Comunità di S.Egidio


 

11/03/2007


CRISE IVOIRIENNE : Un pas vers la sortie ?

 

Apr�s Linas-Marcoussis, Accra et Pretoria, les acteurs de la crise ivoirienne, ou tout au moins deux des principaux acteurs, viennent de signer un nouvel accord visant � sortir le pays de la crise. Apr�s un mois de discussions � Ouagadougou, le pr�sident Laurent Gbagbo et le chef rebelle Guillaume Soro sont parvenus � trouver un accord qu'ils ont sign� Dimanche le 4 Mars 2007. Qu'apporte-t-il de nouveau ?...

Pas grand chose, compar� aux pr�c�dents accords. La principale diff�rence se trouve plus dans l'approche et dans le processus de n�gociations. Si Marcoussis a toujours �t� interpr�t� comme un accord impos� par la France et la "Communaut� internationale" au Pr�sident Gbagbo, et par cons�quent rejet� comme tel par les partisans du Pr�sident ivoirien, les accords d'Accra et de Pretoria ont �t� n�goci�s sous les auspices des Organisations r�gionales africaines telles que la CEDEAO et l'UA et en pr�sence de l'OIF et des Nations Unies. A la diff�rence des pr�c�dents accords, Ouagadougou aurait permis, nous dit-on, un dialogue direct des deux parties. Le Pr�sident Blaise Compaor� et la Communaut� Sant Egidio auraient jou� le r�le de facilitateurs. L'implication de la Communaut� Sant Egidio est certainement un effort � saluer, si l'on sait le r�le important qu�elle avait jou� dans la r�ussite des n�gociations de paix qui avaient permis de mettre un terme au conflit mozambicain. Toutefois, il faudrait se garder de crier victoire trop vite. La signature d'un accord ne signifie nullement le retour automatique � la paix. On en serait pas l� aujourd'hui, si c'�tait le cas. Cela fait 4 ans, depuis Linas-Marcoussi, que les ivoiriens attendent, en vain, des acteurs de la crise le respect des engagements pris dans les diff�rents accords sign�s. Ouagadougou, comme Accra et Pretoria, a repris les points essentiels des accords de Linas-Marcoussis. Le point d'achoppement qui est aujourd'hui la pr�paration et la tenue des �lections devrait �tre r�solu � l�issue de l�op�ration d�identification qui est un des principaux d�fis � relever. Outre cette question, le blocage se trouve sur le d�sarmement, la r�insertion et la restructuration des forces arm�es en vue de leur r�unification. Guillaume Soro et Laurent Gbagbo ont d�cid� de former un nouveau gouvernement. Certains analystes et commentateurs pensent que Soro ou quelqu'un de son Mouvement pourrait en �tre le chef. Si cette hypoth�se se confirme, l'actuel Premier Ministre, Charles Konan Banny sera remerci�. Il faudrait tirer le bilan de son action. Sa nomination, le 7 d�cembre 2005, au poste de premier ministre qui avait suscit� un grand espoir a �t� salu� par tous comme un signe positif de la volont� du Pr�sident Gbagbo d'aller vers la paix. Il devait diriger le gouvernement de transition et pr�parer les �lections, initialement pr�vues pour Octobre dernier et qui ont d� �tre report�es. En d�pit de sa bonne volont� et de sa d�termination affich�es, les obstacles � la paix sont rest�s tr�s nombreux. Apr�s plus d'une ann�e � la t�te du gouvernement, il n�y a pas eu beaucoup d'avanc�es significatives dans la mise en oeuvre des accords de paix sign�s � Pretoria, notamment en ce qui concerne le D�sarmement, la D�mobilisation et la R�insertion des Combattants(DDR) et la pr�paration des �lections. Progressivement, le gouvernement Banny s'est install� devant une impasse et l'espoir d'une br�ve transition a c�d� la place au scepticisme. Ce bilan mitig� s�explique par les difficult�s de coordination et les diff�rentes strat�gies adopt�es par les acteurs. Le Premier Ministre avait une strat�gie tr�s claire : coop�rer avec tous les acteurs, restaurer la confiance mutuelle, surtout ne pas s�affronter avec le Pr�sident Gbagbo. C��tait et �a reste une option lucide. Mais, les acteurs n�ont pas tous jou� franc jeu. Certains continuent � poser des obstacles pour freiner toute initiative visant � faire avancer la transition. De nombreux blocages ont �t� not�s au niveau de la mise en oeuvre du Programme de d�sarmement. Le Pr�sident Laurent Gbagbo avait nomm� le G�n�ral Gaston Kon� (PDCI) Coordonnateur du Programme mais les �tats majors respectifs de l�arm�e gouvernementale et des Forces Nouvelles ont tous tra�n� dans l��laboration des modalit�s pratiques de mise en oeuvre de ce programme. En outre le budget pr�visionnel de cette op�ration �valu� � 150 millions de dollars n��tait pas totalement disponible. L�Etat a toujours besoin du soutien des bailleurs. La situation s�curitaire est rest�e tr�s d�licate. De nombreuses zones sous contr�le de l�arm�e gouvernementale (Daloa, San Pedro et Yamoussoukro) ont connu une d�t�rioration des conditions de s�curit� au cours du Printemps 2006. Les actions des milices pro-gouvernementales d�nomm�es les Jeunes Patriotes constituent des obstacles majeurs au processus de paix. Certains partis (FPI et RDR) ont adopt� une strat�gie de la surench�re sur les questions relatives au recensement de la population et � l�identification des �lecteurs en s�accusant mutuellement de pr�parer des fraudes. La question de la nationalit� n�est toujours pas totalement r�solue. Aujourd�hui le Pr�sident Gbagbo lui-m�me pr�sente Ouagadougou comme l�accord de la derni�re chance pour sortir de la crise. En tous le cas, si ce dernier ne marche pas, il aura r�ussi � lasser beaucoup de diplomates qui s�efforcent de trouver une issue heureuse au conflit qui divise son pays. M�me si certains pensent le contraire, ou si la France ne le dit pas ouvertement ou suffisamment fort, elle est press�e de sortir de ce bourbier et les Nations Unies doivent se demander si elles ont un r�le � jouer dans le pays, si les acteurs ivoiriens ne peuvent pas parvenir � s�entendre sur le meilleur moyen d�aller vers la paix. Il est �vident qu�il n�existe aucun accord de paix parfait. Il faut donc que chaque acteur accepte de faire des concessions. Mais en d�cidant de n�gocier directement � deux et d�exclure du dialogue les acteurs politiques de l�opposition, Messieurs Gbagbo et Soro viennent de prendre de lourdes responsabilit�s. Ils viennent d�indiquer que, dans leur conception, la seule source de l�gitimit�, c�est la force dont on dispose pour imposer son autorit�. Ils ont marginalis� l�opposition politique. Cela est injuste et il faut le d�noncer, mais il ne faudrait pas en faire une raison pour rejeter leur accord. L�opposition doit s�impliquer dans sa mise en oeuvre et donner � leur pays une chance de sortir de cette crise qui n�a que trop dur�. Pour ce faire, nous voudrions formuler quelques recommandations : 1. Nous recommandons au Conseil de S�curit� de l�ONU de renforcer son appui � la C�te d�Ivoire, malgr� les difficult�s rencontr�es par l�ONUCI, notamment l�hostilit� du camp pr�sidentiel et des partisans de Monsieur Gbagbo. Concernant les �lections, il convient de r�examiner le calendrier, en reportant les diff�rents scrutins de 10 � 12 mois au moins. Le mandat de l�ONUCI doit �tre prolong� autant que n�cessaire et la mission devrait �tre renforc�e avec de nouvelles troupes. Elle devrait accompagner le pays dans le processus de � Peacbuilding � (Consolidation de la paix) et ne pas se limiter � l�Interposition ou au Maintien de la Paix. 2. Le Gouvernement qui sera form� dans les jours � venir et les diff�rents acteurs devraient focaliser leur attention et leurs efforts d�abord sur le d�sarmement, la s�curisation du pays, le red�ploiement de l�administration et la pr�paration des �lections. Dans cette perspective, le recensement de la population, l�identification des �lecteurs et la r�vision des listes �lectorales sont des priorit�s absolues, � court terme. Ensuite, il convient de restaurer la confiance entre les acteurs. 3. Nous appelons le Pr�sident Gbagbo � inviter solennellement les Jeunes patriotes � plus de retenue et � leur demander de cesser leur rh�torique guerri�re et les campagnes d�intimidation et d�agression contres les forces de l�ONUCI et d�arr�ter le harc�lement exerc� sur les responsables des partis politiques d�opposition. De m�me, nous invitons les responsables des partis politiques de l�opposition � bannir tout discours de haine : arr�ter la surench�re et la propagande destructrice et participer pleinement � la mise en oeuvre des accords de Ouagadougou, m�me s�ils n�ont pas �t� invit�s aux discussions. Ils n�ont rien � gagner dans leur marginalisation du processus de paix. Ils doivent donc reprendre l�initiative et s�impliquer directement. 4. Les priorit�s � moyen terme : Adopter une nouvelle constitution et de nouveaux textes de lois abrogeant ou modifiant toutes les lois controvers�es qui ont �t� � l�origine de la guerre.Organiser des �lections municipales et rurales pour favoriser la cr�ation d�une administration locale plus d�mocratique. Donc renforcer l�esprit d�mocratique � la base. Organiser des �lections l�gislatives et pr�sidentielles, une fois que les conditions de r�gularit�, d�honn�tet� et de transparence seront r�unies, dans un d�lai raisonnable – entre Octobre et D�cembre 2007. A long terme : Il appartiendra au gouvernement mis en place � la fin de la transition et aux diverses institutions nationales de mettre en place une politique responsable de gestion du pouvoir et de partage �quitable des richesse nationales au profit de tous les citoyens ivoiriens : corriger les disparit�s r�gionales en mati�re de d�veloppement et redonner � chaque ivoirien la fiert� d��tre membre d�une nation multi-�thnique ou multiculturelle et citoyen d�un Etat qui reconna�t, respecte et prot�ge tous ses droits. Et le pays reprendra une place de leadership dans le concert des nations aussi bien en Afrique de l�Ouest que dans toutes les Organisations internationales o� son image s�est consid�rablement d�t�rior�e au cours des 5 derni�res ann�es.

Abdul-Rahman Diallo