Comunità di S.Egidio


 

Famille Chretienne

07/01/2006


Andrea Riccardi
�Mon esp�rance pour la paix�


 

� l'aube de cette nouvelle ann�e, le fondateur de la Communaut� Sant'Egidio, m�diateur dans de nombreux conflits � travers le monde, revient sur les �meutes qui ont �clat� dans les banlieues fran�aises, et sur les difficult�s que traverse notre soci�t�.

Tout �tait minut�, organis�, sans que soit tol�r� le moindre retard : atterrissage � Fiumicino, taxi, trajet, interview. Andrea Riccardi n'a plus l'emploi du temps �lastique du jeune lyc�en qui fonda la Communaut� Sant'Egidio en 1968 (voir encadr� "Sant'Egidio, � Rome, Paris..."). Aujourd'hui, chaque minute compte pour cet homme de 55 ans, partag� entre son travail de professeur d'Histoire � l'Universit�, ses engagements sociaux et communautaires, ses responsabilit�s politiques.

Lorsque je parviens, en ce matin de d�cembre, au 3, piazza Sant'Egidio, apr�s une course automobile digne du film Taxi dans les ruelles du Trastevere, une f�brilit� toute italienne anime l'ancien couvent retap� par la communaut� dans ce quartier populaire de Rome. Paolo Ciani, secr�taire particulier d'Andrea Riccardi, m'explique : "Nous donnons une conf�rence de presse sur l'abolition de la peine de mort. Nous accueillons aussi des chefs d'�tat pour discuter avec eux de cette question. C'est un peu la course !" Ouf, je ne suis pas le seul � courir...

Dans un salon feutr� orn� de fauteuils Renaissance, Andrea Riccardi, tir� � quatre �pingles, attend, jambes crois�es, comme son costume. La position para�t d�tendue, mais le sourire est un peu crisp� dans la barbe poivre et sel. Andrea Riccardi me fait asseoir, me regarde sortir mon attirail, sugg�re de tester le magn�tophone - exp�rience personnelle, ou crainte de parler pour ne rien dire ?

Je commence l'entretien en m'int�ressant � sa communaut�. Cette politesse l'agace. "Une question plus chaude, s'il vous pla�t ! On parlera de Sant'Egidio plus tard." � peine ai-je lanc� ma question "chaude" qu'on frappe � la porte. Paolo Ciani ouvre, fait attendre l'intrus, appelle Andrea. Celui-ci, dans l'entreb�illement, parle avec passion et moult gestes. "Les derni�res consignes avant la conf�rence de presse", l'excuse Paolo.

"Sans la pri�re, l'amour du pauvre est impossible"

Riccardi revient, s'asseoit, respire, et reprend pr�cis�ment o� il s'�tait arr�t�, dans un fran�ais parfait. Au fil de la conversation, il se d�tend, s'anime. Il s'est profond�ment interrog� sur les �meutes dans les banlieues fran�aises. Il n'oublie pas que l'aventure de Sant'Egidio a commenc� dans les banlieues romaines : un petit groupe de lyc�ens - pour la plupart, des enfants de "bonnes familles", �l�ves du tr�s hupp� Lyc�e Virgile de Rome comme lui, fils du pr�sident d'une banque - qui y visitait les plus pauvres. "Notre travail, c'est d'aller � la rencontre des exclus, rappelle-t-il. En n'oubliant pas que, sans la pri�re et la conversion, l'amour du pauvre est impossible." Trente ann�es d'exp�rience ont confirm� cette intuition.

Le strat�ge inspir� conclut l'entretien avec un regard malicieux : "Chacun peut lancer une petite communaut� Sant'Egidio. L'important est de rester branch� sur la Parole de Dieu..."

�Le dialogue est l'un des visages de l'amour�

Comment expliquez-vous le malaise croissant des soci�t�s contemporaines ?

L'homme contemporain sait beaucoup de choses, bien plus que ses pr�d�cesseurs. Nous sommes, � la fen�tre du monde, t�moins de catastrophes, de cataclysmes, de violences... Nous sommes spectateurs d'un monde complexe que nous avons du mal � comprendre. Comment ordonner, d�crypter, hi�rarchiser la masse d'informations qui nous arrive quotidiennement ?

Autrefois, les rep�res �taient suffisamment clairs : nous savions discerner le bien du mal, le vrai du faux ou juger de la l�gitimit� d'un combat. Aujourd'hui, il faut bien l'avouer, c'est la confusion qui pr�domine. Que faire ? Que penser ? Nous nous sentons impuissants ! Une r�action, de plus en plus courante, est de fermer la fen�tre ! Ainsi je ne vois plus, je ne sais plus, je ne m'engage plus. Attitude qui d�note un sentiment de peur � l'�gard du monde.

Mais pouvons-nous vivre dans nos quartiers comme si le monde autour de nous n'existait pas ? Le th��tre de nos vies, c'est le monde. Un monde qui nous interroge plus que jamais sur notre propre identit�. Alors, nous sommes tiraill�s entre le grand horizon qui se d�ploie et la recherche de notre propre identit�. C'est la condition complexe de l'homme contemporain.

La paix n'est-elle pas une utopie ?

L'humanit� a parfois l'impression que la guerre est le destin naturel de l'homme ; pour moi, c'est le p�ch� originel du monde. Certes, nous avons gaspill� beaucoup d'occasions de paix, mais nous en avons gagn� : l'Union europ�enne en est une.

Nous ne devons jamais renoncer � b�tir la paix. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui avec les multipolarismes atomiques qui sont en train de se former. Nous avons un destin commun : travailler pour la paix, b�tir la civilisation du "vivre ensemble", ou nous entretuer et nous d�truire.

Apr�s la chute du mur de Berlin, on a r�v� de paix. Mais elle tarde...

Vous savez, si l'homme ne sait plus r�ver, il court de grands dangers. "Nous sommes n�s dans un monde injuste, fait remarquer le P�re Ceyrac en Inde, nous ne pouvons pas le laisser ainsi sans vouloir le changer." Nous devons r�ver d'un monde meilleur o� la paix est possible. Beno�t XVI, � Cologne, a parl� de la "r�volution de Dieu" capable de changer le monde. Et la premi�re r�volution � faire, c'est la paix. Sans la paix, rien n'est possible... Avec la paix, tout est possible !

Alors je crois qu'�tre chr�tien, c'est comprendre le nom de la paix, son sens profond. "Acquiers la paix en toi-m�me et des milliers autour de toi la gagneront" : cette parole de saint S�raphim de Sarov est la cl� de la paix. Tout est li� : la paix int�rieure, la paix dans nos familles, la paix sociale en ville mais aussi dans nos banlieues, la paix entre les nations... La paix est un choix, une d�cision � mettre en �uvre. Et cela commence d'abord par nos vies.

De plus en plus de chr�tiens recherchent une paix int�rieure, mais de moins en moins s'engagent dans le monde. Le lien ne semble pas aller de soi.

Je viens de vous le dire : le lien entre la paix int�rieure et la paix du monde est essentiel. Regardez Jean-Paul II. C'�tait un homme de combat, mais aussi un grand mystique. Un vrai t�moin.

Mais je comprends votre interrogation : c'est un grand risque pour le chr�tien. Quand je vois la crise des banlieues en France, je m'interroge. O� est le chr�tien ? O� est l'�glise en banlieue ? Il ne peut y avoir de vraie spiritualit� sans �lan social, ni inversement de solidarit� sans �lan spirituel.

La crise des banlieues en France ne vous a pas laiss� indiff�rent...

J'ai suivi de tr�s pr�s ce qui s'est pass� en France. Ce sont des faits d'une extr�me gravit�. Paris est un laboratoire important. Nous devons beaucoup r�fl�chir � ce qui vient de se vivre.

L'�chec de la banlieue, c'est l'�chec de tous : l'�tat, l'�cole, la police, mais aussi l'�glise... Personnellement, j'ai �t� marqu� par les grands textes des catholiques fran�ais dans les ann�es 1930 qui, d�j�, pointaient la banlieue comme le grand d�fi de l'�glise : "France, pays de mission".

Alors, pourquoi cet �chec ? Il est encore trop t�t pour avancer une analyse pr�cise. Mais une chose est s�re : les banlieues ont besoin de chr�tiens banlieusards, dans la rue et au travail. Le ferment dans la p�te ! Il y en a, j'en suis s�r... Nous devons peupler ces nouveaux d�serts comme des fr�res, comme des hommes de l'�vangile. Le regard du chr�tien est vital pour nos soci�t�s : il n'est pas celui du maire, ni celui de l'instituteur, ni celui de l'�ducateur, ni celui d'un croyant d'une autre religion.

La pauvret� est-elle, selon vous, une grande menace pour la paix ?

Elle est le terrain sur lequel na�t la violence et la guerre. Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France, s'insurge contre "la violence de la pauvret� faite aux pauvres". Regardez la carte d�mographique du monde : le Sud est jeune. Les vagues d'immigration aux fronti�res espagnoles qu'essaie d'endiguer la Communaut� europ�enne, c'est la r�volte des jeunes Africains contre leur pays. Je crains que, dans le futur, le ressentiment s'amplifie vis-�-vis des riches et des Europ�ens. Comment �viter que cela n'arrive pas dans nos villes ? C'est un grave probl�me de soci�t� que nul ne peut ignorer.

Et faisons attention � ne pas m�priser le banlieusard. Des analyses trop simplistes font porter le probl�me des banlieues sur l'immigr�. On risque ainsi d'amplifier la fracture sociale et de diviser nos villes en deux : d'un c�t� les riches, de l'autre les pauvres. Soyons vigilants � ne pas introduire dans nos quartiers le choc des civilisations qui asphyxiera nos cit�s. L'�glise, dans la lign�e du concile Vatican II, nous invite � un amour de pr�f�rence pour les pauvres.

L'immigration n'est-elle pas un facteur d'instabilit� pour nos pays ?

Vous savez, dans les ann�es 30, la France �tait en passe de devenir polonaise, portugaise, italienne, arm�nienne. Quand je prends le taxi � Paris, j'entends des Portugais qui parle du pr�sident Chirac avec passion ou animosit�, comme s'ils �taient fran�ais. Je connais un Italien, recteur d'universit� chez vous. La capacit� d'int�gration d'une culture est un atout - mais je ne nie pas les probl�mes qui existent avec certaines communaut�s.

Ne craignez-vous pas une "islamisation" de nos soci�t�s ?

Attention � ne pas tomber dans le pi�ge de la simplification ! L'islam, tout comme l'immigration, est un ph�nom�ne complexe. Qu'il y ait un islam emprunt de fondamentalisme et globalis�, oui. Mais, vous trouvez aussi un islam marocain, un islam indon�sien... L'islam n'a pas les m�mes couleurs selon les racines nationales et les cultures. Si l'islam devenait un bloc mena�ant contre la chr�tient�, ce serait dramatique. S'il est condamn� par ses "chromosomes" � ne jamais accepter la d�mocratie, que peut-on faire ? La croisade ?

Il est important d'�duquer l'opinion publique � cet �gard. Le Liban, o� chr�tiens et musulmans combattent pour la m�me cause, est un cas d'�cole important.

Ne trouvez-vous pas qu'entre chr�tiens et musulmans le dialogue que vous d�fendez est un dialogue de sourds ? Ne sommes-nous pas trop na�fs ?

Je ne crois pas au dialogue comme � un dogme ni comme � une obligation chr�tienne. Le dialogue est l'un des visages de l'amour. C'est une mani�re de dire l'amiti�. Je crois au dialogue dans la vie entre les personnes, dans les quartiers, entre les familles. Pour moi, c'est le plus important - et ce n'est pas si facile. Ce n'est pas un dialogue politique, ni un dialogue acad�mique, ni un dialogue th�ologique. Le dialogue est � la fois une mani�re d'�duquer l'autre, et aussi de le comprendre et de se faire �duquer par lui.

� votre avis, y a-t-il une autre alternative que le dialogue ? Jean-Paul II, en rassemblant � Assise les chefs de diverses communaut�s religieuses, a ouvert la voie. Il nous a emmen�s au Maroc, � Casablanca, � la mosqu�e des Omey-yades, � Damas, en Syrie... Dialoguer, c'est commencer � aimer.

L'Union europ�enne, en mal d'identit� aujourd'hui, peut-elle contribuer � la paix ?

Que seront nos petits �tats devant l'Inde et la Chine ? La France est devenue un petit pays, malgr� sa place au Conseil de s�curit�. Et la Belgique ? Et l'Italie ? Nous avons tous besoin de l'Europe, et le monde aussi. Nous, Europ�ens, portons une tradition de paix et avons un r�le � jouer, � condition de changer de perspectives et de ne pas nous prendre pour le centre du monde. Ce n'est pas parce que nous sommes pacifiques que le monde sera pacifique. Alors, il faut avoir du g�nie.

J'insiste beaucoup sur le rapport avec l'Afrique, pour moi l'un des enjeux les plus grands pour la paix de demain. Le colonialisme, aussi terrible soit-il, a uni le destin de l'Europe � celui de l'Afrique. L�opold Senghor, l'ex-pr�sident s�n�galais, parlait d'"Eurafrique". L'Europe doit prendre ses responsabilit�s vis-�-vis de l'Afrique - et nous, chr�tiens, avons une responsabilit� proph�tique d'�tre ce lien entre l'Europe et l'Afrique. L'Union europ�enne est issue d'un �lan de paix et porte en elle cette vocation.

Comment r�soudre ces d�saccords sur l'identit� europ�enne et sur sa vocation spirituelle ?

Nous devons b�tir un sentiment commun europ�en, un "pathos" europ�en. Les jeunes de nos pays sont d�j� europ�ens : ils vont � l'universit� dans d'autres pays, ils se marient entre eux, ils font des affaires... � l'�tranger, on se d�finit comme europ�en. L'Europe doit devenir un pl�biscite europ�en.

Pour cela, je pense qu'insister sur les racines chr�tiennes de l'Europe serait vraiment une bonne chose. Son identit� ne peut se comprendre qu'� partir de son histoire. Le christianisme a donn� � l'Europe des valeurs qui peuvent contribuer, si on ne les rejette pas, � faire d'elle une force de paix et de stabilit� dans le monde.

Mais j'aimerais aussi parler de la Shoah comme un �v�nement fondateur. La nouvelle Europe est n�e dans l'enfer des camps de concentration, � Auschwitz, � Dachau, dans lesquels le peuple juif - qui �tait, d'une certaine mani�re, une communaut� transnationale - a �t� assassin� sans motif. Devant l'ab�me de l'horreur, les Europ�ens : Conrad Adenauer, Alcide de Gasperi et Maurice Schumann, ont amorc� un virage historique qui fait qu'elle porte un rameau d'olivier, signe de la paix. L'Europe est n�e d'une volont� de paix.

L'int�gration de la Turquie, une question qui divise l'Europe ?

De quelle Europe parlons-nous ? Nous revenons toujours � la question fondamentale de l'identit� europ�enne. Si l'on parle d'une grande Europe �conomique, alors je dis oui. Mais c'est occulter l'essentiel du d�bat.

La question de l'int�gration de la Turquie a un m�rite : nous faire r�fl�chir sur ce qu'est l'Europe, la vraie Europe que nous avons commenc� � b�tir. Quand je vais � Paris, � Madrid, � Londres, � Munich, c'est le m�me monde... L'Europe est une grande famille. Mais une chose est la maison, une autre le voisinage, avec lequel nous devons entretenir de bons rapports.

Quel r�le doit jouer l'�glise catholique dans le monde ?

Catholique veut dire "universel". L'�glise doit lutter contre toutes les tentatives de "nationalisation", d'accaparement par les �tats, comme elle l'a d�j� fait dans l'Histoire. Les nationalismes divisent les chr�tiens et menacent la paix. Lors de la Premi�re Guerre mondiale, quand Beno�t XV suppliait les nations de faire la paix, le pr�dicateur de Notre-Dame de Paris conseillait d'�couter le pape... apr�s la victoire fran�aise ! Jean-Paul II a �t� le pape de la th�ologie des nations : les hommes et les femmes sont �gaux en dignit�, quels que soient leurs pays, leurs nations ou leurs cultures. L'humanit� est une grande famille.

L'une des grandes priorit�s pour la paix est l'unit� des �glises chr�tiennes ?

Absolument. Comme le disait le patriarche Ath�nagoras apr�s sa rencontre avec Paul VI � J�rusalem en 1964 : "Si nous savons rester grands, l'unit� se fera". L'�glise indivise doit se trouver au centre de l'humanit� en voie d'unification.

Le patriarche avait bien per�u le mouvement de la mondialisation qui, d'un c�t�, rapproche les peuples, et en m�me temps les �loigne en faisant surgir des identit�s radicales et oppos�es. L'homme contemporain, pour �chapper au caract�re impersonnel de la civilisation industrielle mondiale, s'attache � son identit�, qui fait son originalit�. "Nous autres chr�tiens, devons nous situer � la jonction de ces deux mouvements pour les harmoniser, disait � ce propos Ath�nagoras [...]. Des �glises s�urs, des peuples fr�res, tels devraient �tre notre exemple et notre message."

Comment devenir un artisan de paix ?

Prier, c'est d�j� travailler pour la paix. Dans nos soci�t�s devenues dures, comp�titives, le christianisme doit introduire la compassion. Sans elle, il ne peut y avoir de vie, l'humanit� est face au vide et au n�ant.

Nous avons � redonner une esp�rance au monde. Une m�re de famille, par exemple, peut exercer un "minist�re" dans son quartier, � l'�cole, avec ses enfants, que nul autre ne pourra faire � sa place. Promenons-nous dans nos rues avec les yeux ouverts du Bon Samaritain. J�sus, dans l'�vangile selon saint Matthieu (ch. 9), a eu piti� des foules avant de commencer le Discours sur la montagne. L'amour ne se programme pas, ni la paix. Le seul programme qui compte aujourd'hui, c'est celui de la compassion.

J'ai une grande esp�rance pour la paix. Dans tout homme, y compris dans celui qui semble une crapule, il y a un d�sir de paix.

La difficult�, c'est l'ambigu�t� du c�ur humain : l'homme aime la paix dans sa famille, et porte la guerre dans les familles des autres ; il aime la paix dans son pays, et s�me la guerre � l'ext�rieur de ses fronti�res. L'homme est contradictoire ; mais il faut travailler avec la racine de paix qui est pr�sente en chaque homme.

Quelle est votre image pr�f�r�e de la paix ?

Avec la colombe, c'est l'image du visage du Christ que vous pouvez voir dans l'�glise de Sant'Egidio, Santa Maria del Tratesvere : serein, silencieux, avec un regard extr�mement pacifiant qui vous fixe... et me pacifie. Le Christ est notre paix.

Vous insistez sur la dimension du partage. Mais on se sent d�muni face � quelqu'un qui mendie...

Un dioc�se italien, un jour, a fait cette d�claration : "Ne donnez pas l'aum�ne aux pauvres devant les �glises, mais donnez l'argent au service social du dioc�se, qui le redistribuera de fa�on plus rationnelle". Cette invitation va � l'encontre du droit naturel. L'aum�ne est une tradition que l'on retrouve dans toutes les religions.

Elle est un petit geste... mais cela peut �tre le d�but d'une relation. C'est le minimum du minimum ! Si vous mettez vos yeux dans les yeux du pauvre, c'est mieux. Si vous lui parlez, c'est encore mieux. Si vous revenez le lendemain, ou une semaine plus tard, pour savoir ce qu'il est devenu, c'est le d�but d'une amiti�.

Alors, ne m�prisons pas l'aum�ne : elle est un geste tr�s humble et tr�s digne qui nous permet d'aller � la rencontre du pauvre.

Quelle est pour vous la plus belle image de l'amour ?

L'image de Pierre et de Jean qui, entrant dans le temple de J�rusalem, trouvent pr�s de la porte un homme estropi�. "Nous n'avons ni or ni argent, lui disent-ils, l�ve-toi au nom du Seigneur." Cela signifie que nous n'avons besoin ni d'or ni d'argent pour aimer le pauvre.

Je suis toujours �merveill� de voir la d�licatesse des pauvres entre eux. En Afrique, nous avons lanc� un programme pour les malades du sida, et nous soignons plus de trois mille personnes. Je suis heureux quand je vois des personnes �g�es de la banlieue de Rome vendre des tartes maison pour aider � financer ce projet. C'est l'obole de la veuve !

Le g�nie de l'Esprit est de faire vivre l'amour dans ses formes les plus diff�rentes. Notre responsabilit�, aux uns et aux autres, c'est d'aimer. Et l'amour est inventif !

* � 1950 Naissance d'Andrea Riccardi, � Rome.

� 1968 Il fonde la Communaut� Sant'Egidio. Professeur d'histoire du christianisme, puis d'Histoire contemporaine, � l'universit� de Rome-III.

� D�s 1980 M�diateur dans de nombreux conflits : Liban, Mozambique, Alg�rie, Balkans, Afrique.

� 1997 Il lance avec Sant'Egidio une campagne pour l'abolition de la peine de mort. La communaut� et son fondateur ont obtenu divers reconnaissances nationales et internationales pour leur engagement en faveur de la paix.

� 2005 Publication en fran�ais de La paix pr�ventive (Salvator, Paris) et de L'�tonnante modernit� du christianisme (Presses de la Renaissance, Paris).

�La division entre les chr�tiens cr�e un climat dangereux�

Dans La paix pr�ventive (�d. Salvator), Andrea Riccardi rappelle que l'unit� des chr�tiens est indispensable � la paix dans le monde. Extraits.

"[...] J'�tais pr�sent � la c�r�monie de signature de l'accord important sur la justification par la foi entre l'�glise catholique et la F�d�ration luth�rienne, � Augsbourg. En ces moments de joie, je repensais au tristement c�l�bre camp de Dachau, pas tr�s �loign�... Je me posais cette question : dans quelle mesure la division entre �vang�liques et catholiques a-t-elle fragilis� la r�sistance spirituelle � Hitler et favoris� la nazification de la conscience des chr�tiens ?

La division entre les �glises chr�tiennes cr�e un climat dangereux permettant de se laisser abuser plus ais�ment par le mal. De la discorde peut surgir le d�mon de la haine et de la guerre qui agite perp�tuellement le monde. Cette fragile condition suffirait, � elle seule, � dire combien le mal de la division est �tendu. Il n'est pas question de pessimisme ou d'optimisme � propos de l'�cum�nisme, mais de la responsabilit� chr�tienne impliquant de vivre le commandement d'unit� que le Seigneur nous a donn�. Nous ressentons cette

Sant'Egidio, � Rome, Paris...

La Communaut� Sant'Egidio est n�e � Rome en 1968, � l'initiative d'Andrea Riccardi. Il commence en r�unissant des lyc�ens comme lui "pour �couter et mettre en pratique l'�vangile". Puis ce petit groupe entreprend de sillonner la banlieue romaine, au milieu des baraques qui, ces ann�es-l�, entourent la Ville �ternelle, et o� vivent de nombreux pauvres. Il se met � donner des cours aux enfants l'apr�s-midi, apr�s la classe (aujourd'hui "�cole de la paix", dans de nombreuses villes du monde).

Depuis lors, la communaut� a beaucoup grandi. Pr�sente dans plus de soixante-dix pays sur quatre continents, elle regroupe pr�s de cinquante mille membres. Des r�unions de pri�re quotidiennes ou hebdomadaires sont organis�es dans les grandes villes d'Europe : Rome, Paris, Bruxelles, Lausanne, Li�ge.

Renseignements : www.santegidio.org

Lo�c Joncheray