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Dimanche Express |
28/01/2004 |
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A l��poque o� naquit Sant�Egidio, de nombreuses personnes se passionnaient pour la pens�e marxiste, y compris dans les milieux d�Eglise. Pourtant, votre mouvement n�a rien � voir avec cette id�ologie. C�est exact. En mai 1968, ma g�n�ration pensait que nous allions pouvoir tout changer au d�part de l�Europe et inventer l�avenir. Cela semble na�f aujourd�hui, me^me un peu ridicule, mais � l��poque, nous y croyions vraiment. Personnellement, j�ai eu tr�s vite des questions concernant la mise en application du marxisme, surtout quand j�ai vu comment cette pens�e �tait r�cup�r�e par des groupes extr�mistes pour couvrir leurs activit�s terroristes. Peu � peu, m�rit donc en moi l�id�e que si je voulais changer la soci�t�, il fallait que je commence d�abord par moi-m�me. Et �a, je l�ai appris dans l�Evangile. Ainsi, la naissance de notre mouvement a-t-elle davantage � voir avec Vatican II, qu�avec la contre-culture de mai 1968. Avant le Concile, l�Eglise �tait sous l�emprise de la peur. Mais gr�ce � Jean XXIII, et plus tard Paul VI, celle-ci a compris qu�il �tait urgent pour elle de changer si elle voulait encore �tre entendue dans un monde en constante �volution. Certains pr�tendent toutefois que le monde a tellement chang� depuis Vatican II qu�il serait n�cessaire de convoquer un nouveau Concile. Qu�en pensez-vous ? Je comprends celles et ceux qui plaident dans ce sens, mais personnellement, je ne suis pas convaincu que ce soit une solution. En fait, nous sommes loin d�avoir fait le tour de l�h�ritage laiss� par le Concile Vatican II. Il nous reste encore beaucoup � approfondir notamment cette intuition que je r�sumerais par la formule � �tre ensemble �� Entre ensemble avec les autres, avec les plus pauvres, mais aussi avec les libres-penseurs et les autres croyants. En ces temps de migration mondiale et de globalisation, n�est-ce pas du plus grand int�r�t ? Certains critiques et th�ologiens progressistes consid�rent, par ailleurs, que notre Eglise est devenue une secte. Ils se trompent compl�tement, car c�est tout � fait l�inverse. Et le Concile a pr�cis�ment pr�serv� notre Eglise de ce danger, en lui donnant une boussole qui lui permet de faire son chemin dans notre monde sans trop de casse. Pourtant, l�Eglise �prouve toujours beaucoup de difficult�s � faire passer son message ? Il est vrai, malheureusement, qu�un certain nombre d�obstacles � les querelles internes et les probl�mes de structures, par exemple � emp�chent l�Eglise de transmettre son message et de t�moigner de sa foi. Or, c�est sa vocation premi�re. Le probl�me, c�est qu�entre-temps, des occasions ont �t� rat�es. Je pense notamment au d�sespoir que provoque la pauvret� dans le tiers-monde et au sentiment de non-sens qui touche nombre d�Occidentaux. Je reconnais que l�Eglise manque encore trop souvent de courage e t d�audace. Quel est selon vous l�avenir de la chr�tient� en Europe et dans le monde ? Au milieu des ann�es 70, l�historien fran�ais Jean Delumeau �crivait dans Le christianisme va-t-il mourir ? que la foi diminuerait dans la soci�t� au fur et � mesure que la s�cularisation et la modernit� augmenteraient. A premi�re vue, donc, la chr�tient� semblait condamn�e � dispara�tre. Pourtant, nous constatons aujourd�hui que la religion et la recherche de sens sont loin d��tre tomb�s en d�su�tude : la Dala� Lama remporte tous les suffrages avec son appel � la compassion et � la s�r�nit� ; les mouvements n�o-protestants s�adressent � un public de plus en plus large ; et que dire du succ�s du Nouvel Age ? Aussi l�Eglise catholique romaine ne doit pas avoir peur de se mouiller et de conqu�rir sa place sur le march�. Pour une vieille dame qui n�a jamais �t� confront�e � cela, c�est bien s�r un fameux d�fi, mais elle n�a pas le choix si elle veut continuer � proclamer dans le monde entier la Bonne Nouvelle de l�Evangile.
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