Les riches ont bien eu une �amnistie fiscale� pour leurs �d�lits�. La r�forme de la proc�dure d'asile est une bonne occasion pour offrir une �amnistie humaine� aux ill�gaux bien int�gr�s chez nous.
La politique d'immigration et le sort des �ill�gaux� se trouvent � nouveau au coeur des d�bats de soci�t�. Ce n'est pas surprenant. Apr�s l'op�ration de r�gularisation de 2000, le nombre de r�fugi�s qui ont vu leur demande refus�e et qui vivent dans l'ill�galit� a, � nouveau, augment�.
Les membres de la Communaut� de Sant'Egidio sont en contact avec de nombreuses personnes et familles qui vivent dans une telle situation. Dans de nombreux cas, il s'agit de personnes tr�s fines. Il n'est pas correct de toujours �voquer les �ill�gaux� comme des personnes qui d�rangent, des �resquilleurs�, des �profiteurs�, voire des �criminels�, comme cela est de plus en plus en cas. Les sans-papiers que je connais sont pour la plupart des personnes qui conduisent leurs enfants � l'�cole � l'heure, qui trient leurs d�chets m�nagers et ach�tent un ticket dans les transports en commun, lorsqu'ils osent encore les prendre.
En ce qui concerne les jeunes, je constate que beaucoup d'entre eux sont ambitieux et veulent obtenir de bons r�sultats � l'�cole. Deux exemples parmi des dizaines. Une famille asiatique survit depuis six ans, � Anvers, dans des conditions difficiles, apr�s que leur demande d'asile ait �t� refus�e. Il s'agit de personnes travailleuses et honn�tes, qui b�n�ficient d'une grande sympathie de la part des personnes qui les rencontrent. La m�re poss�de un dipl�me en m�decine et s'occupe d'un couple de personnes �g�es afin qu'ils puissent rester dans leur maison plut�t que d'aller habiter dans une maison de repos. Les cinq enfants parlent un n�erlandais parfait. Le fils a�n� est m�me champion de Belgique d'�checs dans sa cat�gorie d'�ge. Les personnes qui connaissent sa situation pr�cisent souvent: �Si tu jouais au football comme tu joues aux �checs, tu aurais des papiers depuis longtemps.�
Un jeune du Congo est arriv� en Belgique il y a plus de 12 ans. Pendant toutes ces ann�es, il a �t� � l'�cole et a �t� accueilli par des oncles et des tantes. Par contre, il n'a pas de papiers. Il vient d'avoir 18 ans, mais n'a aucune chance de trouver un emploi sur le march� du travail, si ce n'est dans les circuits du travail au noir.Quel est l'avantage pour notre soci�t� d'affamer ces personnes ou de les pousser au d�sespoir? N'aurions-nous pas plut�t int�r�t � leur donner un titre de s�jour et des droits civils? Ne feraient-ils pas alors preuve d'amour pour leur nouvelle patrie?
Le ministre de l'Int�rieur Patrick Dewael (VLD) a r�cemment utilis� un langage dur � l'encontre des personnes qui se trouvent dans l'ill�galit� chez nous, ainsi que vis-�-vis de ceux qui les aident. Ce n'est pas honn�te. Les autorit�s elles-m�mes aident des personnes qui sont dans l'ill�galit�. Elles ont, en effet, droit � l'aide m�dicale urgente et l'obligation scolaire s'applique aussi aux enfants. Heureusement d'ailleurs car cela permet � notre soci�t� de rester humaine. Les autorit�s sont conscientes qu'il n'est pas possible d'abandonner ces personnes � leur sort et qu'il ne va pas de soi de quitter le pays.
Nombre d'entre eux n'ont nulle part o� aller.Le ministre parle du �s�jour ill�gal� comme d'un d�lit. Au sens strict du terme, il faut lui donner raison. Il s'agit pourtant d'une d�finition qui ne prend pas en compte les difficult�s, les angoisses et les r�ves de ces personnes.
C'est pour cette raison que la Communaut� de Sant'Egidio plaide pour donner un titre de s�jour � davantage de sans-papiers qui sont int�gr�s en Belgique et ont prouv� qu'ils n'�taient pas des criminels.
Le ministre peut d�j� proc�der de la sorte, en utilisant le fameux article 9.3 de la loi sur les �trangers, sur lequel repose l'espoir de nombreuses personnes sans-papiers. Il suffit qu'il interpr�te de mani�re plus large le crit�re des �liens durables�. A l'heure actuelle, les crit�res pr�cis utilis�s par l'Office des �trangers restent obscurs. La seule certitude est que l'interpr�tation de cet article est plut�t restrictive.Par ailleurs, je voudrais souligner que, pour d'autres �d�lits�, une politique de tol�rance est suivie par une politique de r�gularisation, plut�t que par une politique de poursuites. Cela �tait le cas pour de nombreuses infractions en mati�re de permis de b�tir. Il n'y a plus de bulldozers qui d�truisent des maisons. Il en va de m�me pour l'argent noir situ� � l'�tranger. A deux reprises m�me, apr�s la �D�claration lib�ratoire unique�. Si une �amnistie fiscale� est possible, pourquoi une �amnistie humaine� ne serait-elle pas possible? Le gouvernement ne voudrait-il r�gulariser que les �d�lits� des riches?Personne ne niera que les probl�matiques de l'asile et des migrations sont complexes. Il n'existe pas de solution absolue en la mati�re. Les r�fugi�s qui frappent � notre porte et les ill�gaux qui tentent de survivre contre vents et mar�es dans nos villes nous rappellent que, dans bien des endroits du monde, la vie est un enfer, ou offre � peine des perspectives d'avenir. Garder cette r�alit� sous les yeux est salutaire pour des soci�t�s comme les n�tres qui souffrent d'autosatisfaction et ne poss�dent pas de vision � long terme. Les pays riches doivent investir dans les pays pauvres, bien plus que ce qu'ils sont pr�ts � faire actuellement.Pour autant, il n'est pas possible d'accueillir tout le monde en Belgique. Mais renvoyer tout le monde dans son pays n'est pas possible non plus. Le ministre le sait bien. R�gulariser plus de personnes est aussi une question de sagesse. Chacun sait -le ministre Dewael plaidait lui-m�me � ce sujet- que notre pays a besoin d'une nouvelle migration. Selon le d�mographe Tonny Lesthaeghe, � partir de 2010, la Belgique devra faire appel � 45000 nouveaux migrants par an pour compenser la diminution de la natalit�. C'est d�j� dans quatre ans. Ne serait-il d�s lors pas raisonnable de donner un droit de s�jour aux personnes qui vivent chez nous depuis des ann�es, qui ont appris la langue et qui sont int�gr�es? Les jeunes fr�quentent l'�cole depuis des ann�es en Belgique et les adultes suivent souvent des cours de langue ou une formation professionnelle.
Pourquoi renvoyer ces personnes chez elles alors que nous devrons attirer, dans notre pays, d'autres personnes dont le processus d'int�gration prendra du temps?Le moment est opportun pour envisager une �amnistie humaine�. Au cours des derni�res ann�es, le nombre de nouveaux demandeurs d'asile a diminu� (de 40000 en 2000, � environ 15000 par an actuellement). Des mesures ont �t� prises pour �viter les mariages blancs, des crit�res plus s�v�res ont �t� adopt�s pour les regroupements familiaux. La proc�dure d'asile va �tre finalement raccourcie, alors qu'il s'agit d'une promesse qui remonte � 1999. Toutes ces mesures visent � aboutir � une nouvelle diminution de l'afflux de nouveaux migrants. Ce contexte n'offre-t-il pas une opportunit� pour �tre plus cl�ment vis-�-vis de ceux qui habitent parmi nous depuis longtemps et sont bien int�gr�s?
Hilde KIEBOOM
Pr�sidente de la Communaut� de Sant�Egidio en Belgique
|