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19 Июня 2017

La France reconnaît l'action diplomatique des religions

La méthode de Sant’Egidio, de négociation “spirituellement inspirée”, a fait tache d’huile.

 
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C'est une convention inhabituelle qui a été signée le 18 avril entre Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangère, et la communauté de Sant'Egidio. Le document reconnaissait explicitement les « collaborations développées de longue date » entre la France et la communauté dans différents domaines: dialogue interreligieux, prévention des conflits et accueil des réfugiés.

Une reconnaissance très officielle, donc, pour cette organisation chrétienne d'origine italienne réputée porter la « diplomatie officieuse » du pape de la part d'un pays affichant parfois une conception très stricte de la laïcité. Nombreuses sont les organisations, comme Sant'Egidio ou encore l'Ordre de Malte, à promouvoir un travail avec les responsables religieux de tous bords pour résoudre les conflits.

Quant au ministère des affaires étrangères, il évolue progressivement vers une meilleure prise en compte des religions comme facteur de paix ou de conflit. En 2009, le Quai d'Orsay avait créé sous l'égide du ministre Bernard Kouchner, un « pôle religions », piloté à l'époque par Joseph Maïla, spécialiste du Moyen-Orient et de la sociologie des conflits. Si cette cellule a aujourd'hui disparu, l'intérêt pour les questions religieuses demeure.

« Les acteurs comme Sant'Egidio nous semblent pouvoir jouer un rôle important dans des pays en conflit, en réunissant différents responsables de la société civile, y compris des religieux. Ce que nous ne pouvons pas faire », reconnaît-on au Quai d'Orsay. « En Syrie, nous n'en sommes pas encore là mais il faudra sans doute que beaucoup d'organisations de ce type agissent à l'échelle d'un village ou d'une zone pour recréer les conditions du dialogue. » Autre acteur émergent dans le domaine, l'Observatoire Pharos est lui aussi soutenu par le ministère français des affaires étrangères. Cette structure, lancée en 2008 mais surtout active depuis 2012, entend veiller au « pluralisme des cultures et des religions » sur des terrains aussi divers que le Nigeria, le Pakistan ou l'Indonésie. En Centrafrique, Pharos a beaucoup soutenu le trio constitué par le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, et ses homologues protestant et musulman, Nicolas Guerekoyame-Gbangou et Oumar Kobine Layama, dans un pays miné par des violences s'appuyant sur les tensions interreligieuses.

Qu'il s'agisse de l'Ordre de Malte, de l'Observatoire Pharos, de Sant'Egidio ou encore de Pax Christi, ces institutions prennent place dans ce que les spécialistes appellent la « deuxième voie » de l'action diplomatique, qui comprend les organisations susceptibles de mener des négociations informelles : organisations politiques, Églises, médias ou institutions scientifiques. Et ce sont précisément les médiations menées par les protagonistes de cette « deuxième voie » qui sont aujourd'hui reconnues. « Ces actions des Églises ont toujours existé, mais elles ont très longtemps été ignorées par les diplomates, reconnaît Vincent Picard, chargé des relations internationales en France pour Sant'Egidio. Aujourd'hui, la diplomatie française reconnaît que les religions peuvent être facteurs de paix. » « La méthode de Sant'Egidio, de négociation spirituellement inspirée, a fait tache d'huile », explique Blandine Chelini-Pont, membre du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités, rattaché au CNRS. Signe de l'intérêt grandissant de la diplomatie française pour ces questions, cette chercheuse note la multiplication de rencontres et de colloques autour des religions. En 2013, le ministre des affaires étrangères d'alors, Laurent Fabius, a même ouvert un colloque international, « Religion et politique étrangère », organisé par Sciences-Po. « Il y a une réelle prise en compte de l'importance des facteurs religieux dans toute résolution diplomatique », résume Blandine Chelini-Pont. Assisterions-nous donc à une révolution copernicienne de la diplomatie française? « Nous sommes encore bien loin de la politique du président Barack Obama, qui avait fait de la religion l'un des axes majeurs de la diplomatie américaine », répond la chercheuse et historienne.

« La tradition française consiste à axer sa diplomatie autour des droits de l'homme et la liberté de conscience, non en fonction des religions. Mais le Quai d'Orsay reconnaît désormais que la religion est une dimension à prendre en compte. » . paroles « La religion peut être un facteur de réconciliation » Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax Christi et vice-président de l'observatoire Pharos « Depuis 2008 et les crises qui ont marqué le MoyenOrient, l'État français a découvert l'importance des questions religieuses dans le champ diplomatique, comme en témoigne la création du pôle Religions au Quai d'Orsay en 2009. Il est clair que nous devons passer, avec le temps, d'une conception de la religion comme domination à une conception de la religion comme ouverture aux autres. La religion peut être un facteur de rencontres, de dépassement des différences et de réconciliation de la société. Elle n'est pas un obstacle à la société, mais doit au contraire contribuer à la construire. »