Comunità di S.Egidio


 

04/02/2004


"Il faut globaliser aussi le dialogue interreligieux"

 

L�Universit� catholique de Louvain vous a remis un doctorat honoris causa pour votre action dans la Communaut� Sant�Egidio. Un moment important pour vous ?

C�est la reconnaissance de 30 ans de pr�sence sur le terrain. AU service des hommes et des femmes qui souffrent. J�appr�cie d�autant plus le geste de l�UCL qu�il met � l�honneur une approche g�n�raliste. Nous ne sommes davantage l�ONU du Trastevere qui met son exp�rience au service de la r�solution des conflits locaux qu�une ONG sp�cialis�e dans le travail hospitalier ou dans l�assistance aux clochards. Non, plut�t une communaut� d�hommes et de femmes qui se mettent au service de l�humanit� sans distinction de races, de classes, etc.

Sant�Egidio est n�e dans le sillage de mai 68 et de Vatican II. Ce n�est pas un hasard ?

La souche du mouvement fut effectivement l�aspiration au changement, al r�volte des jeunes. Nous �tions pleins d�illusion, mais il y avait une r�elle volont� de changer le monde. Vatican II, de son c�t�, a voulu rendre l�Evangile plus proche des hommes et faire �merger un christianisme v�cu et authentique. Apr�s l�avoir go�t�, on a pris la responsabilit� de vivre l�Evangile en situation. A l��poque, Rome ressemblait � une ville du tiers-monde� Toute sacr�e et capitale de l�Italie qu�elle f�t, elle comptait des milliers de bidonvilles o� vivaient non pas des immigr�s mais des Italiens du sud. A partir de la prise en charge de ces probl�mes, nous avons �largi le champ d�action � certains pays europ�ens, dont la Belgique, mais aussi � l�Afrique et maintenant � Cuba.

L�engagement de Sant�Egidio pour la paix a permis de ramener la paix en quelques lieux de conflit mais le monde reste fondamentalement guerrier�

En 1989, avec la chute du mur de Berlin, nous avons vraiment cru que la fin de la guerre froide allait sonner l�av�nement d�une plan�te pacifi�e. Il y a loin de la coupe aux l�vres quand on voit, par exemple, l��volution en Afrique. L�on avait transpos� nos sch�mas h�rit�s de la guerre froide et voil� que nous d�couvrions que les affrontements internes ou entre pays avaient bien d�autres causes comme les diff�rends interethniques, al pr�sence des mafias, les probl�mes sociaux. Et pourtant, la paix est possible. Comme disait Winston Churchill, la paix est une chose trop s�rieuse pour la confier aux militaires et aux hommes politiques. Nous avons exp�riment� la capacit� de faire la paix, � mains nues sans puissance militaire. La d�marche est importante � une �poque o� tout se privatise ; la politique �trang�re est une chose s�rieuse. La charge de travail est immense mais il faut agir avant que la maison ne br�le� Sant�Egidio est une goutte dans l�oc�an mais notre action est n�cessaire. Car dans ce monde globalis�, la d�stabilisation du sud finit par nous atteindre.

L�autre marque de fabrique de Sant�Egidio, c�est le dialogue interreligieux. Il y a eu de belles avanc�es comme des replis frileux�

Il y a ici quatre dossiers majeurs li�s � autant de (nouveaux) rapports de force.

1. Un probl�me intrachr�tien d�abord. Alors qu�il y a un si�cle, il �tait quasi inexistant, il faut tenir compte d�un monde n�oprotestant et pentec�tiste qui repr�sente 1,5 milliard de fid�les. Certes, il est plus vivant aux Etats-Unis, en Am�rique latine et en Afrique que chez nous mais il repose la question des rapports avec le catholicisme historique mais davantage encore par rapport � l�islam.

2. Les rapports entre le catholicisme et l�orthodoxie. C�est un th�me capital. Il y a bien s�r les rapports difficiles entre Rome et Moscou mais cela me semble conjoncturel eu �gard au v�ritable enjeu de demain bien d�fini par Jean-Paul II selon lequel l�Europe religieuse doit avoir deux poumons pour mieux respirer, l�Eglise latine, et l�Eglise orthodoxe. Mais l�Eglise catholique manque parfois de cette dimension liturgique et spirituelle ch�re aux orthodoxes. Il est clair que l��largissement de l�Europe aux pays ex-pays de l�est va encore accro�tre ces besoins de dialogue.

3. Il y a ensuite les probl�mes suscit�s par l�islam. Il est banal de dire qu�il peut �tre dangereux mais nous le consid�rons trop comme une entit� unitaire alors qu�il regroupe moult r�alit�s.

4. Enfin, il faut reposer la question des liens avec le juda�sme. Le juda�sme europ�en sera appel� � jouer un r�le plus grand lorsque la g�n�ration de la Shoa aura totalement disparu. Il faut tout mettre en �uvre pour combattre l�antis�mitisme r�current. Sans tout ramener � la question isra�lo-palestinienne. Bref, dans un monde de plus en plus globalis�, il faut globaliser le dialogue. A fortiori depuis le 11 septembre 2001�

La Communaut� a connu trois papes. Jean-Paul II vous a le plus marqu�.

Oui, l� o� Paul VI �tait un pape de r�formes, Jean-Paul II appara�t comme un pape de gouvernement charismatique. Et non politique comme on pourrait le penser, m�me sil a jou� un r�le d�cisif dans la chute du communisme. En fait, il a lib�r� d��normes �nergies. On a dit que c��tait un pape contradictoire parce qu�il d�fendait � la fois le dialogue interreligieux et une forte identit� catholique ; je dirais que Jean-Paul II �tait catholique quand l�Occident ne savait plus ce que cela voulait dire. Mais il a aussi su transcender les clivages gauche et droite : tout en apparaissant comme le pape de la pi�t� populaire, il a d�velopp� un discours social avanc�.

Sant�Egidio est un mouvement d�Eglise important. Chez nous, sa forte implantation a �t� reconnue au plus haut niveau de l�Etat par l�anoblissement de ses responsables�

La Belgique est un laboratoire int�ressant, parce qu�elle est tourn�e vers le futur. Avec la reconnaissance de ses diversit�s r�gionales mais aussi des grandes communaut�s venues de l�ext�rieur. C�est un mod�le pour l�Europe : l�heure n�est plus au mod�le libanais, communautariste, mais � une reconnaissance du pluralisme communautaire. Mais si Sant�Egidio est � Bruxelles au c�ur des r�alit�s belges et europ�ennes, il est aussi � Anvers et � Li�ge pour mettre sur pied de nouvelles solidarit�s. Avec les exclus, les femmes, les a�n�s�