Comunità di S.Egidio


 

19/02/2008


Chr�tien n'�gale pas monument du pass�

 

La s�cularisation ! ? Les chr�tiens ne peuvent-ils pas la vivre comme une chance, un appel � retrouver les valeurs �vang�liques, � devenir moins mat�rialistes, plus simples et ouverts aux autres ?

Responsable de la Communaut� Sant'Egidio en Belgique Auteur du livre "L'�vangile dans la ville" (vient de para�tre) Conf�renci�re pour "Altercit� - chr�tiens en forum"

Alors qu'on pensait au XXe si�cle que le ph�nom�ne religieux mena�ait de dispara�tre, nous constatons, au XXIe si�cle, une nouvelle floraison des religions et de l'identit� religieuse. Il suffit de penser � l'int�r�t croissant pour l'islam, l'hindouisme, le juda�sme et le christianisme dans les relations internationales. Dans cette optique, la religion, qu'on regardait hier avec m�pris ou qui �tait marginalis�e, est souvent consid�r�e comme un instrument pour conjurer toutes sortes de conflits. Bien des villes d'Europe sont aujourd'hui une fen�tre sur le monde : on y rencontre des gens et des communaut�s de diverses origines, cultures et religions. La pr�sence de la diversit�, m�me si elle n'est pas sans probl�me, offre, � c�t� de ses implications sociales, une occasion unique de rencontre et de dialogue pour la ville. Le dialogue entre les religions dans l'esprit d'Assise est en soi un signe d'espoir parce que les gens ne s'entre-tuent plus au nom de leur Dieu. Le dialogue atteste que seule la paix est sainte et qu'aucune guerre ne peut �tre b�nie par Dieu. Les religions ont une t�che importante dans l'�ducation des gens � l'amour de la paix, � l'int�r�t pour l'autre, � la volont� de r�orienter ses propres points de vue. Le dialogue entre les religions est de plus en plus consid�r� comme une contribution r�elle au vivre ensemble en paix et en harmonie.

L'in�galit� croissante peut actuellement �tre consid�r�e comme une des plus grandes menaces pour la paix dans le monde. A partir de son amour pour les pauvres, Sant'Egidio a rencontr� la guerre, que son fondateur Andrea Riccardi a nomm�e "la m�re de toutes les pauvret�s". Une grande partie de la population mondiale n'a acc�s ni aux soins de sant�, ni � l'enseignement, ni � la nourriture ni � l'eau potable, ni � la protection et vit d�s lors sans la moindre perspective d'avenir. Comme le disait le ma�tre de la non-violence, le Mahatma Gandhi : "La pauvret� est la pire forme de violence que l'on impose aux pauvres". On ne peut s�parer la paix de la justice, dans un monde qui se r�signe toujours plus � l'existence de vastes r�gions de d�sespoir. La paix n'est pas possible tant que des peuples voire des continents entiers n'ont aucun avenir en vue. La faim et la guerre sont les compagnes les plus fr�quentes de l'homme et de la femme africains. Ils sont frapp�s en outre par la terrible �pid�mie du SIDA, qui constitue un vrai g�nocide.

Dans notre monde globalis�, il est toujours plus difficile de dire que nous ne savions pas. Certes, la plus grande partie de l'opinion publique en Europe est consciente de l'injustice du monde qui m�nage des destins diff�rents pour ses enfants du Nord et pour ceux du Sud, o� s�vit la maladie de la violence et de manque de futur. Mais, pourtant, beaucoup d'Europ�ens se sentent impuissants et baissent les bras : on constate beaucoup de pessimisme et de r�signation. C'est ici que surgit un d�fi : comment peut-on donner forme � une culture de la globalisation ? Ce n'est pas simple, car au moment m�me o� le ph�nom�ne de la globalisation nous permet de communiquer sans probl�me avec quelqu'un d'autre au bout du monde, le monde riche tourne son regard vers lui-m�me, vers l'interne. Manifestement, la globalisation n'exclut pas la "provincialisation". Aussi, dans notre pays, qui se trouve pourtant au centre de l'Europe, les cr�ateurs d'opinion, de gauche ou de droite, du croyant au libre penseur, convergent dans un discours communautaire qui absorbe trop d'�nergie culturelle, politique et m�me �conomique. En �tant pr�sents � Anvers, � Bruxelles et � Li�ge, les gens de Sant'Egidio ont m�ri la conviction que la Belgique pourrait �tre une vision d'avenir plut�t qu'un regard sur le pass�. Dans une Union Europ�enne qui r�unit de plus en plus de peuples et de nations, et dans un monde o� les fronti�res s'estompent, notre pays ne pourrait-il jouer un r�le exemplaire avec son m�lange original de cultures, de structures de population, d'institutions raffin�es et �quilibr�es et de capitale cosmopolite ? Le d�fi de notre pays est de montrer qu'il est possible de conjuguer identit� et ouverture, particularisme et vivre ensemble, dans un Etat qui n'est pas fond� sur des crit�res ethniques. En outre, notre pays a une importante vocation europ�enne : contribuer � construire la paix au-del� m�me de l'Europe.

Mais pour vivre avec un esprit g�n�reux et ouvert aux carrefours de l'humanit�, il faut de la confiance et de la foi, sans pour autant pouvoir offrir des solutions imm�diates aux grands d�fis. Les solutions se trouvent o� le coeur et la raison se rencontrent. Le vide spirituel que traverse l'Europe en ce moment fait vivre de fa�on peureuse et repli�e : nous voyons des Europ�ens anxieux qui cherchent surtout � sauvegarder leur richesse mat�rielle. De plus en plus de gens semblent pourtant se rendre compte que quelque chose manque dans notre monde qui sacrifie facilement toute forme de spiritualit� au mat�rialisme, qui nous r�duit � �tre des esclaves de l'�conomie et de la consommation. Ici se situe un dernier d�fi d�velopp� dans mon dernier livre : comment se situer face � la s�cularisation - souvent d�cri�e ? Les chr�tiens ne peuvent-ils pas la vivre comme une chance et comme un appel urgent � devenir simples et pauvres, pour pouvoir vivre avec des priorit�s �vang�liques, plut�t que de vivre comme des nostalgiques du pass� ? Plus que jamais, il est possible d'�tre un chr�tien convaincu, tout en �tant ouvert aux autres religions et aux humanistes, en dialoguant et en collaborant avec eux. La vie des chr�tiens n'est pas un monument du pass�, mais plus que jamais, dans une soci�t� polaris�e et anxieuse, une aventure d'amour et de paix.

Hilde Kieboom