C'est d�sormais devenu un rendez-vous r�gulier. � No�l, la grande basilique Saints-Severino-et-Sossio, au coeur de la cit� napolitaine, prend des allures de cour des miracles. L�, en effet, le jour de No�l, se retrouvent c�te � c�te une foule composite de mendiants et de m�decins, de sans-abri et d'enseignants, d'enfants et de personnes �g�es, d'immigr�s et de napolitains... Hier, vers 13 heures, ils �taient plusieurs centaines dans l'immense nef de l'�glise (pr�s de 80 m�tres de long), assis par tabl�es de huit ou douze pour f�ter ensemble No�l autour d'un bon repas. Qu'on en juge par les menus judicieusement dispos�s sur les grandes nappes rouges : pasta (lasagne), boulettes de viande en sauce, pommes de terre au four, champignons, salade � di Rinforzo �, fruits secs, fruits frais, panettone, friandises de No�l, le tout arros� de boissons diverses.
Pour les chr�tiens, la c�l�bration avait commenc� plus t�t, par la messe de minuit dans les paroisses et les communaut�s locales. � la basilique Saints-Severino-et-Sossio, aujourd'hui confi�e � la Communaut� de Sant'Egidio, une foule color�e et cosmopolite remplit la nef d�s 10 heures : adultes et enfants, Italiens et �trangers, valides et handicap�s, tous m�l�s pour une pri�re commune dans une joie partag�e. La messe, conc�l�br�e par deux pr�tres de la communaut�, Don Gino Battaglia et Don Mariano Imperato, � la fois sobre et festive, se termine par un no�l populaire chant� par toute l'assembl�e regroup�e dans le choeur. La messe termin�e, la grande nef, qu'inonde maintenant un lumineux soleil d'hiver, se transforme en immense salle � manger. En quelques minutes, les tables sont mises, d�cor�es, appr�t�es. Les derniers invit�s peuvent arriver, ils sont attendus.
En vingt ans, le repas de No�l avec les pauvres est devenu une tradition pour Sant'Egidio, fond� � Rome � la fin des ann�es 1960 par l'historien Andrea Riccardi et ses amis. � ses d�buts � Naples en 1973, la communaut� ne regroupait pour l'occasion que quelques personnes dans des maisons ou des institutions. Mais depuis 2002, o� elle a pu disposer de cette basilique, la f�te a chang� d'ampleur.
Chaque ann�e les invit�s se font plus nombreux. � Quand dans le monde entier, en ce jour de No�l o� J�sus na�t pauvre pour le salut du monde, les familles se r�unissent autour de la table, la communaut� fait la f�te avec les pauvres qui sont nos parents et nos amis. Ce sont nos amis clochards, r�fugi�s sans toit, tziganes, handicap�s, etc. �, explique Antonio. � Au d�but, rappelle Giuseppe Brancaccio, l'un des coordinateurs de la communaut�, des chr�tiens ont �t� choqu�s qu'on transforme des �glises en lieux de repas. Mais l'�glise est la maison des pauvres, et l'Eucharistie n'est pas sans lien avec l'amour des pauvres. �
Le repas annuel, repas festif pour tous, ouvert cette ann�e par le cardinal Crescenzio Sepe, nouvel archev�que de Naples, t�moigne d'une amiti� partag�e. Beaucoup en effet se connaissent. Il suffit de voir les marques d'affection et la joie des retrouvailles, m�me dans la timidit� des regards et la maladresse des gestes. Les liens et la confiance qui se manifestent ici se sont en fait tiss�s au fil des jours et des semaines.
Enzo et Dario se rendent ainsi r�guli�rement � Scampia, un quartier difficile au nord de la ville, o� ils animent une � �cole de la paix � pour de jeunes enfants italiens et tziganes. Hier, ils �taient une quarantaine � participer � la f�te. Anna coordonne des ateliers de peinture avec des handicap�s. Angela s'est li�e d'amiti� avec des personnes �g�es, et se rend deux fois par semaine avec une petite �quipe dans les gares de Naples � la rencontre des SDF affam�s ou transis de froid. Beaucoup sont l�. D'autres n'ont pas pu ou n'ont pas os� venir. Mais tous ont leur place attribu�e � une table et un cadeau personnalis�.
� Cela demande une pr�paration assez m�ticuleuse, indique Salvatore, install� devant son ordinateur. Mais �a vaut le coup. Nous connaissons bien s�r les noms et pr�noms de chacun, mais aussi leur taille et leurs go�ts vestimentaires, ainsi que leurs souhaits. Nous voulons que, comme dans une famille, l'accueil et les cadeaux soient personnalis�s. � La d�marche a �t� la m�me, samedi, de la part des 30 volontaires de la communaut� qui se sont rendus � la prison napolitaine de Poggioreale, pour offrir � 80 jeunes prisonniers un moment de f�te et d'amiti�.
Angela, 30 ans � peine, se souvient de son premier No�l avec les pauvres. Elle avait une quinzaine d'ann�es et avait accompagn� un ami aupr�s d'enfants d�munis dans la banlieue. � Alors, confie-t-elle, je me suis sentie heureuse. � Puis elle s'est engag�e dans la communaut� de Sant'Egidio. Et se dit toujours heureuse de ces No�ls avec les pauvres, sa famille. Hier apr�s-midi, assise � c�t� d'un handicap�, en face de deux jeunes immigr�s alg�riens, elle avait le visage souriant.
Bernard Jouanno
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