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01/09/2005 |
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Ann�es 1960 : Cr�ation 1968. A Rome comme � Paris, il flotte un air de r�volution. Chez les catholiques, le concile Vatican II, clos trois ans auparavant, apporte son parfum de renouveau. Andrea Riccardi, 18 ans, fils de banquier, �l�ve au tr�s chic lyc�e Virgile, � Rome, s�int�resse � la politique. � J�avais l�id�e que le monde devait changer, qu�il fallait inventer l�avenir �, raconte-t-il aujourd�hui (1). A 15 ans, le lyc�en a d�couvert l�Evangile, avec l�intuition qu�il y trouverait beaucoup plus de force pour changer le monde que dans toutes les id�ologies � la mode. Un r�ve na�t alors dans son esprit... En f�vrier 1968, il propose � quelques amis de r�fl�chir � la question suivante : � Comment sortir de la solitude et d�couvrir les autres ? � D�s leur deuxi�me r�union, Andrea et ses amis partent dans les quartiers pauvres de la p�riph�rie de Rome. �Je passais beaucoup de temps dans une famille de sept enfants dont le p�re �tait en prison, se souvient Mario Giro, qui s�est joint au groupe � l��ge de 15 ans, actuellement responsable des relations internationales de la communaut�. Nous allions, deux par deux, aider les petits � faire leurs devoirs. Ensuite, nous nous r�unissions pour parler de nos visites. � Pour ces jeunes, l�engagement dans les cit�s est social avant d��tre politique. Mais � que signifie changer la soci�t� si l�on ne change pas l�homme ? � se demande Andrea. Pour � changer l�homme �, le jeune homme a un � outil � : la Bible. � Le matin, avant les cours, nous priions autour de l�Evangile du jour �, raconte Mario Giro. D�s le commencement, la spiritualit� de saint Fran�ois d�Assise �tait pr�sente. � Comme lui, nous souhaitions agir dans la simplicit�, pr�cise Mario Giro. Il lui importait plus d���tre avec� que d���tre au service de�. � En 1973, les jeunes comptent dix centres en banlieue, o� ils assurent le soutien scolaire et animent des messes. Ils s�installent alors dans les murs de Sant�Egidio, couvent abandonn� du quartier populaire du Trastevere, en plein c�ur de Rome, et adoptent le nom de l��difice o� ils prient chaque soir, laissant les portes grandes ouvertes pour tous ceux qui souhaitent se joindre � eux. En 1983, la basilique Santa-Maria-in-Trastevere, situ�e � c�t� de Sant�Egidio, leur est confi�e. Ann�es 1970 : Rome et ses pauvres Tr�s vite, les jeunes de la communaut� � qui continuent leurs �tudes (2) � se trouvent de nouveaux amis : les � anciens �. Un certain nombre de personnes �g�es assistent aux messes c�l�br�es en banlieue ou � la pri�re quotidienne du Trastevere. En 1975, l�histoire de Filomena bouleverse la communaut�. � C��tait une vieille amie qui venait tous les jours nous rendre visite � Sant�Egidio, raconte Sylvia Marangoni, 48 ans, membre de la communaut�. Un jour, ses neveux l�ont install�e dans une maison de retraite. Elle est morte en dix jours. � Depuis, Sant�Egidio engage de nombreuses batailles pour adoucir la vie des a�n�s. Derni�re en date, l�op�ration � Sole si, soli no � (� Soleil oui ; seuls, non �) fonctionne depuis deux ans. � La canicule de l��t� 2003 a tu� 12 000 Italiens, explique Sylvia Marangoni, professeure d�histoire et coordinatrice des activit�s de Sant�Egidio pour les anciens. Nous nous sommes demand�s comment �viter l�isolement qui avait caus� tant de d�c�s. � Depuis mars 2004, l��quipe de � Sole si, soli no � suit 2 800 personnes de plus de 75 ans des quartiers romains du Trastevere et du Testaccio. Au d�but des ann�es 1980, la communaut� va s�int�resser �galement aux personnes handicap�es. Aujourd�hui, la branche � Gli amici � (en fran�ais, � les amis �) anime, entre autres, des appartements-foyers pour adultes handicap�s, un restaurant, une exposition annuelle de peinture. Sant�Egidio agit aussi pour les sans domicile fixe, via la Mensa � les � restos du c�ur � locaux. Quatre-vingt-dix b�n�voles servent 1 500 repas, trois fois par semaine, dans un vaste local du Trastevere. A No�l, 500 personnes sont invit�es autour d�un gigantesque banquet install� dans la basilique Santa-Maria-in-Trastevere. En 1975, le P. Carlo Maria Martini, recteur de l�Institut biblique de Rome, et futur archev�que de Milan, se joint � la pri�re quotidienne de Sant�Egidio et donne de son temps pour la communaut�. Ann�es 1980 : Dialogue interreligieux Le 3 d�cembre 1978, peu apr�s son �lection, Jean-Paul II visite ses paroisses. La premi�re sera Garbatella, �glise d�un quartier pauvre o� Sant�Egidio a install� une cr�che. Les membres de la communaut� appellent le pape depuis la fen�tre : � Saint-P�re, venez nous voir ! � Et Jean-Paul II de s�asseoir parmi les bambins, de discuter avec tous et d�inviter les jeunes de Sant�Egidio � venir le rencontrer au Vatican. Commence alors une longue amiti�. � Jean-Paul II a toujours fait une grande confiance � la communaut�, analyse Jean-Dominique Durand, historien, auteur d�un livre sur Sant�Egidio (1). Avec Andrea Riccardi, il entretenait une relation paternelle. Il a encourag� la communaut� � prendre des initiatives. � A la Pentec�te de 1986, le Saint-Si�ge reconna�t Sant� Egidio comme une � association publique de la�cs �. Le 27 octobre, Jean-Paul II ouvre la rencontre d�Assise : 124 repr�sentants de religions chr�tiennes et non chr�tiennes se retrouvent dans la cit� de saint Fran�ois pour prier ensemble pour la paix. Convaincue que l�� esprit d�Assise � doit se cultiver, la communaut� de Sant�Egidio cr�e l�association internationale � Hommes et religions �. En 1987, elle convoque � Rome la premi�re � Rencontre de pri�re pour la paix. � Soheib Bencheikh, mufti de Marseille, se souvient : � A un moment, nous nous sommes s�par�s pour prier dans des salles diff�rentes, chacun selon sa tradition. J��tais �mu, car je me suis retrouv� avec mes fr�res musulmans, en sachant qu�au m�me moment, le m�me Dieu �tait sollicit� par d�autres traditions. � Depuis, chaque ann�e, en septembre, ce � p�lerinage de la paix � invite des responsables religieux du monde entier � se r�unir. De Varsovie (Pologne) en 1989, en passant par Bucarest (Roumanie) en 1998, jusqu�� Lyon, du 11 au 13 septembre 2005. Ann�es 1990 : m�diation pour la paix D�s les ann�es 1980, l'int�r�t de pour toutes les � pauvret�s � l�am�ne � s�int�resser � la situation du Mozambique. Dans cette ancienne colonie portugaise, une guerre civile d�chire la population. Usant de leurs relations personnelles, les membres de Sant�Egidio suscitent une rencontre in�dite entre l�Eglise mozambicaine et le gouvernement communiste. Suivra une visite au Vatican du pr�sident de la R�publique Samora Machel. Gr�ce � sa bonne connaissance du terrain, l��quipe de Sant�Egidio s�implique de plus en plus dans la recherche de la paix. L�historien Andrea Riccardi et le pr�tre Matteo Zuppi � membres de la communaut� � s�improvisent diplomates. Le 4 octobre 1992, dans le couvent de Sant�Egidio, apr�s dix ans de tractations, les bellig�rants signent un accord de paix, encore appliqu� aujourd�hui. La communaut� acquiert une renomm�e internationale. L�� ONU du Trastevere � est de plus en plus sollicit�e pour la r�solution de conflits : Bosnie, Guatemala, Proche-Orient. Le 13 janvier 1995, elle r�ussit � rassembler autour de la m�me table des membres du FIS (Front islamique du salut) et le gouvernement alg�rien. Elle obtiendra la signature d�une � proposition de paix �, malheureusement inappliqu�e. Un groupe d�une quinzaine de membres de la communaut� � historiens, pr�tres, syndicalistes et journalistes � se sp�cialise dans la r�solution des conflits. Dans le pied-�-terre du Trastevere d�filent le Congolais Laurent-D�sir� Kabila et son ennemi � mortel � le Rwandais Paul Kagame, ou l�ex-secr�taire d�Etat am�ricaine Madeleine Albright. Aujourd�hui, les � diplomates � de la communaut� s�activent sur le dossier de la crise ivoirienne, ceux des otages d�tenus en Colombie, ou du r�tablissement des relations entre le Saint-Si�ge et la Chine. Les diplomaties officielles louent l�action de ces amateurs. � Ils sont l�gitimes, car ils connaissent parfaitement le terrain, assure un diplomate fran�ais qui a travaill� avec eux. En toute circonstance, ils cherchent � ce que la dignit� humaine soit mieux respect�e. � Leurs qualit�s ? � Bien organis�s, fiables, discrets et efficaces. Nous �changeons souvent avec eux sur tel ou tel dossier. � L�Eglise appr�cie elle aussi � sa juste valeur les efforts de Sant�Egidio en faveur de la paix. � Ils la construisent au jour le jour, de fa�on artisanale, comme un potier se sert de ses mains, � t�moigne le cardinal Roger Etchegaray, pr�sident �m�rite du Conseil pontifical � Justice et paix �. Ann�es 2000 : Lutte contre le sida � En 1996, alors que la bataille contre l��pid�mie de sida connaissait une vraie avanc�e en Europe avec l�apparition des antir�troviraux, les Africains mouraient comme des mouches, � raconte Paola Germano, 45 ans, coordinatrice du programme Dream (� R�ve �), lanc� par Sant�Egidio contre le sida. Tandis que le Mozambique vivait dans la paix depuis le trait� de 1992, une nouvelle guerre � le sida � attaquait la population. Avec la communaut�, nous nous devions d�agir. � En 1999, une �quipe pilot�e par Paola, responsable du service de r�habilitation des malades du sida dans le plus grand h�pital de Rome, commence � travailler sur un projet visant � administrer des antir�troviraux aux malades mozambicains. Premier obstacle : l�argent. � Nos donateurs habituels nous prenaient pour des fous, se souvient la jeune femme. Ils pensaient, comme les organisations internationales, que les Africains ne s�adapteraient jamais aux exigences de r�gularit� du traitement m�dical. � Deuxi�me obstacle : le gouvernement local refuse l�importation des antir�troviraux. Pour lui, la lutte contre le sida n�est pas une priorit� pour l�Afrique. Les animateurs du projet obtiendront finalement l�accord du gouvernement en 2001. C�t� budget, une ONG (organisation non gouvernementale) britannique accepte de se lancer dans l�aventure et finance pour moiti� le premier test. En d�cembre 2001, une douzaine de b�n�voles membres de communaut�s du monde entier, d�barquent � Maputo, capitale du Mozambique. Cinquante malades du sida re�oivent alors un traitement aux antir�troviraux. � Ils ressemblaient � des morts-vivants, raconte Paola Germano. En deux ou trois mois, ils avaient tellement chang�, physiquement, que leurs proches n�en croyaient pas leurs yeux ! � De nombreux malades se pressent alors aux portes du centre de Maputo construit par Sant�Egidio. Forte de son succ�s, la communaut� recueille enfin des fonds. Elle poursuit aujourd�hui une action salu�e par les scientifiques du monde entier. Elle a form�, � ce jour, 1 500 personnes et a ouvert 10 centres de traitement et 3 laboratoires d�analyse et de suivi, g�r�s par des Mozambicains. Bilan : 9 200 malades sont trait�s par ses soins. Sant�Egidio a d�j� ouvert sept centres dans d�autres pays africains. Messe t�l�vis�e sur France 2 le 11 septembre � 10h55 en direct de la basilique de Fourvi�re, avec la communaut� Sant'Egidio. Documentaire sur la communaut� Sant'Egidio le 27 novembre � 10 h 30 (1) Extrait de Sant�Egidio, Rome et le monde, Andrea Riccardi, entretiens avec Jean-Dominique Durand et R�gis Ladous, Ed. Beauchesne, 190 p.; 18,20 e. (2) Andrea Riccardi est devenu historien et Mario Giro permanent � la Conf�d�ration internationale des syndicats libres. A lire aussi : Sant�Egidio, l�Evangile au-del� des fronti�res, d�;Andrea Riccardi, entretiens avec Dominique Chivot, Ed. Bayard, 170 p. ; 18,29 e.
Marie-Christine Vidal
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