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Le Front |
03/05/2006 |
Entretien avec Georges Adon, responsable national de la communaut� de Sant�Egidio |
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Prix Unesco F�lix Houphou�t-Boigny pour la recherche de la paix (�dition 1999), la communaut� de Sant�Egidio, pour ses actions humanitaires � l�endroit des pauvres occupe aujourd�hui une place de choix parmi les mouvements communautaires de l��glise catholique. Nous avons rencontr� le premier responsable de cette communaut� en C�te d�Ivoire. Entretien. Quand et o� est n�e la communaut� de Sant�Egidio ? La communaut� de Sant�Egidio est n�e au lendemain de Vatican II, en 1968 en Italie, sous l�instigation d�un groupe de lyc�ens dirig�s par le professeur Andr�a Riccardi. Cet homme a voulu vivre l��vangile de fa�on concr�te avec les pauvres. Cet �vangile l�a conduit vers les faubourgs de Rome en son temps. Avec ces faubourgs, petit � petit, il a d�couvert d�autres pauvres. C�est ainsi que nous avons eu l�occasion d��tre invit�s en Italie en 1987. A mon retour, j�ai rassembl� autour de moi un certain nombre d�amis et nous avons essay� d�exp�rimenter cette vie de chr�tien en C�te d�Ivoire. En fait, c�est une vie de la�cs qui vivent leur foi et partagent l��vangile dans leur quartier. De 1988 � ce jour, nous comptons une cinquantaine de communaut�s r�parties sur tout le territoire national d�Abidjan. Quelles sont les valeurs qui caract�risent cette communaut� ? La communaut� de Sant�Egidio est bas�e sur trois principes fondamentaux. Le premier principe, c�est la pri�re. La pri�re est le moment o� tous les membres apr�s le travail, se retrouvent les soirs pour communier avec Dieu. De la pri�re surgissent les autres choses comme le v�cu de l��vangile. Nous ne parlons pas dans notre communaut� d��vang�lisation, mais de communication de l��vangile ; parce que nous estimons que l��vangile doit �tre quelque chose de contagieux. Il y a enfin le service. C�est le service qui permet de voir le degr� de votre foi. Car notre foi nous enseigne que personne n�est si pauvre qu�il ne puisse donner quelque chose � un plus pauvre que soi. Pour reprendre les Saintes �critures, St Jacques dans sa lettre a dit � Montre-moi ta foi sans les �uvres et moi avec mes �uvres, je te montrerai ma foi �. Voici donc les principes qui caract�risent la communaut�. Combien de membres revendique la communaut� de Sant�Egidio dans le monde et singuli�rement en C�te d�Ivoire ? C�est tr�s difficile de donner un chiffre exact parce que chaque jour que Dieu fait, nous enregistrons de nouveaux membres. Mais selon les statistiques de l�an dernier, la communaut� compte entre 80 et 90.000 membres. En C�te d�Ivoire nous en revendiquons plus de mille. Quelle est donc concr�tement la vocation de la communaut� ? Notre vocation est de nous faire t�moins de l��vangile pour l��dification d�un monde plus juste et plus humain. Ce choix nous pousse � nous rendre utiles, l� o� il y a la souffrance, la violence. En somme, l� o� il y a une personne qui tend la main et demande un secours. Chaque communaut�, selon sa zone g�ographique, essaie d�intervenir en fonction de ce qui para�t une pr�occupation dans son quartier. En C�te d�Ivoire, par exemple, nous faisons l�alphab�tisation aux enfants des bidonvilles qui n�ont pas eu la chance d�aller � l��cole. Nous nous int�ressons aussi aux enfants de la rue, qui n�ont pas de familles et qui triment � longueur de journ�e sans assistance. Nous essayons de les identifier et de leur donner une �ducation. Si nous ne le faisons pas, ce sont ces enfants qui se retourneront contre nous demain. C�est donc un ph�nom�ne r�el qui doit interpeller tout le monde. La soci�t� n�a pas le droit d�abandonner les pauvres. A c�t� de ces enfants de rue, il y a les mendiants et les personnes �g�es, abandonn�s � eux-m�mes. Nous leur offrons un cadre familial, afin qu�ils se sentent moins seuls dans leur pauvret�. Enfin, nous portons assistance aux personnes vivant avec le vih/sida, � travers un r�seau d�amis qui essayent de trouver soit des m�dicaments notamment des ARV, soit des sites d�accueil � ces malades. De l�assistance aux pauvres � la d�fense des droits humains, il n�y a qu�un pas. Comment expliquez-vous votre engagement pour l�abolition de la peine de mort ? Notre engagement dans ce combat contre la peine de mort d�coule de notre foi chr�tienne qui nous enseigne que la vie est sacr�e. Dans la Bible, le premier condamn� � mort fut J�sus Christ, arbitrairement arr�t� et crucifi�. L�occasion de la f�te de P�ques nous rappelle la souffrance v�cue par le Christ, le chemin de croix. Et cela suffit pour pousser tout chr�tien digne de ce nom � militer contre la peine de mort. On nous dira certainement que les condamn�s � mort l�ont �t� apr�s des proc�s en bonne et due forme. C�est vrai, mais nous disons qu�il y a tr�s souvent des erreurs judiciaires. Et m�me s�il n�y avait pas d�erreurs judiciaires, la charte des droits de l�Homme proclame que la vie est sacr�e. On n�a pas le droit de sanctionner par la mort un coupable. D�ailleurs, selon les statistiques la criminalit� est en hausse dans les pays o� l�on pratique la peine de mort, comme les USA. Comme quoi, la peine de mort n�est pas la meilleure solution. Nous, dans notre communaut�, nous pensons qu�on peut r��duquer les prisonniers et les remettre sur le bon chemin. Est-ce que dans le cadre de ce combat, vous rencontrez les autorit�s des pays concern�s ? On ne peut pas pr�tendre lutter contre une pratique sans avoir des discussions avec ceux qui l�appliquent. C�est vrai que nous faisons beaucoup de sensibilisation mais quand nous avons l�occasion de rencontrer les autorit�s, nous leur disons notre fa�on de voir les choses. C�est-�-dire l�abolition de la peine de mort de leur constitution. Par exemple, lors de la journ�e contre la peine de mort c�l�br�e le 30 novembre 2005, nous avons sensibilis� les maires sur ce sujet. Et nous avons pu mobiliser une quinzaine de maires contre la peine de mort ici en C�te d�Ivoire. Il y a eu en plus de cela, une table ronde � Rome qui a r�uni plusieurs repr�sentants des pays africains dont certains appliquent la peine de mort. De quels moyens financiers disposez- vous, pour toutes ces activit�s ? Nous ne disposons pas de grands moyens. L�id�e chr�tienne de la charit� nous a appris � nous faire mendiants pour qui n�a rien. Pour vous dire que nos moyens proviennent des cotisations de nos membres. Du point de vue spirituel, que fait la communaut�, puisque de plus en plus on a le sentiment que la foi chr�tienne n�est plus v�cue avec beaucoup de ferveur ? La foi est une question individuelle. Une personne peut �tre baptis�e depuis cinquante ans et ne pas avoir la m�me foi qu�une autre qui vient d��tre baptis�e. La communaut� de Sant�Egidio ne s�arr�te pas au travail des missionnaires. Elle essaie de donner un sens nouveau � la vie chr�tienne. Nous voulons amener le chr�tien � regarder son prochain comme lui-m�me. Christ lui-m�me l�a dit, � Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aim�s �. Nous voulons �tre la plus belle chambre de l��glise catholique. Je crois d�ailleurs que c�est vers cet objectif que tous les mouvements catholiques tendent. La foi est donc quelque chose qui se renouvelle tout le temps. Quelle est la particularit� de votre communaut� ? Notre particularit� reste la fraternit� avec toutes les autres communaut�s. En fait, il n�y a pas des communaut�s de Sant�Egidio, mais une seule communaut� ; parce que toutes ces communaut�s forment une seule famille. Elles sont li�es entre elles. De l�Europe � l�Afrique en passant par l�Am�rique et l�Asie, elles sont li�es et communiquent entre elles. Le professeur Andr�a Riccardi rend visite chaque ann�e � une communaut� dans le monde. La C�te d�Ivoire l�a accueilli quatre fois dans ce cadre. A cela, il faut ajouter notre ouverture aux autres communaut�s de toutes les religions. A titre d�exemple, je peux vous dire que l�imam Idriss Koudouss, le pasteur Edi�mou Blin Jacob et le bishop Benjamin Boni sont de grands amis de notre communaut�. La C�te d�Ivoire est engag�e dans une dynamique de r�conciliation nationale. Quel commentaire faites-vous du contexte politique actuel ? En tant que chr�tien, nous croyons � la paix pour ce pays. Mais cette paix, nous ne la retrouverons que par la pri�re. Nous avons �t� sous l�emprise du diable pendant longtemps. Il est temps de tourner le dos au diable, afin que ce pays recouvre la stabilit�. Pour nous chr�tiens, c�est seulement par la pri�re que nous pouvons vaincre le diable. Nous avons espoir et nous voulons donner espoir aux Ivoiriens. En plus, nous sommes et restons convaincus que c�est en mettant en commun ce qui nous unit et en abandonnant ce qui nous divise que nous parviendrons � la r�conciliation v�ritable.
Alexandre Lebel Ilboudo
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