Comunità di S.Egidio


 

11/03/2007

ADRESSE A LA NATION DE S.E.M LAURENT GBAGBO APRES LA SIGNATURE DE L�ACCORD DE PAIX DE OUAGADOUGOU
C�est la victoire du peuple

 

Ivoiriennes,

Ivoiriens,

Mes chers compatriotes,

Chers amis de la C�te d�Ivoire.

Le dimanche 4 mars 2007, j�ai sign� � Ouagadougou, en votre nom � tous, un accord de paix avec ceux qui avaient pris les armes en septembre 2002. Voici quatre ans et demi que nous attendions ce moment ; quatre ans et demi de peine et de souffrances pour notre peuple. Malgr� tout, pour ma part, je n�ai jamais d�sesp�r� de la C�te d�Ivoire, de la capacit� des fils de ce pays � surmonter les difficult�s et les malentendus pour se retrouver � nouveau, rassembl�s au sein de la R�publique une et indivisible, unis autour de la nation ivoirienne. C�est un grand moment dans notre histoire, une �tape d�cisive vers le r�glement d�finitif de la crise ivoirienne.

Au moment o� je m�adresse � vous, � la Nation ivoirienne, pour parler de cet accord historique, je voudrais, avant tout, remercier le Pr�sident Blaise COMPAORE, Pr�sident du Burkina Faso, Pr�sident en exercice de la CEDEAO et Facilitateur dans le dialogue inter- ivoirien.

Il s�est investi personnellement au nom de la CEDEAO mais aussi au nom des liens historiques, culturels et �conomiques entre la C�te d�Ivoire et le Burkina Faso, ce pays fr�re avec lequel nous avons un destin commun.

Je suis particuli�rement fier que cet accord ait �t� sign� � Ouagadougou et sous l��gide du Pr�sident en exercice de la CEDEAO.

C�est tout un symbole, le symbole de la solidarit� et de la fraternit� africaines, de la paix en Afrique de l�Ouest par l�Afrique de l�Ouest, de la paix en Afrique par l�Afrique. Les Africains ne doivent pas avoir peur d�affronter et de r�gler eux-m�mes leurs propres probl�mes.

Les autres peuvent nous aider mais leur aide n�aura de sens que si nous acceptons d�assumer nos responsabilit�s.

Je remercie �galement le Pr�sident Thabo MBEKI, Pr�sident de la R�publique d�Afrique du Sud dont je ne cesserai de rappeler la m�thode de m�diation empreinte de d�termination mais aussi de courtoisie et de respect pour ses interlocuteurs. J�ai eu � exp�rimenter l�engagement du Pr�sident Thabo MBEKI dans le r�glement de la crise ivoirienne lorsque, devant quitter ses fonctions de M�diateur, apr�s l�admission de son pays comme membre du Conseil de S�curit� de l�ONU, il s�est employ�, avant ce d�part, � organiser � Ouagadougou, le 26 septembre 2006, une rencontre entre le Pr�sident COMPAORE et moi-m�me sur la crise ivoirienne.

Tout le monde voit aujourd�hui les r�sultats de cette rencontre qui peut �tre consid�r�e comme le pr�lude � la facilitation confi�e au Pr�sident Blaise COMPAORE.

Je remercie tous ces Africains qui viennent d�administrer au monde entier, la preuve que l�Afrique a les ressources n�cessaires pour r�gler ses conflits. Je souhaite qu�il en soit ainsi en Ethiopie, en Erythr�e, en Centrafrique, au Soudan, au Tchad, en Somalie et partout ailleurs sur notre continent.

J�encourage tous les acteurs ivoiriens de cet accord, � traduire dans les faits les engagements pris. J�exhorte particuli�rement les membres des � Forces Nouvelles � � se maintenir dans la voie que nous avons choisie � Ouagadougou.

Je note, avec satisfaction, qu�ils n�ont tenu aucun propos hostile ni adopt� aucun comportement d�adversit� depuis l�annonce de mon plan de sortie de crise le 19 d�cembre 2006 jusqu�� ce jour.

Cette attitude, observ�e de part et d�autre, a fait na�tre chez les Ivoiriens, l�espoir d�une paix imminente.

Je f�licite les membres des deux d�l�gations ivoiriennes pour avoir confort� cet espoir de paix. Non seulement ils ont su se montrer � la hauteur des enjeux de la crise mais surtout, ils sont rest�s dignes durant tout le mois pass� � Ouagadougou. Ni les dirigeants ni les populations burkinab�s n�ont eu � se plaindre d�eux. C�est pour moi un motif de fiert� pour la C�te d�Ivoire.

Je remercie la Communaut� Sant�Egidio, pour son action discr�te mais efficace aupr�s des uns et des autres durant les discussions.

Mes chers compatriotes,

Pour r�soudre la crise ivoirienne, j�ai fait le choix du Dialogue direct avec nos fr�res qui ont pris les armes, pour au moins quatre raisons :

Premi�rement, ce dialogue ne fait appel � aucun interm�diaire. C�est pourquoi il a plut�t fait intervenir un facilitateur et non un m�diateur.

Deuxi�mement, tout le monde se rend compte que malgr� les efforts de la Communaut� Internationale, la crise ivoirienne persistait. Cela renforce notre conviction que les conflits en Afrique peuvent trouver des solutions gr�ce aux initiatives des Africains eux-m�mes.

Troisi�mement, le Dialogue direct vient traduire concr�tement une volont� du peuple ivoirien qui l�avait exprim�e lors des journ�es de consultations que j�ai entreprises avec les couches socio- professionnelles et les r�gions du pays, du 07 novembre au 17 d�cembre 2006.

Quatri�mement, le conflit ivoirien, sur l��chelle de gravit� des conflits que la Communaut� Internationale a � r�gler, se situe au 70�me rang. C�est peu de dire que le conflit en C�te d�Ivoire, tel qu�il se d�roule, ne constitue pas une priorit� pour la Communaut� Internationale et ne retient pas son attention comme les conflits en Irak, en Palestine ou au Darfour.

Le Dialogue direct entre les autorit�s ivoiriennes et ceux qui ont pris les armes �tait donc la seule voie possible pour aboutir � une sortie de crise v�ritable.

L�Accord de Ouagadougou vient le confirmer.

L�accord sign� � Ouagadougou est le r�sultat du dialogue direct, un dialogue voulu par moi-m�me qui l�ai initi� et accept� par les Forces Nouvelles. C�est pourquoi il a abouti � l�accord de paix. Il n�y a donc pas de victoire d�un camp sur un autre. C�est la victoire de tout le peuple ivoirien. Nous allons maintenant nous mettre au travail pour appliquer l�accord, qui est notre propre accord, issu d�un dialogue interne.

J�ai personnellement et publiquement dit ma satisfaction et manifest� ma joie apr�s la signature de cet accord parce qu�il r�unit tous les �l�ments n�cessaires pour ramener la paix en C�te d�Ivoire.

C�est en effet le premier accord que tout le monde a salu�, � l�int�rieur comme � l�ext�rieur, en raison de son contenu qui aborde toutes les questions rest�es jusque l� non r�solues.

L�Accord de Ouagadougou est m�me all� au-del� de la r�solution des probl�mes de l�heure puisqu�il s�est pench�, en plus du d�sarmement, de l�identification et de la suppression de la zone de confiance, sur des questions telles que celles de l�embargo sur l�importation des armes dont notre pays est frapp�, et celles des sanctions individuelles prises � l�encontre de certains acteurs de la crise ivoirienne.

Enfin, l�Accord de Ouagadougou a mis en place un chronogramme clair et pr�cis qui fait de chaque Ivoirien et de chaque observateur de la crise ivoirienne, un acteur du Comit� d�Evaluation et d�Accompagnement.

Jusque l�, c�est la Communaut� Internationale qui a eu l�initiative des n�gociations et des Accords de paix.

A Ouagadougou les discussions ont �t� men�es sur l�initiative des Ivoiriens, par des Ivoiriens avec pour Facilitateur notre voisin le plus proche.

J�invite donc les Ivoiriens � s�approprier cet accord parce qu�un �chec dans l�application de celui-ci serait catastrophique, aucune possibilit� de pourparlers ne pouvant plus �tre exp�riment�e, toutes les voies de recours tant ext�rieures qu�int�rieures ayant �t� �puis�es.

Nous devons donc tout mettre en �uvre pour sauvegarder cet accord, le premier conclu � l�initiative des Ivoiriens, entre les Ivoiriens et pour les Ivoiriens.

J�invite alors, comme je ne l�ai jamais fait � la suite de la signature d�aucun accord, toute la classe politique, la soci�t� civile, les jeunes, les femmes, les travailleurs, � ne rien faire, ni dire qui puisse directement ou indirectement compromettre l�application de l�Accord de Ouagadougou. Je les invite � avoir foi en cet Accord.

Je demande � tous ceux pour qui, comme moi, la guerre est devenue p�nible et qui ont le souci de permettre � la C�te d�Ivoire de retrouver la paix et de s�attaquer aux v�ritables probl�mes de notre soci�t�, de s�impliquer et d�accompagner l�application de cet accord.

J�invite tout mouvement, toute association et toute organisation � s�abstenir de tout comportement susceptible de nuire � la r�ussite de cet accord.

L�Accord de Ouagadougou lui-m�me a, par ailleurs, dans le code de bonne conduite qu�il a �dict�, demand� � la presse tant nationale qu��trang�re, de ne rien faire qui nuise aux chances de succ�s de son application. Je me joins aux r�dacteurs de cet accord pour en appeler � l�esprit de responsabilit� de la presse de quelque bord qu�elle soit, en lui demandant, au nom de tous les Ivoiriens, de contribuer par des propos mesur�s, au succ�s de cet accord que je consid�re comme le dernier sur la crise ivoirienne.

Je mesure toute la responsabilit� qui est la mienne, en tant que Pr�sident de la R�publique, dans cette derni�re phase du processus de paix. Je veillerai � l�application de l�accord que nous avons sign�. Je compte sur chacun de vous pour que rien ne vienne compromettre nos efforts. Il est temps qu�on aille � l�essentiel. Il est temps qu�on aille aux �lections.

Bient�t, nous allons adopter, par voie d�ordonnance, une nouvelle loi d�amnistie. Une autre ordonnance viendra instituer et r�glementer le Service Civique National. Le programme d�aide au retour des d�plac�s de guerre devra se mettre en place.

D�s que commencera la lev�e de la zone de confiance, j�irai moi-m�me au Nord, au Nord Est, � l�Ouest et au Centre du pays. Le pays doit se retrouver, les Ivoiriens doivent se retrouver. Nous avons un pays � reconstruire, nous avons notre place � tenir en Afrique de l�Ouest, en Afrique et dans le monde.

La paix est � notre port�e. Ne faisons rien qui puisse l��loigner et l�amener � nous �chapper.

Que Dieu b�nisse la C�te d�Ivoire !

Laurent Gbagbo