyalistes, les responsables de son parti, qui craignent d'�tre ex�cut�s par des escadrons de la mort, vont encore attendre avant de sortir de la clandestinit�. Apr�s sa formation, qui devrait intervenir dans les prochains jours, le gouvernement d'union nationale demandera la cr�ation d'une commission internationale. Des enqu�teurs recenseront les violations graves des droits de l'homme depuis le 19 septembre. Ils traiteront aussi bien des meurtres perp�tr�s par des commandos nocturnes en pays loyaliste que des crimes commis en zone rebelle, dans l'Ouest notamment. Le poste de premier ministre devrait �tre confi� � une personnalit� non issue du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Ggagbo. Le fonctionnement de cette cohabitation � l'ivoirienne risque d'�tre plut�t chaotique, tant les fractures entre les camps sont profondes. Ha� par les � sudistes �, le chef de file de l'opposition civile, Alassane Ouattara, para�t contraint pour l'instant de garder ses distances avec la capitale. Selon des n�gociateurs de la table ronde de Marcoussis, Henriette Diab�t�, le num�ro 2 du RDR, fait figure de favorite parmi les noms avanc�s en coulisse. Le choix d'un chef de l'ex�cutif devait en tout cas �tre ent�rin� au cours du t�te-�-t�te entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac. Garante des accords, la France va devoir redoubler ses efforts au cours des prochaines semaines. L'arm�e fran�aise et les forces africaines de la communaut� des �tats de l'Ouest africain la Cedeao tenteront la gageure de transformer la C�te d'Ivoire en nation sans fusils. Elles entreprendront le regroupement des diff�rentes forces loyalistes et des mouvements rebelles, et veilleront � r�cup�rer les armes des bellig�rants. Une amnistie sera accord�e � tous les militaires impliqu�s dans les diff�rentes tentatives de putsch de ces derni�res ann�es. Paris sera �paul� dans sa t�che particuli�rement d�licate de pacification par un comit� de suivi �tabli � Abidjan. Il sera principalement compos� de membres de l'Union europ�enne, de l'Union africaine, des Nations unies et du FMI. D'ors et d�j�, les bailleurs de fonds conditionnent la reprise de leur aide au respect de l'accord de Marcoussis. Les accords de Marcoussis sont un premier succ�s pour Dominique de Villepin. Le minist�re des Affaires �trang�res se garde bien toutefois de crier victoire. � C'est une �tape importante. C'est un premier r�sultat, mais on n'est pas au bout du chemin �, a d�clar� hier Fran�ois Rivasseau, porte-paroledu Quai d'Orsay. Pour les conciliateurs, la partie la plus difficile commence...
Thierry Oberl�
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