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Famille Chretienne |
24/09/2005 |
Sant'Egidio |
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La communaut� Sant'Egidio est n�e � Rome apr�s le concile Vatican II. Outre le dialogue avec les autres religions, ses activit�s sont ax�es autour de la pri�re, de la solidarit�, et de la r�solution de conflits arm�s. Un chant en italien, inspir� de la liturgie byzantine, r�sonne dans Santa Maria in Trastevere, l'une des plus anciennes basiliques de Rome. Devant le majestueux autel m�di�val, une ic�ne de la Sainte Face du Christ est �clair�e par une dizaine de petites bougies. Entre les imposantes colonnes de marbre, des hommes et des femmes, pour beaucoup �g�s de 35 � 50 ans, sont install�s sur les bancs pour la pri�re du soir de la communaut� Sant'Egidio. Don Vittorio monte � l'ambon et proclame l'Evangile, puis prononce une br�ve hom�lie. D'autres soirs, c'est un la�c qui commente la parole de Dieu. Apr�s une demi-heure de chants et de pri�re, la basilique est envahie par l'immense brouhaha de dizaines d'amis qui discutent. C'est cette pri�re, organis�e chaque soir, qui constitue le point de d�part de l'action rayonnante de la communaut� Sant'Egidio, n�e en 1968, � quelques dizaines de m�tres de la basilique, au coeur du quartier populaire du Trastevere, non loin du Vatican. A l'origine, un groupe d'amis La naissance de Sant'Egidio est d'abord une histoire d'amiti� entre quelques jeunes du tr�s hupp� lyc�e Virgile de Rome. Andrea Riccardi, fils de pr�sident d'une banque italienne, a 18 ans en 1968. Avec ses compagnons, il appartient � un groupe des Jeunesses �tudiantes fond�es quelques ann�es plus t�t par un pr�tre de Milan, Don Giussani, et qui s'appr�tent � devenir le mouvement Communion et Lib�ration. Parmi eux, un certain Rocco Butiglione, rest� fid�le, ensuite, au mouvement de Don Giussani. Alors que flotte le parfum de la r�volution, ils ne s'ab�ment pas dans les lectures de Marx ou L�nine et pr�f�rent m�diter l'Evangile, inspir�s par la figure de saint Fran�ois d'Assise. Mais la lecture de l'Evangile ne les rassasie pas. Andrea et ses amis r�vent de changer le monde et d�cident de retrousser leurs manches. Apr�s les cours, les jeunes gar�ons partent � la rencontre des pauvres de la p�riph�rie romaine. Ils organisent le soutien scolaire des enfants illettr�s. �Nous avons commenc� dans les bidonvilles, le tiers-monde de la porte � c�t�, se souvient Mario Marazziti, compagnon d'Andrea Riccardi d�s le d�but et aujourd'hui porte-parole de la communaut�. Peu � peu, leur action se r�pand en plusieurs quartiers de la ville : ponte Marconi, Garbatella, Primavalle... D'abord m�fiants � l'�gard du Vatican, les jeunes �tudiants vont peu � peu obtenir le soutien de pr�tres et de pr�lats. Parmi eux, un membre de la secr�tairerie d'Etat, Achille Silvestrini, futur cardinal et pr�fet de la Congr�gation pour les Eglises orientales. Le j�suite Carlo Maria Martini, futur archev�que de Milan, les d�couvre aussi au coeur des ann�es 70. Il participe m�me aux activit�s de la communaut� en prenant soin d'une personne �g�e, tout en assumant ses responsabilit�s de recteur de l'Institut biblique pontifical. Parmi les camarades des premi�res heures, un jeune vicaire de la paroisse Santa Maria in Trastevere, Don Vincenzo Paglia. Assistant eccl�siastique de la communaut� depuis ses d�buts, il est aujourd'hui �v�que de Terni, � une centaine de kilom�tres de Rome. C'est gr�ce � lui qu'en 1973, la communaut� s'installe dans un ancien couvent de carm�lites, au coeur de l'un des plus vieux quartiers de Rome devenu � la mode, le Trastevere. La communaut� prend alors le nom de ce couvent et de la petite �glise attenante du XVlle si�cle : Sant'Egidio, saint Gilles en italien. L'aide aux plus pauvres Aujourd'hui, pr�s de la porte, ni pan-carte ni panneau, seule une petite �tiquette sous la sonnette indique le si�ge de la gigantesque communaut�, qui affirme compter d�sormais quelque cinquante mille membres dans soixante-dix pays. Trente-sept ans apr�s sa fondation, Sant'Egidio axe ses activit�s vers la solidarit�, la r�solution de conflits, l'oecum�nisme et le dialogue interreligieux. �Quand je ne sais vraiment plus comment faire, je prie, car je crois dans la force de la pri�re�, confie Francesca Zuccari, 49 ans, membre de la communaut�. Elle se d�die depuis 1980 aux sans-abri, aux sans-domicile fixe, italiens et �trangers. Depuis 1988, elle dirige aussi la mensa, la cantine de la communaut� install�e dans le Trastevere, o� sont servis mille cinq cents repas par jour. Depuis, d'identiques popotes ont �t� ouvertes en Belgique et en Allemagne. A Moscou, une r�alisation similaire est soutenue par Sant'Egidio depuis pr�s de quinze ans. Lorsque l'on demande � Francesca quels sont ses meilleurs souvenirs, elle r�pond sans h�siter qu'il s'agit des repas de No�l qu'elle organise avec la communaut� � l'int�rieur de la basilique du Trastevere. Chaque 25 d�cembre depuis 1982, la majestueuse basilique est transform�e en un gigantesque r�fectoire pourvu de tables color�es, de guirlandes, et accueille plus de cinq cents clochards, des immigr�s roumains, des gitans ou des personnes �g�es sans ressources. Le dernier No�l de la communaut� a vu Jim Nicholson, alors ambassadeur am�ricain pr�s le Saint-Si�ge, servir lasagnes et boulettes de viandes aux d�sh�rit�s. Ce No�l de Sant'Egidio est devenu le rendez-vous des m�dias et des autorit�s. R�volt�s par la mort de milliers de per-sonnes �g�es lors de la canicule de l'�t� 2003, les responsables de Sant'Egidio ont donn� naissance, d�s l'ann�e suivante, � une op�ration baptis�e �Sole si, soli no� (le soleil oui, la solitude non). L'�t� pass�, le projet a concern� un peu plus de deux mille deux cents personnes des quartiers du Trastevere et du Testaccio. Des �quipes de volontaires, parmi lesquels de nombreux immigr�s, ont p�riodiquement rendu visite aux �anciens� pour les sortir de leur solitude, leur rendre un service. Sant'Egidio s'occupe aussi des per-sonnes handicap�es, mettant en place des foyers pour adultes en Italie et en Allemagne. A Rome, comme n'importe o� dans le monde, les membres de la communaut� visitent les malades, avec une attention particuli�re pour ceux qui sont atteints du sida. Convaincu que �les pauvres vont souvent en prison�, Sant'Egidio organise des visites aux prisonniers, et s'engage dans le combat contre la peine de mort. L'esprit d'Assise Jean-Paul II a eu bien du mal, d�but 1986, � faire accepter l'id�e d'une Journ�e mondiale de pri�re, en pr�sence de chefs religieux non catholiques et non chr�tiens de toute la plan�te. Peu soutenu au sein m�me de la Curie, il a toutefois trouv� un appui en la personne du cardinal Roger Etchegaray, alors pr�sident du Conseil pontifical Justice et Paix, tandis que Sant'Egidio et le mouvement italien des Focolari ont aid� aux pr�paratifs. Le 27 octobre 1986, Jean-Paul II parvenait � rassembler les repr�sentants des principales religions mondiales � Assise, et invitait chacun � prier pour la paix. C'est ensuite la communaut� Sant'Egidio qui, avec le soutien du Pape, va prendre le relais. Depuis, elle organise chaque ann�e les rencontres �Hommes et Religions�. A Varsovie, J�rusalem, Bucarest, Lisbonne ou Barcelone, des repr�sentants des religions se retrouvent pour prier chacun selon leur tradition, et pour affirmer ensemble, comme ils viennent de le faire � Lyon, que �la paix est possible�, qu'elle est �le nom de notre avenir�. �L'Onu du Trastevere� Au coeur des pr�occupations de Sant'Egidio se trouve aussi le Tiers-Monde. En mai dernier, peu avant que les pays du G8 tiennent leur promesse d'effacer la dette de pays les plus pauvres de la plan�te, le P�re Matteo Zuppi montait au cr�neau dans une r�union publique. Celui qui fut parmi les premiers compagnons d'Andrea Riccardi s'inqui�tait du manque de pr�occupation pour l'Afrique, regrettant que ce continent o� vivent 800 millions de personnes fasse seulement la une des journaux �quand un touriste europ�en est mang� par un crocodile�. Don Matteo Zuppi est l'un des principaux artisans de l'accord de paix au Mozambique obtenu par la communaut� en 1992. Le d�but d'une longue s�rie de n�gociations en faveur de la paix. Dans les ann�es 80, tout est parti de l'amiti� de certains des membres avec un pr�tre du Mozambique, le P�re Jaime Gon�alv�s, devenu par la suite archev�que de Beira, une ville du centre du pays. La communaut� vient alors en aide � l'Eglise mozambicaine qui subit la r�pression de la part du r�gime afro-marxiste en place. A l'aide d'urgence succ�dent des n�gociations avec le gouvernement en vue d'obtenir la libert� religieuse, puis une visite du pr�sident mozambicain au Vatican, pour rencontrer Jean-Paul II. La guerre d�chire le pays et, successivement, les diplomates de l'Afrique du Sud, du Portugal, ou de l'Eglise africaine, se cassent les dents. Sant'Egidio se propose alors comme n�gociateur. Apr�s vingt-sept mois et onze sessions de travail, un accord de paix entre le gouvernement et la gu�rilla de la Renamo est sign� le 4 octobre 1992, jour de la f�te de saint Fran�ois d'Assise... Depuis, les "miracles" attribu�s � Sant' Egidio sont nombreux. Par exemple, en 1993, la communaut� intervient dans la lib�ration de deux Italiens otages de s�paratistes kurdes en Turquie. L'ann�e suivante, la r�union � Rome des chefs des principaux partis politiques alg�riens aboutit � une plate-forme de paix. Mais l'invitation du parti interdit du Front islamique du salut mettra la communaut� en mauvaise posture. Avec l'appui de Jean-Paul II, la communaut� a continu� son action pour la paix dans les Balkans, au Guatemala, au Soudan ou en Afrique noire. Le 25 ao�t dernier, dans sa r�sidence d'�t� de Castel Gandolfo, Beno�t XVI avait invit� � d�jeuner Mgr Vincenzo Paglia, Andrea Riccardi et le pr�sident de la communaut�, Marco Impagliazzo. Les trois hommes ont pr�sent� les th�mes de la rencontre de Lyon mais aussi expliqu� au Pape leurs interventions actuelles en Russie, en Chine, au Darfour, ou au Togo, o� Sant'Egidio travaille � la r�conciliation du gouvernement avec l'opposition. Forte de ces actions, Sant'Egidio est souvent appel�e �l'Onu du Trastevere�. �Ce sont des expressions qui plaisent aux journalistes�, s'exclame en riant Franco, membre actif de la communaut�. Il explique ainsi que cet engagement n'a d'autre raison que de �prot�ger les pauvres qui sont bien souvent les premi�res victimes des conflits�. Mais il reste difficile de savoir ce que pensent r�ellement les pr�lats de la secr�tairerie d'Etat du Vatican de cette �diplomatie parall�le�, ponctu�e d'op�rations m�diatiques. Depuis 1986, au sein de l'Eglise, Sant'Egidio b�n�ficie du statut d'association publique de la�cs. Pour entrer dans la communaut�, explique encore Franco, ni examen de passage ni �tapes particuli�res. �Un membre, pr�cise-t-il, est quelqu'un qui se sent bien chez nous, prend des engagements, et accepte d'�tre accompagn�.� Reste une inconnue, l'avenir de la communaut� le jour o� son fondateur, le tout-puissant Andrea Riccardi, voudra, ou devra, l�cher les r�nes. Andrea Riccardi, diplomate de l'Evangile Toujours tir� � quatre �pingles, Andrea Riccardi (photo) arbore un large sourire que ne dissimule pas sa barbe poivre et sel. A 55 ans, ce fils de grande famille romaine peut s'enorgueillir de conduire depuis 1968 la communaut� Sant'Egidio. D'abord professeur d'Histoire contemporaine, sp�cialiste des partis politiques � l'universit� de Bari, dans le sud de l'Italie, il enseigne � l'Universit� de Rome-III. Collectionneur de prix pour la paix et francophone, le Pr Riccardi se dit convaincu que �le monde a besoin de la sagesse du dialogue, de la sensibilit� � la douleur d'autrui, d'une amiti� ouverte � tous, de Foi et de convictions�. II est aussi l'auteur de nombreux ouvrages sur Pie XII, pape qui, en 1954, b�atifia un de ses oncles, le b�n�dictin Placido Riccardi. Ses derniers livres parus en fran�ais sont L'�tonnante modernit� du christianisme, aux Presses de la Renaissance, et La Paix pr�ventive, aux �ditions Salvator. Ceux qui n'aiment pas Sant'Egidio disent ses membres assoiff�s de pouvoir. Mais force est de constater que, pour l'heure, son fondateur n'a pas c�d� aux sir�nes de la politique. A plusieurs reprises, Andrea Riccardi a refus� d'entrer dans les listes de la D�mocratie chr�tienne italienne. Y compris de se porter candidat � la mairie de Rome.
Antoine-Marie Izoard
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