Comunità di S.Egidio


 

SIDWAYA (Burkina Faso)

23/09/2006


Roger Valia (communaut� San�t Egidio) : � Contre la guerre, notre arme est le chemin de la foi, du dialogue�

 

La communaut� San�t Egidio, pr�sente au Burkina Faso depuis 1998, promeut la paix. Son responsable au Burkina Faso, Roger Valia, �voque le bilan de la communaut�. Il se prononce �galement sur l�immigration, l�industrie de la guerre, les enfants soldats, etc.

Sidwaya Plus (S.P.) : Qu�est-ce que la communaut� San�t Egidio ?

Roger Valia (R.V.) : San�t Egidio est une communaut� de la�cs de l�Eglise catholique. Elle est pr�sente dans 70 pays et au Burkina Faso depuis 1998.

Elle existe dans 9 villes Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koup�la, Koudougou, D�dougou, Dori, Ouahigouya, Kaya et Fada N�Gourma.

Notre communaut� compte environ 500 membres. San�t Egidio pr�ne la pri�re, la solidarit� et l�amiti� entre les peuples.

R.V. : Aujourd�hui, la communaut� au Burkina est engag�e comme ailleurs au monde au service des pauvres, des faibles, des marginalis�s, de ceux qui sont oubli�s. Nous sommes particuli�rement engag�s au service des enfants. A Ouagadougou nous suivons plus de 600 enfants venus d�instituts, d�orphelinats, que nous regroupons dans les �coles de la paix.

S.P. : Que fait concr�tement la communaut� San�t Egidio au Burkina Faso ?

C�est un cadre compl�mentaire gratuit qui donne la possibilit� aux enfants en difficult�s de retrouver un environnement serein dans lequel ils peuvent grandir sans la violence. Nous travaillons �galement au service des prisonniers. Nous sommes engag�s �galement aupr�s des malades notamment � Bobo-Dioulasso, � la Tripano o� nous apportons notre soutien sanitaire, en consolation aux malades. Au total nous nous occupons au Burkina Faso de 1 200 enfants.

S.P. : Comment devenir membre de la communaut� San�t Egidio ?

R.V. : Il suffit de vouloir vivre une vie qui se fonde sur les caract�ristiques de la communaut�. Nous sommes une communaut� chr�tienne n�e dans l��glise catholique mais nous sommes ouverts � toutes les autres religions, � toutes les personnes de bonne volont�. Il faut aussi accepter de vivre en amiti�, en solidarit� avec les autres.

S.P. : Dans quel foyer de tension �tes-vous intervenu pour promouvoir la paix ?

R.V. : C�est notre engagement au service des pauvres qui nous a conduit dans les zones en conflit. De notre exp�rience, il ressort que la guerre est m�re de toutes les pauvret�s.

Nous sommes intervenus au Mozambique qui a �t� un grand tournant pour la communaut�, notre premi�re grande intervention en Afrique. Ensuite au Burundi, au Rwanda, en C�te d�Ivoire et r�cemment au Togo. En Europe de l�Est, la communaut� a eu � agir pour la construction de la paix. Celle-ci se construit n�cessairement par la volont� des diff�rents responsables des pays, des chefs d�Etats, des personnes ayant un pouvoir de d�cision. C�est pourquoi, la communaut� a invit� � l�occasion de la pri�re pour la paix qu�elle a organis�e � Assise, le chef de l�Etat, le pr�sident du Faso Blaise Compaor�.

Il est de l�habitude de la communaut� d�associer � la rencontre des chefs religieux, des hommes et femmes de religion, des personnes investies d�autorit� supr�me dans leur pays en vue de promouvoir la paix et la solidarit� entre les peuples.

S.P. : Pourquoi la communaut� associe-t-elle � ces rencontres des chefs d�Etat, des hommes politiques ? Qu�est-ce qui justifie cette position ?

R.V. : Il n�y a pas que les hommes politiques. Il y a des hommes de culture �galement. Parlant de la rencontre d�Assise, c�est une rencontre religieuse annuelle qui a comm�mor� en 2006 son XXe anniversaire.

Elle r�unit avant tout, les chefs religieux, les principales religions se mettant l�une � c�t� de l�autre pour emprunter la voie du dialogue, la voie de la foi qui conduit � la paix. Nous savons qu�il y a un lien entre la religion et la politique et cette derni�re peut �tre comprise comme une expression culturelle en fonction des circonstances. Je crois aussi que la communaut� de par son exp�rience a compris la n�cessit� d�associer les chefs d�Etat � ses rencontres parce qu�ils ont l�influence sur leurs concitoyens � l�instar des chefs religieux.

Nous entendons par l�, converger toutes les forces pour donner les chances � la paix de pouvoir revenir l� o� il y a la guerre et la violence.

C�est la raison pour laquelle la communaut� a invit� cette ann�e le pr�sident du Faso � la rencontre d�Assise �tant donn� que les ann�es pass�es, elle avait convi� les pr�sidents D�bouza du Mozambique et Wade du S�n�gal.

S.P. : Quelle lecture faites-vous de la circulation des armes qui contribue � l�instabilit� politique en Afrique ?

R.V. : Face � la violence et � la guerre occasionn�es par les armes, notre arme, c�est le chemin de la foi, c�est le chemin du dialogue et de la communion des cours. Voil� notre arme pour faire revenir la paix l� o� h�las, elle n�est qu�un leurre. La paix est possible si les hommes cherchent � accorder leurs voix, � s�accorder, � accorder leurs cours. La communaut� a beaucoup d�espoir que la paix reviendra, voil� pourquoi elle pers�v�re, continue d�organiser cette rencontre de la paix en relais � la conf�rence organis�e � l�initiative du Pape Jean Paul II en 1986.

S.P. : A vous entendre parler, on a l�impression que vous �tres tr�s optimiste et que vous pensez � un monde de demain sans conflit, sans guerre ?

R.V. : Laissez-moi vous dire que la r�signation devant la violence, devant le mal, ne fait que donner force au mal. Le mal existe mais avant qu�il n�existe, il y a le bien et nous croyons vraiment que le monde peut changer si les hommes se r�veillent, si les cours se r�veillent, si des hommes nouveaux se cr�ent et se recr�ent.

S.P. : Justement que faut-il faire pour cr�er, et recr�er l�homme d�apr�s votre pens�e ?

R.V. : Pour recr�er l�homme, je crois qu�il suffit que l�homme se reconnaisse cr�ature de Dieu et s�accepter comme tel. Quand on consid�re l�autre comme un fr�re, il n�y a plus d�obstacles, de barri�res � la communion.

S.P. : Que pensez-vous de l�industrie de la guerre ? Les armes existent parce qu�on en fabrique pour vendre...

R.V. : La communaut� de San�t Egidio devant cette r�alit� malheureuse �prouve une attitude de rejet. Nous sommes contre toutes ces industries qui sont contre la vie de l�homme, contre sa s�curit�. Nous sommes tous t�moins des drames que causent ces armes. M�me si parfois, elles ont �t� utilis�es pour rechercher la paix, mais une paix partielle.

Nous combattons cette paix partielle ou fausse en pr�nant l�amiti� et l�acceptation de l�autre.

S.P. : Qu�en dites-vous alors des enfants soldats utilis�s dans les conflits, comme � machines � tuer � ?

R.V. : C�est malheureux qu�on vole aux enfants leur jeunesse en les instrumentalisant. Nous pensons v�ritablement que le chemin de la paix passe par les enfants, par la construction de la paix, la consolidation et la transmission des valeurs de paix aux enfants. C�est ce qui a suscit� en la communaut� de San�t Egidio d�avoir cette attitude d�attention envers les enfants.

Justement nos �coles de la paix sont des cadres o� nous essayons de pr�venir les risques de d�viance.

S.P. : Qu�est-ce qui peut justifier le choix du pr�sident du Faso � participer � la rencontre d�Assise...

R.V. : Cette ann�e, nous avons vu le r�le que le pr�sident du Faso a jou� sur l��chiquier politique et nous avons suivi la n�gociation qu�il a conduite pour l��tablissement de la paix et des conditions sociales de vie acceptable au Togo.

Je pense que son action a fait de lui, l�homme qui pouvait apporter sa contribution � cette r�flexion que nous avons v�cue les jours pass�s � Assise. Au-del� de �a, il faut reconna�tre aussi qu�il y a une amiti� qui lie la communaut� de San�t Egidio au chef de l�Etat. C�est une amiti� de longue date.

S.P. : ... et M. Laurent Gbagbo, pr�sident de la C�te d�Ivoire ?

R.V. : La communaut� cherche tous les moyens � construire la paix partout. L�invitation du pr�sident Gbagbo �tait intervenue peu avant que la crise n��clate en C�te d�Ivoire. Je pense que la communaut� cherche la contribution de tous et de chacun pour la consolidation de la paix dans tous les endroits du monde. Il faut aussi dire que la communaut� est fortement pr�sente en C�te d�Ivoire, au Burkina Faso, en Guin�e et dans d�autres pays africains. Il y a une amiti� qui lie la communaut� aux chefs d�Etat et dirigeants africains et je pense que c�est dans la conjugaison des diff�rentes forces qui peut �tablir la paix que nous pouvons voir l��v�nement d�un monde plus serein avec nous-m�mes.

S.P. : Actuellement le d�bat porte � l�ONU sur le programme nucl�aire iranien. En tant que communaut�, quel regard portez-vous sur la prolif�ration des armes atomiques � travers le monde.

R.V. : La question en r�alit� s�int�gre dans un discours global. l�Iran comme d�autres pays cherchent � s�armer. En fait la question qu�il faut se poser, c�est s�armer contre quoi ou qui ? S�armer pourquoi ? Je crois que ce sont des interrogations que la communaut� de San�t Egidio essaie de se poser pour finalement se dire qu�il y a � se r�armer d�une autre fa�on dans le monde. Il faut se r�armer de la foi parce qu�elle est l�unique voie qui peut apporter la vraie paix, la s�curit� entre les Nations.

S.P. : Croyez-vous que c�est parce que la foi n�est plus de ce monde que le d�sir de s�armer intens�ment prend de plus en plus de l�ampleur ?

V.R. : Je crois quelque part que c�est parce que l�homme croit plus en lui m�me qu�� Dieu. Et avoir foi en soi-m�me qu�� Dieu conduit syst�matiquement � perdre confiance en l�autre qui n�est plus per�u comme un ennemi. De tout temps, l�homme a cherch� � participer, � contribuer � la cr�ation parfois de la mauvaise fa�on. En fait, il y a une certaine fa�on de penser qui conduit � �garer les hommes, et une certaine forme de penser qui met l�homme au centre de la vie. C�est ce que nous essayons aussi � travers toutes les initiatives � mettre � nu pour que les hommes prennent conscience de l�utilit� de la paix.

S.P. : Le d�bat porte �galement sur la guerre des religions opposant musulman et chr�tien � travers le conflit au Proche-Orient. Que r�pondez-vous ?

R.V. : Le discours que vous �tes en train de tenir est d�actualit� et concerne la communaut� depuis longtemps. Il faut retenir ici les th�ses de Samuel Anti� Ben qui fait un sch�ma du monde divis� en zones culturelles. La communaut� ne croit pas � un monde divis�. La communaut� de San�t Egidio croit � un monde pluriel, un monde o� les peuples s�acceptent, o� les cultures s�acceptent et cohabitent avec les religions. Contre ce discours du conflit des civilisations, la communaut� veut ouvrir une nouvelle voie, celle de la solidarit� universelle, de la fraternit� universelle.

S.P. : Que faire finalement pour que l�homme accepte ce changement ?

R.V. : Il faut reprendre le chemin de la foi, et de la pri�re. Nous avons voulu que tout le monde, hommes de culture, de religion, de politiques, marchent quand nous avons pris le relais de cette initiative approuv�e par le Pape Jean Paul II en 1986.

S.P. : Dans notre bilan vous �tes intervenu en Alg�rie. Quel bilan faites-vous de votre intervention en Alg�rie dans un monde islamis� ? N�avez-vous pas eu de difficult�s l�-bas ?

V.R. : La communaut� de San�t Egidio se rend disponible pour apporter sa contribution � la construction de la paix partout o� elle se sent interpell�e. Pour l�Alg�rie comme pour le Mozambique et la C�te d�Ivoire, la communaut� a par son attitude ou par ce qu�elle fait sugg�r� � chacun de ces pays la voie qui conduit � la paix. Je crois que la communaut� s�inscrit dans cette d�marche �vang�lique qui s�me la parole de la paix et je crois que la libert� est laiss�e � chaque peuple d�adopter la parole de la paix.

S.P. : Estimez-vous avoir eu du succ�s ou avoir �chou� en Alg�rie ?

R.V. : Il ne convient pas de parler de succ�s ou d��chec. Il y a une attitude d�esp�rance � avoir et la paix n�est jamais acquise une fois pour toutes. Elle se construit chaque jour et par une volont� renouvel�e.

On ne pourrait pas en tout cas pour notre d�marche, faire un bilan et s�arr�ter � moment pour dire que nous avons connu un succ�s ou des �checs. Pour nous, nous sommes des serviteurs de la paix ayant fait notre devoir.

S.P. : Quelles sont vos perspectives d�avenir ?

R.V. : La communaut� de San�t Egidio veut continuer � promouvoir et poursuivre plusieurs activit�s dans le domaine social, culturel, �ducationnel et de celui de la coop�ration et de la collaboration entre les nations, les religions et les cultures.

Les lignes de conduite qui orientent les projets de la communaut� San�t Egidio dans le contexte de la globalisation croissante et de l�interd�pendance des pays du monde ont �t� trac�es en accord avec les principes qui sont ceux de la communaut� de San�t Egidio : l��ducation � la solidarit� et � la paix. Nous pensons que nous allons intensifier nos actions pour sensibiliser les hommes et les femmes de toute culture et de toute religion � cette question de la paix. La San�t Egidio voudrait aussi contribuer � r�duire le foss� qui existe entre les pays du Nord et ceux du Sud, en particulier l�Afrique et l�Europe. La table ronde � laquelle a particip� le pr�sident du Faso �tait intitul�e � Europe-Afrique, un futur n�cessaire � avec le patriarche Aboni Paeres, l�archev�que de Cotonou, Agbesson. Il y avait le directeur-adjoint de l�Agence fran�aise de d�veloppement et d�autres personnes � cette conf�rence. Et � cette table ronde, il �tait question de parler du futur de l�Afrique et de l�Europe.

S.P. : Comment voyez-vous ce futur ?

V.R. : L�Afrique et l�Europe sont li�es par leur destin, ont un futur commun � construire ensemble. Cela passe par l�attitude des leaders africains et occidentaux qui doivent analyser ensemble les probl�mes qui touchent les deux continents.

S.P. : Quelle est la position de la communaut� sur l�immigration ?

V.R. : Nous sommes d�sol�s de voir la mer M�diterran�e devenir le tombeau pour les jeunes Africains en qu�te d�un futur meilleur. Je crois justement que ce mouvement de l�Afrique vers l�Europe permet d�appliquer mieux ce lien entre l�Afrique et l�Europe. L�Afrique est un continent � part enti�re qui a ses richesses, ses valeurs qui a donn� et qui a d�j� donn� assez au monde. La communaut� de San�t Egidio croit � cette richesse de l�Afrique et croit en l�Afrique et nous pensons que c�est dans un effort conjugu� et dans une prise de responsabilit� des Africains eux-m�mes que cette identit� de l�Afrique pourra �merger et que l�Afrique pourra faire face � ce sch�ma mondial pour se positionner dans le concert des continents.

S. Nadoun Coulibaly