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Premi�re
journ�e mondiale contre la peine de mort
Bruxelles,
Atomium, le 30 novembre 2002
Hilde
Kieboom, Communaut� de Sant�Egidio
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I. Introduction
Mijnheer
de burgemeester, geachte dames en heren, beste vrienden,
Een
historisch feit brengt ons vandaag bijeen, in het hart
van Europa, aan de voet van Brussels meest gekende
monument, het Atomium. Vandaag schittert dit monument,
symbool van de vooruitgang, als nooit tevoren, ter
gelegenheid van �De eerste werelddag tegen de
doodstraf�. Ik dank de overheid van de stad Brussel en
van de vzw Atomium voor hun krachtige en daadwerkelijke
ondersteuning van dit initiatief. In het jubeljaar 2000
begon de stad Rome, in samenwerking met Sant�Egidio en
andere organisaties, het Collosseum te verlichten
telkens wanneer er goed nieuws kwam van het
anti-doodstraffront. Op deze Werelddag tegen de
Doodstraf willen wij dit initiatief uitbreiden tot tal
van steden in de wereld, om op die manier ons verzet
tegen de praktijk van de doodstraf in het bijzonder te
belichten.
La Communaut� de Sant�Egidio, � partir
de son amiti� avec des prisonniers et des condamn�s �
mort, investie beaucoup d��nergie dans la lutte
contre la peine de mort. De plus, au mois de mai de
cette ann�e, une coalition internationale contre la
peine de mort a vu le jour � Rome, qui unit les forces
de plusieurs organisations des droits de l�homme,
comme Amnesty International, le cartel fran�ais
�Ensemble contre la peine de mort�, FIACAT avec
ACAT-Vlaanderen, ainsi que le mouvement am�ricain
�National Coalition to abolish the dead Penalty�.
C�est le Grand-duch� de Toscane qui a �t� le
premier dans le monde � abolir la peine de mort :
c��tait le 30 novembre 1786. Bruxelles, comme
capitale de la Belgique et de l�Europe, se trouve
aujourd�hui en compagnie de plusieurs villes en
Belgique (Anvers, Li�ge, Bruges, Ypres, Gand), en
Europe (Rome, Venise, Lyon, Lille, Barcelone, Amsterdam,
Vienne, Berlin) et dans le monde (New York, Santiago de
Chili) � donner de l�ampleur � cette initiative.
La Communaut� de Sant�Egidio est
davantage connue pour son travail d�amiti� avec les
pauvres dans les grandes villes (des �coles de paix
pour des enfants et des jeunes belges, immigr�s et r�fugi�s,
des repas pour des sans-abris, du soutien pour des
personnes �g�es abandonn�es�). L�amiti� avec les
personnes les plus d�munies de notre soci�t� a amen�
les quelques 40.000 b�n�voles de Sant�Egidio � s�engager
aussi pour le d�veloppement de l�Afrique et pour la
paix dans le monde. L�engagement pour abolir la peine
de mort se situe tout � la fois dans le cadre de ce
choix pour les pauvres et dans le cadre de
l�engagement pour une culture de paix et de justice
dans le monde. Parcourons d�abord l�histoire pour
arriver � parvenir � la situation qui est celle du
monde d�aujourd�hui concernant la peine de mort.
II.
Histoire et situation actuelle de la PDM dans le monde
Si aujourd�hui, nous nous battons pour
abolir la PDM, au nom d�une civilisation, il est bon
de se souvenir que pendant des si�cles, la PDM a �t�
consid�r�e comme une peine juste, raisonnable, civile
et naturelle. M�me des grands esprits de l�antiquit�
comme Platon ou Rousseau, Kant ou Hegel plus tard, ne
formulaient aucune critique par rapport � cette
condamnation que l�on qualifie, aujourd�hui, au
moins en Europe, de barbare.
Il faudra patienter jusqu�au si�cle des Lumi�res,
� partir du 18 si�cle, pour entendre des hommes comme
Voltaire ou Victor Hugo dire qu�ils ont honte de cette
pratique barbare. C�est dans ce courant que s�inscrit
le philosophe toscan Cesare Beccaria, qui d�fend en
1764, que l�emprisonnement � perp�tuit� est pr�f�rable
� la peine de mort parce que tout aussi efficace. Comme
je l�au d�j� mentionn�, le Grand-duch� de Toscane
suivra ce conseil et sera le premier Etat du monde, en
1786, � abolir la PDM.
Aujourd�hui, une majorit� de 111 pays
n�applique plus la PDM, � savoir : 75 pays sont
abolitionnistes de droit (selon leurs lois donc), 20
pays de facto (commutation automatique en emprisonnement
� perp�tuit�) et 16 pays qui l�appliquent seulement
en temps de guerre. 84 pays l�appliquent encore.
Pour la premi�re fois dans l�histoire de l�humanit�,
il y donc une majorit� des pays qui ne l�appliquent
plus. En Europe la PDM a �t� abolie (l�Albanie, la
Yougoslavie, la Turquie ces derni�res ann�es).
Contrairement � ce que l�on pourrait penser, un
nombre �lev� de pays ont aboli la PDM en Afrique (plus
de 20), m�me s�il faut dire que dans les pays
majoritairement musulmans la PDM reste tr�s pr�sente (pensons
par exemple � la probl�matique
des femmes adult�res, comme Safiya et Amina, au
Nigeria). La grande zone probl�matique pour l�application
de la PDM se trouve en Asie et aux Etats-Unis, ce qui
implique qu�aujourd�hui plus que la moiti� de la
population mondiale se trouve sous un syst�me
judiciaire qui maintient cette peine irr�versible. En
2001, 90 % des ex�cutions enregistr�es ont eu lieu en
Chine, Iran, Arabie Saoudite et aux Etats-Unis,
seulement la Chine serait bon pour 2.600 ex�cutions
registr�es en une ann�e. Le fait que les Etats-Unis
d�Am�rique aussi, comme unique superpuissance et
leader du monde d�mocratique, en fait partie, nous
interroge particuli�rement.
III
Arguments pour et contre la PDM
L�argumentation classique de la
dissuasion, en faveur de la peine de mort, n�est pas
confirm�e par les statistiques, en tenant compte du
fait que 90 % des meurtres ont lieu dans des moments de
col�re particuli�re ou sous influence de drogue ou
d�alcool. Lorsque l�on parle des Etats- Unis, il
faut tenir surtout compte d�un probl�me social et
racial par rapport � la PDM. Etant donn� les frais �lev�s
du syst�me judiciaire am�ricain, les coupables qui ne
disposent pas de moyens n�cessaires pour assurer leur d�fense
sont les plus vuln�rables. Les couloirs de la mort sont
peupl�s, pour une tr�s grande majorit�, de pauvres et
de noirs, surtout si la victime en question est un blanc.
La peine de mort est irr�parable. Depuis 1973, 102 d�tenus innocents aux
Etats-Unis ont �t� sortis du couloir de la mort. A
ceux qui soutiennent la PDM comme revanche, c�est-�-dire
faire subir � l�assassin la m�me chose que ce qu�il
a commis, on pourrait r�pondre avec les paroles d�Albert
Camus dans ses R�flexions
sur la peine capitale : � Le talion est de l�ordre de la nature et de l�instinct, il
n�est pas de l�ordre de la loi. La loi, par d�finition,
ne peut ob�ir aux m�mes r�gles que la nature. Si le
meurtre est dans la nature de l�homme, la loi n�est
pas faite pour imiter ou reproduire cette nature. Elle
est faite pour la corriger. � (2�me �d.,
Paris, 1957, Calman-Levy, p. 149).
IV
Campagne
Ce qui est touchant dans les r�cits des
gens qui sont all�s rendre visite aux condamn�s �
mort, ou qui correspondent avec eux, c�est que,
souvent, ces personnes changent profond�ment. Malgr�
la situation p�nible de leur cellule (1,7 m sur 2,5),
il y a des gens qui commencent � regretter les atrocit�s
qu�ils ont commises. Ceci peut encourager une vision
positive sur l�homme, si ch�re � la tradition
humaniste et chr�tienne. Le � monstre � a
aussi une histoire, et tr�s souvent, c�est celle
d�une personne qui n�a jamais �t� aim�e et �duqu�e
au respect de l�autre. Cela vaut d�autant plus pour
les personnes qui pourraient �tre innoncentes, mais qui
sont condamn�es faute d�une d�fense suffisante �
cause de leur pauvret� ou classe sociale. Je cite
d�une lettre de Dominique Green, afro-americain de 27
ans qui se trouve depuis qu�il n�avait pas encore 18
ans au couloir de la mort au Texas : je suis
prisonnier dans le couloir de la mort.. j�ai besoin de
quelqu�un qui veuille m�aider, parce que, ces
derniers temps, je ne savais vraiment pas comment
demander de l�aide et de l�amiti�... La solitude de
ce lieu commence � avoir de l�effet sur moi, aussi
parce que j�ai r�alis� que je pouvais finir par
mourir ici pou quelque chose que je n�ai pas faite...Dans
le couloir de la mort, il y a des personnes bonnes et
intelligentes, mais beaucoup d��tre elles n�ont
jamais eu la moindre possibilit� dans la vie :
regardez-moi, ma vie ne faisait que commencer et elle a
fini par un mensonge. Pourquoi ? Le coll�ge du
bourgmestre et des �chevins de la ville de Bruxelles a
d�cid� d�adopter ce jeune pauvre, en l�aidant �
payer les frais d�avocat pour sa d�fense. De cette
mani�re il aura la famille qu�il n�a jamais eu.
Het
is geen toeval dat naast New-York het vooral Europese
steden zijn die aan deze eerste werelddag tegen de
doodstraf deelnemen. Artikel 2 van het Handvest van de
Grondrechten van de Europese Unie stelt dat in Europa
niemand ter dood veroordeeld wordt. Europa mag fier zijn
op zijn beschaving en op zijn voortrekkersrol op het
vlak van afschaffing van de doodstraf. Verschillende
feiten, ook in de civiele maatschappij getuigen van dat
Europese bewustzijn: ik denk allereerst aan het feit dat
de organisatoren van de witte mars nooit een oproep
lanceerden tot herinvoering van de doodstraf,
niettegenstaande de dramatische feiten, ik denk aan de
moedige beslissing van
Miss Belgi�, Anne Van Elsen, om de miss world
verkiezing in Nigeria te boycotten om uiting te geven
aan haar solidariteit met Amina die gestenigd zou worden,
ik denk aan de golf van protest die de laatste week door
Nederland joeg nadat Minister Nawijn van de lijst Pim
Fortuyn op een populistische manier voor de herinvoering
van de doodstraf had gepleit. Dit zijn positieve feiten
die getuigen dat de Europese publieke opinie primitieve
gevoelens als wraak niet wil cultiveren en tot wet
verheffen. Maar een beschaving is ook nooit verworven,
ze moet worden doorgegeven en onderwezen. Recente enqu�tes
onder Nederlandse en Vlaamse jongeren tonen dat
waakzaamheid geboden is. Het hoeft ons niet te
verwonderen dat we onder de jongeren een zekere
verharding vaststellen, juist in een maatschappij die
weinig vertrouwen in de jongeren stelt, en ik denk
hierbij vooral aan de risicojongeren in achtergestelde
stadswijken.
La campagne que m�ne la Communaut� de
Sant�Egidio, qui a d�j� rassembl� plus que 4,2
millions de signatures contre la PDM dans tous les
continents, est alors une bataille de civilisation. Elle
montre en m�me temps qu�il existe un sens citoyen de
responsabilit�, de bonne volont� tr�s important, mais
aussi de nombreuses attentes et espoirs d�un monde
plus juste et moins violent. La synergie qui est la m�thode
de travail de Sant�Egidio et ses partenaires � et je
tiens aujourd�hui � les remercier � est un rem�de
efficace contre le sens d�impuissance des individus,
qui est si pr�sent dans notre soci�t� de bien-�tre.
Inviter les gens � signer une p�tition contre la PDM,
est une r�ponse au sens d�impuissance, comme le dit
Colette Berth�s dans la machine � tuer (Les ar�nes,
2000, p.127) : "Sais-tu combien p�se un
flocon de neige ? Demande la m�sange � la
colombe. Rien d�autre que rien. Imagine que, sur la
branche d�un sapin, il se soit mis � neiger,
doucement, sans violence. N�ayant rien de mieux �
faire, je comptais les flocons qui tombaient. Il en
tomba 3.751.952. Mais au 3.751.953�me
� rien d�autre que rien �, la branche
cassa. La colombe r�fl�chit un moment et se dit : �Peut-�tre
ne manque-t-il qu�une personne pour que tout bascule �.
La campagne des signatures a suscit� de nombreuses
initiatives, des prises de conscience, de la solidarit�,
des correspondances avec des condamn�s � mort, la
sensibilisation de l�opinion publique, entre personnes
de tout �ge, de tous les continents et de toute
conviction id�ologique ou religieuse.
Je
vous lis un passage d�une lettre qu�a �crit un
africain de 42 ans, qui se trouve depuis 21 ans dans le
couloir de la mort en Floride : � I�m
freally excited about our newly found friendship...To
encourage me to remain spiritually strong, physically
healthy and mentally sound troughout my long and
overwhelming journey through this valley of the shadow
of death, I need jour wisdom, knowledge, advice and
compassion, to inspire, enlighten and bless me too ! �
V.
Conclusion
Notre r�ve avec cette campagne est que la
peine de mort puisse faire parti un jour des moyens du
pass�, comme la torture et l�esclavage, parce que les
�tats modernes disposent d�autres moyens pour d�fendre
leurs citoyens. L�Europe peut �tre orgueilleuse de
jouer un r�le de pr�curseur de civilisation dans le
domaine de l�abolition de la PDM. Je suis convaincue
que l�on sera toujours plus nombreux dans le monde,
pas seulement � illuminer de beaux monuments, mais
aussi � consid�rer que la PDM n�est pas digne �
notre civilisation, qu�elle est une absurdit�, comme
on consid�re que l�est l�esclavage aujourd�hui.
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