|
28/01/2003 |
|
|
|
L'accord de paix de Marcoussis est-il soluble dans les r�alit�s ivoiriennes ? Paraph� par les partis politiques ivoiriens et avalis� par les chefs d'�tat de la r�gion dimanche � Paris, le plan de sortie de crise va �tre particuli�rement difficile � appliquer. Le texte se heurte tout d'abord aux r�ticences de Laurent Gbagbo. Le pr�sident ivoirien n'a accept� que contraint et forc� de se plier aux exigences du parrain fran�ais. Il a reconnu de facto sa d�faite politique, mais a du mal � admettre d'�tre d�pouill� de ses attributs. Laurent Gbagbo para�t peu enclin � se transformer selon l'expression d'un chef rebelle en �potiche� jusqu'� la fin de son mandat en 2005. Depuis le d�but de la crise du 19 septembre, l'ex-opposant socialiste manie en permanence un double langage qui sape sa cr�dibilit�. Apr�s avoir lutt� plus de vingt ans pour la conqu�te du pouvoir, il ne semble pas pr�t � n'en conserver que les apparences. Laurent Gbagbo a malgr� tout sign� sous la pression le d�cret mettant fin aux fonctions de son premier ministre Pascal Affi N'Guessan et nomm� � sa place une personnalit� de consensus, Seydou Diarra, originaire du Nord et appr�ci� d'Alassane Ouattara comme des rebelles. Le nouveau premier ministre va pr�senter dans les prochains jours son gouvernement. Le partage des portefeuilles a �t� impos� par la France. Les minist�res r�galiens �chappent � la tutelle du Front populaire ivoirien (FPI, le parti pr�sidentiel). Pour les socialistes, c'est le retour � la case d�part : ils ne conservent que l'�conomie et les Finances comme avant l'�lection � la pr�sidence en octobre 2000 de l'actuel chef de l'�tat. Le Rassemblement des r�publicains (RDR) du chef de file de l'opposition Alassane Ouattara se voit attribuer la Justice. Et surtout le Mouvement populaire de la C�te d'Ivoire (MPCI, rebelles) gagne la D�fense et l'Int�rieur. A Abidjan, la nouvelle de l'octroi aux rebelles de postes cl�s est � l'origine du d�ferlement des partisans de Gbagbo dans les rues. Cette d�cision ne signifie pas pour autant que Tuo Fozi� ou le sergent Ousmane Cheriff, les sous-officiers � la t�te des mutins de Bouak�, soit propuls� dans un fauteuil de ministre de la D�fense. Guillaume Soro, le secr�taire g�n�ral du MPCI, ne d�signera pas forc�ment un membre de son mouvement : il est probable qu'il porte son choix sur un haut grad� ayant la b�n�diction des loyalistes. Pour lui le candidat id�al est un homme �connu des troupes, qui soit cr�dible et qui puisse les amener au d�sarmement�. Tenues � l'�cart des manoeuvres parisiennes, les Forces arm�es nationales de C�te d'Ivoire (Fanci) se disent humili�es, d'o� la crainte d'un putsch. Mais au-del� des r�actions �pidermiques, l'�tat-major des Fanci a au cours des derniers mois r�p�t� qu'une paix des braves �tait envisageable. Les militaires fran�ais qui entretiennent d'assez bonnes relations avec les responsables loyalistes qu'ils ont souvent form�s pourraient servir de m�diateur. Si la querelle sur le choix du ministre de la D�fense est d�pass�e, l'�tape suivante sera le d�sarmement des forces en pr�sence. Les rebelles devraient remettre leurs armes � l'arm�e fran�aise et aux soldats de la force interafricaine. La mesure concerne en priorit� les combattants enr�l�s apr�s le 19 septembre. Dans la partie adverse, elle touche les 3 000 volontaires recrut�s par le pouvoir central en d�cembre. Il est pr�vu de regrouper les Fanci avec leurs armes dans des casernes � cr�er. Dans le camp des rebelles comme des loyalistes, le risque de dissidence existe. Des groupes sont tent�s de dispara�tre en brousse pour mener une gu�rilla sans fin. Des �l�ments de la mouvance des �jeunes patriotes� �voquent ouvertement leur basculement dans la clandestinit� en C�te d'Ivoire ou � l'�tranger. Apr�s les mutins du Nord, voici peut-�tre venu le temps des mutins du Sud. Il est �galement envisag� de donner aux Fanci les moyens de bouter les bandes arm�es venues du Liberia de l'autre c�t� de la fronti�re. L'op�ration s'effectuerait en accord avec les rebelles de l'ouest du Mpigo et du MJP. Elle est compliqu�e par la pr�sence de Lib�riens se battant le camp loyaliste. Apparemment coop�ratif, le pr�sident Charles Taylor a m�me propos� que des forces internationales se d�ploient sur son territoire pour s�curiser le secteur frontalier. Un retour rapide � la stabilit� dans l'ensemble de la boucle du cacao para�t n�anmoins utopique. A terme, l'ambition du plan de paix est de refonder une arm�e digne de ce nom. Dans son �tat actuel, les Fanci comptent un officier ou un sous-officier pour un soldat et demi alors que le rapport est d'un � vingt dans une arm�e moderne. �Il est n�cessaire de tout recommencer � z�ro�, constate un sp�cialiste. Quant � l'attitude � venir de la gendarmerie, le corps qui a emp�ch� la prise d'Abidjan par les rebelles lors de la tentative de coup d'�tat du 19 septembre, elle est impr�visible. Loyalistes par tradition, les gendarmes ont t�moign� contrairement � l'arm�e d'un soutien sans faille � Laurent Gbagbo. Ils respectent par r�flexe le pouvoir l�gal. Reste � savoir lequel et jusqu'� quand. L'entretien d'un climat d'ins�curit� chronique � Abidjan est un facteur suppl�mentaire susceptible de faire d�raper le processus de paix. Dans un premier temps, les repr�sentants qui se rendront dans la capitale seront prot�g�s physiquement. La s�curit� des futurs ministres du RDR est encore plus pr�occupante tant les clivages avec le FPI sont profonds. La crainte des escadrons de la mort ne retombera tant que les myst�rieux commandos n'auront pas �t� neutralis�s. Des enqu�tes sur les violations des droits de l'homme vont �tre diligent�es. Mais elles pourraient se retourner contre les deux camps avec la possible d�couverte de fosses communes dans le Nord en zone rebelle. S'il survit aux troubles d'Abidjan, l'accord du Marcoussis n'aura surmont� que sa premi�re �preuve. C'est en tout cas l'avis des �missaires qui ont accompagn� les n�gociations. �Il faut �tre tr�s prudent car l'accord est complexe. Il a permis de rendre plus claire la solution de certains probl�mes de fond mais d'autres restent � approfondir�, r�sume l'un d'eux, Mario Giro, de la communaut� religieuse Sant'Egidio.
Thierry Oberl�
|