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24Heures.ch |
06/06/2004 |
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- Avez-vous �t� sollicit�s pour intervenir dans le conflit irakien? - Nous n�avons pas �t� approch�s pour un r�solution du conflit en g�n�ral; le probl�me est tr�s complexe et les acteurs multiples. Les Nations Unies ont d�ailleurs repris le flambeau. C�est une guerre internationale et les crises dans lesquelles nous intervenons sont en g�n�ral internes. Cela dit, les familles des trois otages italiens nous ont demand� d�agir. Nous avions d�j� fait lib�rer six personnes en Colombie ces deux derni�res ann�es, cinq �taient d�tenues par les FARC et une par l�ELN. - Comment proc�dez-vous? - Nous avons des contacts avec le monde religieux irakien depuis 20 ans. A l��poque, nous avions aid� les chald�ens les chr�tiens irakiens � sortir du pays par la Turquie. C��tait la guerre Iran-Irak et ils �taient envoy�s en premi�re ligne. Nous avions d� n�gocier avec les kurdes et avec les autorit�s des pays de la zone concern�e. Cela avait dur� des mois. Les contacts sont rest�s et nous les avons r�activ�s lors de la prise d�otages. Les ravisseurs ne n�gocient pas directement mais nous discutons avec les autorit�s sunnites car c�est dans leur zone qu�a eu lieu l�enl�vement. Le cheikh Kardawi a par ailleurs accept� de demander la cl�mence pour ces trois Italiens lors de son �mission hebdomadaire sur Al-Jazira. C�est beaucoup de sa part, car il est consid�r� comme un dur et poss�de une grande influence dans les milieux radicaux. - Avez-vous en permanence quelqu�un sur place? - Nous proc�dons par navettes et par t�l�phone car il est tr�s difficile de garder quelqu�un en Irak en continu. - Votre appartenance religieuse est-elle un obstacle? - Au contraire! Si notre identit� est clairement affich�e, notre action a toujours �t� ax�e sur le dialogue interreligieux. Nos interlocuteurs savent qui nous sommes mais ils savent surtout quels sont nos objectifs. Nous sommes l� pour la paix, nous laissons les discussions th�ologiques aux experts. Le monde musulman nous conna�t bien, en t�moigne la plate-forme de paix sign�e avec le FIS en 1995 pour l�Alg�rie. Tout le monde sait que Sant�Egidio n�a aucun int�r�t sinon celui de la paix. - Vous avez connu de nombreux succ�s dans la m�diation de conflits, au Mozambique notamment. Quelle est la "m�thode Sant�Egidio"? - Nous n�avons pas une baguette magique. La confiance est la base des relations que nous avons tiss�es depuis de nombreuses ann�es un peu partout dans le monde. Mais chaque dossier est diff�rent et c�est cette approche qui fait la m�thode Sant�Egidio. L�une des principales cl�s du succ�s consiste � se donner le temps d��couter les interlocuteurs, � �tre patient. Ne pas proposer une solution toute faite mais cr�er le climat juste et les conditions n�cessaires pour que les bellig�rants trouvent eux-m�me une issue. Autre point essentiel: la synergie avec les pouvoirs publics et les dirigeants. Nous n�agissons pas contre la diplomatie officielle mais avec elle. - Le fait que vous n�ayez aucune l�gitimit� officielle est-il un atout? - En effet. Une grande pression est souvent mise sur les acteurs d�un conflit parce que les m�diateurs officiels sont press�s par la communaut� internationale, les m�dias... Cela engendre parfois des accords artificiels dont le r�sultat sera forc�ment un �chec. Par exemple, nous avons mis vingt-sept mois � n�gocier au Mozambique tandis que le conflit en Angola a �t� r�gl� en trois mois. La d�confiture a �t� rapide. Ne pas �tre mandat� par un gouvernement est important pour la gestion des n�gociations. Un ministre ne peut se permettre de rester des mois sur le terrain, nous oui. Le fait que nous n�ayons aucun int�r�t militaire, �conomique ou politique est en outre rassurant pour tout le monde. - Quelle part de vos activit�s repr�sentent ces actions pour la paix? - Ces activit�s de m�diation sont importantes pour le symbole et la recherche de la paix mais la grande majorit� de notre travail, � savoir 80%, reste ax�e sur la lutte contre la pauvret� et l�aide humanitaire. Cela dit, les deux choses sont forc�ment li�es car il n�y a pas de v�ritable lutte contre la mis�re possible dans un contexte de guerre. Quelque 40 personnes sur nos 50000 membres se consacrent exclusivement � ces activit�s de n�gociation. Les tractations passent en g�n�ral par nos communaut�s locales mais les gros dossiers sont pilot�s depuis Rome. - Intervenez-vous sur tous les types de conflits ? - Nous sommes parfois m�diateurs officiels comme au Mozambique, parfois facilitateurs comme � Marcoussis (C�te d�Ivoire), parfois encore de simples observateurs. Nous travaillons surtout sur des luttes internes car elles repr�sentent la majorit� des guerres de la plan�te. Quand on se bat entre fr�res, la haine est souvent plus profonde: le travail de r�conciliation commence alors par une reconnaissance mutuelle. - Vous est-il arriv� de refuser une mission ? - Nous n�avons jamais refus� une m�diation. Il nous est par contre arriv� d�abandonner en cours de route, parce que les autorit�s avaient chang� leur fusil d��paule. Ce fut le cas au Congo. - Avez-vous connu des �checs ? - En Alg�rie, le gouvernement avait finalement refus� de n�gocier avec le FIS. Nous avons toujours cette d�faite � l�esprit mais nous continuons n�anmoins nos efforts dans ce pays.Un officiel ne peut pas se permettre de subir un revers car cela aura des cons�quences politiques pour lui ou son pays. Nous, nous pouvons et c�est pourquoi nous essayons toujours. - On vous reproche parfois d��tre un "sous-marin du Vatican". Quelles sont vos relations avec le Saint-Si�ge? - Nous sommes totalement autonomes du Vatican. Le Saint-Si�ge nous a reconnu comme une communaut� internationale de la�cs de l�Eglise, c�est tout. Nous ne sommes jamais intervenus � la demande du Pape mais si le cas se pr�sentait, nous accepterions. - Quelles sont vos ramifications sur la plan�te - Nous sommes pr�sents dans 60 pays, surtout en Europe et en Afrique, mais �galement en Am�rique latine. Nous commen�ons �galement � nous d�velopper en Asie, y compris dans des zones o� la situation est tr�s compliqu�e pour les chr�tiens, au Pakistan par exemple. Notre communaut�, qui est devenue oecum�nique, fonctionne comme un r�seau avec des ancrages locaux. Tout le monde est b�n�vole. - Votre priorit�? - L�une de nos principale activit� est la lutte contre le SIDA. Nous commencons actuellement un programme de distribution de trith�rapie en Afrique. Ce virus est une nouvelle guerre.
Caroline Stevan
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