Comunità di S.Egidio


 

Jeune Afrique

10/04/2005


D�mobilisation g�n�rale
Les rebelles hutus en lutte depuis dix ans contre le r�gime de Paul Kagam� ont d�cid� de d�poser les armes. Une nouvelle chance de paix pour la r�gion des Grands Lacs tout enti�re ? La balle est dans le camp de Kigali

 

Apr�s plus de dix ann�es de combats fratricides contre l'Arm�e patriotique rwandaise, les rebelles hutus des Forces d�mocratiques pour la lib�ration du Rwanda (FDLR) semblent avoir perdu le go�t de la lutte. R�fugi�s en R�publique d�mocratique du Congo � la suite de la d�faite des troupes fid�les au r�gime Habyarimana, en juillet 1994, les combattants ont d�cid� de d�poser les armes. Dans une d�claration sign�e par leur pr�sident Ignace Murwanashyaka et publi�e � Rome le 30 mars, les FDLR s'engagent � cesser la lutte arm�e contre Kigali pour poursuivre la d�fense de leur cause sur le terrain politique. � Au fur et � mesure que les mesures d'accompagnement seront mises en oeuvre, les FDLR accepteront le d�sarmement volontaire et le retour pacifique de leurs forces au Rwanda �, ajoute le communiqu�, qui pr�cise que toute offensive contre le Rwanda est d'ores et d�j� proscrite. Enfin, � les FDLR condamnent le g�nocide commis au Rwanda et leurs auteurs. Elles s'engagent � lutter contre toute id�ologie de haine ethnique et renouvellent leur volont� de coop�rer avec la justice internationale. �

Cette d�claration r�sulte de n�gociations qui se sont tenues � Rome sous l'arbitrage de la communaut� catholique de Sant'Egidio, laquelle s'implique r�guli�rement dans la m�diation de crises � travers le monde. Son intervention dans ce dossier suffira-t-elle � mettre un terme � la guerre qui ravage l'Est de la RD Congo depuis une d�cennie. Toujours est-il que la participation active des autorit�s kinoises � ces discussions t�moigne de la volont� congolaise de se d�barrasser de cette r�bellion plus nuisible aux populations du Kivu qu'au r�gime rwandais qu'elles sont cens�es combattre. Dans les rangs des rebelles, certains semblent y croire. Mais la port�e du geste des FDLR d�pend maintenant de l'accueil que lui r�servera Kigali. Pour l'heure, les autorit�s rwandaises ont fait preuve de la plus grande circonspection, et se bornent � d�clarer qu'elles sont pr�tes � accueillir tous ceux qui voudront rentrer au pays. � S'ils joignent les actes � leurs paroles, c'est-�-dire s'ils d�sarment, cette d�claration sera positive �, a estim� pour sa part Charles Murigande, le ministre rwandais des Affaires �trang�res. Non sans pr�ciser que les ex-rebelles � auront � rendre compte de leurs actes durant le g�nocide �.

Un ton qui reste conforme aux d�clarations ant�rieures de Paul Kagam� sur ce sujet. � ceux qui suspectent Kigali de s'accommoder de la pr�sence persistante d'ex-FAR (Forces arm�es rwandaises) et autres Interahamwes au Kivu pour mieux justifier une �ventuelle intervention militaire, le pr�sident r�pond : � C'est faux. Pendant les deux ou trois ans o� notre arm�e �tait en RDC, il n'y a pas eu une seule attaque contre le Rwanda de la part de ces gens. Nous les avons poursuivis et d�truits avec beaucoup de pers�v�rance � (J.A.I. n� 2302). Reste � savoir si les membres des FDLR qualifi�s de � g�nocidaires � par le r�gime de Kigali le sont vraiment. D'autant qu'une bonne partie d'entre eux est aujourd'hui constitu�e de jeunes qui n'ont pas particip� au g�nocide de 1994... Pour Kagam�, la r�ponse est cat�gorique : � Des enfants de g�nocidaires, �lev�s dans l'id�ologie du g�nocide, sont potentiellement aussi dangereux que leurs parents. Surtout s'ils sont arm�s. En tout �tat de cause, nous avons un devoir de pr�vention � leur �gard. �

Difficile dans ces conditions d'imaginer des n�gociations avec les ex-rebelles. Alors que les autorit�s rwandaises attendent une reddition sans condition, les FDLR veulent non seulement des garanties quant � leur s�curit�, mais aussi l'int�gration d'une partie de leurs membres dans l'arm�e rwandaise ainsi que la possibilit� pour l'ex-r�bellion de se transformer en parti politique � part enti�re. De l� � r�clamer l'organisation d'un dialogue inter-rwandais pour red�finir les bases du consensus politique qui pr�vaut actuellement au pays des Mille Collines, il n'y a qu'un pas, que certains voudraient bien franchir. Mais les rebelles ne sont pas forc�ment en position de force pour faire entendre leurs dol�ances. Car leur adieu aux armes sonne comme un constat d'�chec apr�s les multiples d�b�cles que leur ont inflig�es les soldats de l'APR.

Autre incertitude, rien n'indique que l'ensemble des troupes des FDLR suivront leurs chefs qui ont d�cid� de quitter le maquis. Et que ceux qui ont commis des crimes au cours du g�nocide de 1994 envisagent de rentrer au pays. D�j� en octobre 2003, le g�n�ral Paul Rwarakabidje, chef d'�tat-major des FDLR, avait fait d�fection avec seulement une centaine d'hommes. Le gros des troupes, influenc� par les �l�ments les plus extr�mistes, avait alors refus� de le suivre. Toutefois, la d�claration du 30 mars est d'autant plus cr�dible que tous les responsables des FDLR - politiques et militaires - se sont engag�s. La d�l�gation pr�sente � Rome comprenait, outre son pr�sident, le vice-commandant des Forces combattantes Abacunguzi (Foca), le colonel Baptiste Komeza, et le commissaire aux Relations ext�rieures Christophe Halizabera.

Autre argument plaidant en faveur des FDLR, depuis deux ans, la donne a bien chang� dans la r�gion des Grands Lacs, o� les rebelles hutus, fatigu�s par l'exil, font figure de derniers de Mohicans. � Kinshasa, les factions congolaises sont d�sormais associ�es au gouvernement d'union nationale. Idem du c�t� burundais, o� les combattants des FDD (Forces pour la d�fense de la d�mocratie) ont quitt� l'ex-Za�re pour participer � la transition politique en cours � Bujumbura. De son c�t�, la Mission de l'ONU en RDC (Monuc), en charge du programme de d�sarmement et rapatriement des combattants �trangers encore pr�sents sur le sol congolais, a saisi la balle au bond en d�signant � six points de rassemblement temporaires (dans le Nord- et le Sud-Kivu) pour accueillir tout combattant qui s'y pr�senterait afin d'�tre rapatri� au Rwanda �. Et les r�centes mises en cause dont la Monuc a fait l'objet ne peuvent qu'accro�tre sa d�termination � relever le d�fi de la d�mobilisation. Enfin, l'ensemble des forces repr�sent�es au sein de l'�quipe de transition ont d�sormais int�r�t � voir la poudri�re du Kivu s'apaiser : une accalmie dans cette zone permettrait le bon d�roulement de la restructuration de l'arm�e, en cours dans cette r�gion, ce qui garantirait la s�curit� des �lections � venir. Bref, avec la d�claration de Rome, et si Kigali le veut bien, c'est peut-�tre un tournant d�cisif qui s'amorce pour le processus de paix dans la r�gion des Grands Lacs.

Jean Dominique Geslin