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22/01/2008 |
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Vous avez � import� � en Belgique, il y a vingt ans, l'organisation catholique Sant'Egidio, active dans la lutte contre la pauvret�, la r�solution de conflits arm�s, le dialogue interreligieux� Ses d�buts, dans les quartiers populaires d'Anvers, ont �t� difficiles� Je vivais dans un monde ferm�. La soci�t� flamande �tait r�ticente � la nouveaut�, elle avait du mal � accepter notre d�marche. On aurait pr�f�r� que nous nous investissions dans l'un ou l'autre des multiples groupes existants. Cette nouvelle forme d'action chr�tienne, alliant spiritualit� et engagement social, n'allait donc pas de soi ? Non. Beaucoup avaient des doutes sur l'opportunit� d'importer ce mod�le romain, ville pauvre, � Anvers, ville r�put�e riche. En r�alit�, Anvers souffrait de multiples formes de pauvret� cach�e. Et beaucoup de jeunes de mon �ge cherchaient une autre fa�on de vivre leur engagement chr�tien. Les pauvres � n'�taient plus � la mode �, �crivez-vous� Dans les ann�es 80, quand nous avons commenc�, parmi les jeunes, surtout, l'engagement social gratuit aupr�s des pauvres �tait de bon ton. Ce n'est plus le cas : on nous demande combien on gagne en s'engageant ainsi. D'autres en ont peur : pourquoi donc s'engager ? Pour d'autres, encore, c'est � l'Etat de r�soudre les probl�mes sociaux. C'est paradoxal : la pauvret� augmente, mais l'indiff�rence cro�t, elle aussi� En r�alit�, les pauvres n'ont jamais �t� � la mode� Ils ont toujours d�rang�. Mais dans les ann�es 60-70, il �tait de bon ton de s'engager � leurs c�t�s. Depuis, les relations sont plus dures. On m�prise toujours davantage les mendiants. On criminalise les sans-papiers. Les personnes �g�es sont mises � l'�cart, plac�es contre leur gr� en institution. On rend l'individu � responsable � de sa situation. Parall�lement, on a perdu l'ambition de changer la soci�t�. Vous ne vous contentez pas de la charit� chr�tienne : vous entendez agir sur la soci�t� Nous b�n�ficions, certes, d'un bon syst�me social, avec nombre d'institutions publiques qui limitent incontestablement les situations de marginalit�. Il n'emp�che qu'il y a toujours des pauvres. Nous voyons m�me �merger de nouvelles formes de pauvret�. L'isolement fait des ravages� Les victimes de troubles psychiatriques deviennent des vagabonds. Ils n'ont plus personne. Vous dites des maisons de repos qu'� elles cr�ent de l'isolement collectif �� Un chr�tien ne peut se contenter d'exiger des structures publiques plus efficaces pour lutter contre l'exclusion. Chacun se doit aussi d'agir, dans sa famille, dans son travail, dans son quartier. Cette action interpersonnelle peut changer les choses. S'arr�ter pour parler � un mendiant, dans cette soci�t� dure et froide, c'est d�j� beaucoup. Vous pouvez rendre du sens � sa vie en lui consacrant une demi-heure. Autre terrain de lutte : l'enseignement sp�cial, que vous assimilez � de l'apartheid� Je ne veux pas plaider contre la sp�cialisation. Mais pourquoi faut-il les mettre � part sous pr�texte de mieux les prendre en charge ? Aidons plut�t les gens � vivre ensemble. Il y a ce besoin croissant, dans la soci�t� : nous manquons de coh�sion. Pas seulement entre jeunes et plus �g�s, Belges et immigr�s, mais aussi entre ceux qui ont plus de chances et ceux qui en ont moins, ceux qui p�tissent pr�tendument d'un caract�re difficile� Vous �voquez l'essor d'un islam plus � revendiqu� � et l'essor d'une la�cit� � ferm�e �, qui per�oit la religion comme une menace� Cela vous inqui�te ? Cela ne me fait pas plaisir. Parfois, �a me pr�occupe. Cette tendance � la polarisation est dangereuse. C'est un facteur de tension, tant au niveau local qu'international. Le travail sur le dialogue, la possibilit� du vivre ensemble a toujours �t� � contre-courant. En 1986, quand nous avons commenc� � tenir de grands rassemblements interreligieux pour la paix, on nous r�torquait que c'�tait du luxe. Aujourd'hui, on trouve cela �vident. Sans imaginer le long processus qui y a men�. C'est avec l'islam que le dialogue appara�t le plus difficile, mais aussi le plus n�cessaire. On conna�t mal l'islam� C'est pourquoi je plaide pour un esprit de dialogue qui s'exprime � tous les niveaux, jusque dans les quartiers. D'ailleurs, de plus en plus de mosqu�es ouvrent leurs portes aux non-musulmans. Vous d�noncez la � provincialisation � de l'action politique. Pour vous, le combat nationaliste flamand est � ringard �� Ce repli identitaire n'est pas sp�cifique � la Belgique. C'est un ph�nom�ne li� � la mondialisation, � la crainte d'un monde qui devient trop vaste, o� l'individu a peur de se perdre. Certains, en Flandre, en viennent � se r�fugier dans un nationalisme �triqu�. Sans doute est-ce aussi li� au vide spirituel. Les g�n�rations pr�c�dentes ont men� un travail �norme d'unification europ�enne dans un objectif de paix. Nous en sommes les h�ritiers. Qu'en fait-on ? Uniquement d�fendre notre richesse, contre un monde o� s�vit la pauvret� ? Faute de mission � si je peux encore me permettre d'utiliser ce terme �, faute d'engagement pour la justice et la paix dans le monde, on est condamn� au repli sur soi, � l'autosatisfaction m�fiante. Il y a beaucoup d'arrogance, de m�pris, dans cette attitude. Cela s'inscrit dans une culture mat�rialiste, qui rejette l'approche spirituelle. Il est aussi des �lans spirituels inqui�tants. Comme l'essor, � sous-estim� �, dites-vous, des n�oprotestants� L'Europe est leur terrain de conqu�te. Il y a, chez nous, une qu�te de sens. Si les Eglises � officielles � manquent d'ambition, d'autres s'engouffrent. On parle souvent de l'int�grisme musulman, mais il y a d'autres formes d'extr�misme : un int�grisme chr�tien, dangereux parce qu'il �duque les gens � vivre en cercle ferm�, � exclure l'autre. D'o� votre appel aux chr�tiens � ne plus �tre � des gestionnaires peureux et prudents du pass� �� Commen�ons par ne plus avoir peur de nos propres convictions. J'ai connu beaucoup de chr�tiens qui avaient honte d'�tre chr�tiens. Les jeunes d'aujourd'hui ont besoin de personnes convaincues, mais qui t�moignent d'un grand respect, d'un grand sens de l'amiti� envers ceux qui ne croient pas. On ne va pas imposer la foi � qui que ce soit. Le risque, c'est plut�t qu'on n'en parle plus. C'est l� tout mon plaidoyer� Pour une Eglise, ouverte, pr�sente et engag�e aupr�s des pauvres. AlterCit� organise une conf�rence-d�bat avec Hilde Kieboom, le 19 f�vrier, � 20 h, � l'auditoire Montesquieu de l'UCL.
RICARDO GUTI�RREZ
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