Comunità di S.Egidio


 

10/04/2003


� Construire une culture de paix �

 

Andrea Riccardi, le fondateur de Sant�Egidio d�crypte la position des pro et des anti-guerre et assure qu�il faut avant tout �viter un choc des religions. Les chr�tiens doivent �tre en premi�re ligne dans la construction de cette culture de paix

Quel est votre sentiment, alors que la guerre semble avoir rempli ses objectifs prioritaires ?

Andrea Riccardi : Contradictoire. Nous avons presque tout vu de cette guerre, mais aussi l�impuissance devant la guerre. L�opposition de la majorit� des opinions publiques n�a pes� en rien et cette impuissance s�est transform�e en une invocation de la paix. Mais il y a aussi une grave question. On pouvait penser que les guerres oubli�es, celles de l�Afrique, �taient un h�ritage du pass�. Or, on peut craindre que le choix d�lib�r� qui a �t� fait de la guerre soit un choix des temps nouveaux. Le si�cle qui s�ouvre sera-t-il un si�cle de guerre ?

� La France, l�Allemagne, la Russie, avaient fait un autre choix. Comment faire devant un homme, un r�gime sans �tat d��me ni opinion � qui rendre des comptes ?

� Je n�ai aucune sympathie pour Saddam Hussein. Nous avons aid� des milliers de Chald�ens apr�s la guerre Irak-Iran et compris ce qu��tait son r�gime. Mais � l��poque, il �tait l�ami des Occidentaux � la t�te d�un pays cr�� de toutes pi�ces par les Anglais. L�histoire de l�Irak est une histoire de sang, bien avant Saddam Hussein. Il faut avoir le courage d�aller au-del� de la position franco-allemande. Pour faire une politique de paix, il faut avoir une arm�e et la faiblesse de l�Europe, c�est de n�en point avoir et de reposer pour sa d�fense sur les Am�ricains.

� L��glise, les chr�tiens se sont beaucoup engag�s contre la guerre. Ne craignez-vous pas un contrecoup ?

� Non. Pour moi, l�attitude du Pape a �t� tr�s importante. Il a parl� en homme d�une g�n�ration qui a connu la Seconde Guerre mondiale et il pense que sa mission est de pr�server la paix. Sans lui, l��glise aurait eu la m�me position mais avec moins de force.

� La force du mouvement anti-guerre vous donne-t-elle l�impression que le refus de la guerre comme moyen de r�soudre les conflits s�est install� durablement dans les esprits en Europe ?

� Un pas tr�s important a �t� franchi dans le refus de la guerre. Mais, apr�s les manifestations, il reste � construire une culture de paix. Un appel pour un monde sans guerre, plus juste. Il faut passer du sentiment � la cr�ation non seulement d�une politique, mais d�une culture de paix. Les chr�tiens doivent �tre en premi�re ligne dans la construction de cette culture positive qui repose sur quatre points capitaux : le discours de la solidarit� ; une Europe politique et militaire ; la lutte contre la pauvret� ; enfin, le consensus des opinions publiques. Car, dans le Sud, aujourd�hui, on �coute la radio, on lit, on �crit. Bref, il y a une opinion publique. La recherche d�un consensus est devenue tr�s importante. Tout cela, le Pape l�a bien compris.

� Estimez-vous que la dimension religieuse du conflit a �t� aussi importante qu�on pouvait le craindre ?

� La d�claration que j�ai lue du cheik Tantaoui, d�Al-Azhar, �tait tr�s dure ; et voyez le roi de Jordanie contraint � une politique compliqu�e et ambigu�. L�humiliation des Arabes vient de loin, c�est celle de l��chec d�une civilisation devant la modernit�. Mais c�est aussi l�humiliation quotidienne de r�gimes sans d�mocratie. La responsabilit� la plus importante de l�Occident est moins d�avoir humili� le monde arabe que de ne jamais lui avoir demand� de d�mocratie. Nos gouvernements l�ont fait avec les dictateurs africains, pourquoi pas avec les dirigeants arabes ? L�humiliation d�une jeunesse sans libert� d�expression, c�est un chemin vers le fondamentalisme. Enfin, la priorit� de l�Europe doit-elle �tre de faciliter la rencontre d�Isra�l avec les Palestiniens et les pays arabes.

� Vos nombreux contacts dans ces pays vous ont-ils permis de savoir si les paroles du Pape ont eu un impact dans la population arabe ?

� On nous dit sur le terrain que le message de Jean-Paul II a �t� bien re�u. C�est important car c�est un autre visage de l�Occident. Il ne faut pas prendre Huntington pour Isa�e, mais il a fait une proph�tie qui peut devenir une politique. Il faut donc multiplier les dialogues.

� Sur quel objectif faut-il alors mobiliser les chr�tiens ?

� Il y a beaucoup de choses � faire, mais la premi�re, c�est de ne pas oublier d��tre chr�tiens. C�est agir, mais, dans la logique de Pacem in Terris, avoir l�amour de la paix, travailler � la paix, �tre des femmes et des hommes de paix. Ensuite � c�est l�exp�rience de Mgr Roncalli en France et en Orient �, nous devons cohabiter avec les autres, en paix.

Yves Pitette