Comunità di S.Egidio


 

08/03/2007


�Il faut recr�er les conditions du ''vivre ensemble'' pour aller � la paix et la r�conciliation�
Interview - Mario Giro (Responsable aux relations ext�rieures de la c�l�bre communaut� Sant�Egidio)

 

Le Responsable aux relations ext�rieures de la c�l�bre communaut� de bienfaisance et de r�glement des conflits dans le monde � San�Egidio � bas�e � Rome et laur�ate en 1999 du Prix F�lix Houphou�t Boigny pour la paix de l�UNESCO est pr�sent � Ouagadougou. Ce, pour superviser, pour le compte de cette organisation, le dialogue direct inter ivoirien. Mario Giro a bien voulu se pr�ter � nos questions. Dans l�interview qui suit, il analyse, avec objectivit�, l�accord sign� dimanche par les ex- bellig�rants ivoiriens et recommande, pour sa bonne application, la cr�ation d�un vaste mouvement populaire en faveur de la paix et de la r�conciliation nationale.

Le patriote : Vous avez �t� particuli�rement et personnellement actif aux c�t�s des acteurs du dialogue direct inter ivoirien de Ouagadougou. Y a-t-il un sens sp�cifique � cet engagement appuy� de la communaut� Sant�Egidio aux c�t�s du peuple ivoirien en d�tresse depuis pr�s de cinq ann�es ?

Mario Giro : Il y a un sens g�n�ral et un sens particulier � l�action que la communaut� Sant�Egidio consacre � la C�te d�Ivoire. Concernant le sens g�n�ral, il faut savoir que Sant�Egidio travaille depuis des ann�es, pr�cis�ment depuis maintenant vingt ans, dans le domaine de la r�solution des conflits dans le monde. A titre d�exemple, nous avons men� la m�diation dans le conflit mozambicain, � Rome � Sant�Egidio, pendant 27 mois, sold�s par la signature de l�accord du 4 octobre 1992. Ces n�gociations ont �t� men�es par le fondateur m�me de la communaut�, le professeur Andr�a Riccardi. Nous avons �galement n�goci�, trois ans durant, dans le processus de paix au Burundi � Arusha. Nous avons n�goci� pour le Kosovo, le Guatemala, le Liberia, le Togo dans sa premi�re phase. Maintenant, nous n�gocions dans le conflit du Darfour sans oublier la n�gociation en cours pour le Nord de l�Ouganda avec l�Arm�e de R�sistance du Seigneur et bien entendu la C�te d�Ivoire. Nous avons suivi toutes les �tapes du conflit ivoirien depuis le d�part � Lom� puis � Marcoussis. J��tais personnellement � Marcoussis. Pendant toutes ces ann�es, la communaut� a b�ti une riche exp�rience en mati�re de m�diation, de r�solution des conflits et de gestion des crises au niveau de la soci�t� civile. Savez vous, dans la gestion des conflits, il y a toujours des moments o� les gouvernements et les grandes institutions internationales doivent intervenir. Mais, il y a aussi des moments o� celles de la soci�t� civile o� encore des organisations comme la notre doivent faire leur travail pour cr�er la synergie entre ces deux moments dans la gestion d�une crise donn�e. Parce qu�il faut prendre le temps n�cessaire pour n�gocier et discuter avec tout le monde, comprendre les raisons des uns et des autres et les mettre ensemble en vue de la recherche d�une solution durable � la crise qui se pose. Il y �galement une raison particuli�re qui explique notre pr�sence permanente aux c�t�s des Ivoiriens. Je l�ai dit, nous sommes pr�sents en C�te d�Ivoire parce que nous sommes une communaut� locale, donc compos�e d�Ivoiriens. Cela, depuis la fin des ann�es 1980. Au nord comme au sud, la communaut� Sant�Egidio est pr�sente sur l�ensemble du territoire ivoirien. Des sections de notre communaut� existent dans beaucoup de villes et de villages en commen�ant naturellement par celle d�Abidjan. La communaut� est tr�s pr�sente sur le terrain social et travaille �norm�ment avec les populations les plus pauvres et les plus d�munies. La communaut� d�ploie d��normes efforts � ce niveau et cela depuis de longues ann�es. Ce travail en faveur des couches d�favoris�es a rendu la commuant tr�s c�l�bre au plan de l�action sociale.

L. P : A Ouagadougou o� on vous a vus, aux c�t�s des acteurs ivoiriens, un accord a �t� sign� entre les ex bellig�rants. Qu�esp�rez-vous fondamentalement de cet autre accord ? Ne craignez- vous pas que ce soit un accord de plus parmi tant d�autres ?

M. G. : Nous esp�rons surtout que cet accord fonctionne comme pr�vu. Parce que, pour la premi�re fois, cet accord met face � face les acteurs protagonistes qui se battent depuis des ann�es sur le terrain. En d�autres termes, il s�agit d�un accord entre les deux ex- bellig�rants. En plus de cette caract�ristique propre, cet accord est vraiment un accord entre Ivoiriens, un accord inter- ivoirien �crit ligne par ligne par les Ivoiriens eux-m�mes. Et cela est tr�s important. Parce qu�ils ont le sentiment, et ils ont raison, que c�est leur accord propre � eux et qu�il ne leur a pas �t� impos� de l�ext�rieur. Parce qu�en ce qui concerne les accords pr�c�dents, certains ont eu le sentiment, � tort ou � raison, que cela leur avait �t� impos� ou �manait de l�ext�rieur. Quand �a vient de l�int�rieur, c�est endog�ne et c�est vraiment un tel accord qui peut r�soudre le probl�me. Parce que quand les Ivoiriens se rendront compte que �a vient vraiment d�eux-m�mes, c�est en ce moment qu�ils prendront, eux-m�mes, leurs responsabilit�s. Et alors l� on est s�r de trouver la solution au probl�me.

L. P : Allez- vous vous arr�ter en si bon chemin quand on sait que la seconde partie du dialogue direct devrait en principe plancher sur les modalit�s de la mise en place d�un nouveau cadre institutionnel d�ex�cution du pr�sent accord ainsi que sur la proc�dure � suivre pour en faire une r�solution de l�ONU? Quel r�le comptez vous encore jouer ?

M.G : Il y a une proc�dure d�ent�riner cet accord qui existe. Et il est clair qu�il doit �tre ent�rin� par les diff�rentes instances internationales, CEDEAO, Union Africaine et Nations unies. Il incombe, aux autorit�s gouvernementales du Burkina et surtout au pr�sident du Faso, par ailleurs pr�sident en exercice de la CEDEAO. Il en a pris l�engagement. Il a fait la promesse de suivre ce processus. En plus, il est pr�vu toute une s�rie de mesures visant � la mise en application de ce pr�sent accord. Nous seront partie prenante du Comit� d��valuation et d�accompagnement. Donc, nous suivrons le processus. Nous sommes- l�.

L.P : Quels types de rapport entretenez vous avec les principaux acteurs ivoirien ? Lors de la c�r�monie de signature, par exemple, le chef de l�Etat Laurent Gbagbo vous a publiquement d�sign� comme �tant de ses amis personnels. Etes vous autant ami avec Alassane Ouattara, Henri Konan B�di�, Guillaume Soro et les autres ?

M.G : Je connais tous les acteurs de la crise ivoirienne depuis longtemps. Je connais le pr�sident Gbagbo quand il �tait dans l�opposition. Je connais le Premier ministre Alassane Ouattara depuis quand il �tait aux affaires. Je connais autant le pr�sident B�di�. D�ailleurs, il a �t� le parrain de la c�r�monie solennelle au cours de laquelle la communaut� Sant�Egidio s�est vue d�cern�e le prix F�lix Houphou�t Boigny pour la paix � l�UNESCO en 1999. Nous connaissons le pays depuis de longues ann�es. Et nous y sommes implant�s avec les acteurs et les citoyens ivoiriens. Donc, de ce point de vue, on peut dire que la communaut� Sant�Egidio est une communaut� � part enti�re ivoirienne. Alors, il ne faut pas penser que Sant�Egidio est une organisation clandestine et m�connue qui rase les murs en C�te d�Ivoire. Surtout que notre style r�side dans notre forte implication dans la r�solution des situations de conflit. Nous accompagnons les situations, nous donnons un coup de main dans la stricte confidentialit�, sans aucune publicit� tapageuse mais aussi cacher notre action. Parce que nous sommes tr�s transparents. Et notre travail est bien connu par tout le monde. Dans le cas sp�cifique, tous les acteurs ivoiriens savent que nous avons des relations aussi pouss�es avec Guillaume Soro depuis longtemps que nous connaissons tout le monde et que surtout nous travaillons � offrir nos bons offices.

L.P : Les questions de l�identification g�n�rale des populations, de d�fense et de s�curit�, de red�ploiement de l�administration et des services publics qui doivent n�cessairement aboutir aux �lections dans dix mois, quels sont les aspects particuliers de cet accord qui ont retenu votre attention personnellement ?

M.G : Au cours de ces n�gociations, on a trouv� une m�thode r�aliste d�aborder les probl�mes de l�identification et de l�organisation d��lections �quitables. En partant sur cette base commune de donn�es construite sur la base de listes �lectorales de 2000. Vous en connaissez vous-m�mes les contours. Moi, je pense que c�est cela l�essentiel. C'est-�-dire trouver des solutions viables, faisables, concr�tes, pratiques. Parce que depuis des ann�es, on a beaucoup tabl� sur ces probl�mes d�identification en C�te d�Ivoire et � la veille des �lections et on n�a jamais trouv�, de fa�on pratique, de faire les choses. Peut-�tre que cette fois- ci les Ivoiriens ont pris la juste mesure des choses, appr�hend� le niveau r�el de d�gradation de la situation. Ils ont trouv� la recette miracle, la m�thode id�ale de faire appliquer le pr�sent accord. C�est l� une chose sur laquelle nous esp�rons beaucoup. Bien s�r, vous avez � l�esprit la promesse faite par le facilitateur, le pr�sident du Faso, Blaise Compaor� qui a pris l�engagement ferme de continuer � tenir la direction de ce processus jusqu�� son terme. Et cela est tr�s important aussi � retenir.

L.P : Un danger demeure tout de m�me au niveau de la refonte souhait�e des forces arm�es nationales. Pensez vous telles que les choses sont pr�sent�es dans l�accord que des Ouattara, des Kon� et Coulibaly du Nord auront des chances d�int�grer cette nouvelle arm�e et esp�rer jouir des m�mes privil�ges qu�un S�ry, un Digbeu ou un Koudou de l�Ouest de la C�te d�Ivoire ? Ne craignez vous pas une r�surgence de la question tribale et ethnique aux sein des forces arm�es que nous savons fonci�rement tribalis�es ?

M.G : Moi, je pense que la refonte des forces arm�es est chose possible en C�te d�Ivoire. En ce sens qu�� Ouagadougou, on a trouv� la fa�on de remettre � plat les choses, m�me la question militaire en vue de la refondation de l�arm�e n��chappe pas � cette logique pertinente qui sous tend l�accord de Ouagadougou. La question de la r�int�gration de l�arm�e, par les soldats en rupture de ban et son int�gration par tous ceux qui sont d�sireux de mener une carri�re dans les m�tiers des armes a �t� clairement pos�e et r�solue. Mais bien plus, votre question pose la r�elle probl�matique de la r�conciliation nationale. Cette r�conciliation appel�e de tous v�ux est-elle possible au stade actuel des choses ? Alors, je dirais plut�t qu�il faudra beaucoup de temps parce que les �mes sont d�chir�es par cinq ann�es de crise et m�me la crise a commenc� bien avant le d�clenchement du conflit arm�. Donc, il faudra tous s�appliquer. Et c�est l� que le r�le jou�, dans la population par la communaut� Sant�Egidio prend tout son sens. Nous travaillerons � ce que tout ceci se passe dans les meilleures conditions pour la r�conciliation nationale qui est un long processus s�av�re possible en fin de compte. Parce qu�apr�s la pais, vient la r�conciliation.

L.P : Quelles recommandations auriez- vous voir figurer, in fine, dans cet accord que vous avez port� � bout de bras ?

M.G : Moi, je crois que dans l�accord, il y a plus ou moins tout. Ce que je recommande, de mon point de vue, c�est de demander aux acteurs et aux populations de vraiment soutenir, de fa�on populaire, cet accord. Il faut absolument cr�er un grand et vaste mouvement populaire pour la paix

L.P : On pourrait vous r�torquer que cela rel�ve du v�u pieux. Comment une telle opportunit� est elle envisageable � votre avis ?

M.G : Il faut recr�er une condition de vivre ensemble. Cela est tr�s important. Les Ivoiriens ont d�j� d�montr� leur capacit� extraordinaire de mobilisation. Ils doivent � pr�sent ; tous ensemble, se mobiliser pour la paix. Et surtout contr�ler et veiller � l�application pleine et enti�re du pr�sent accord. C�est un devoir pour toute la soci�t� ivoirienne et non pour la seule soci�t� civile organis�e. Il faut surtout que les citoyens lambda et les gens ordinaires se d�cident � s�approprier ce processus-ci

Khristian Kara