Le
Monde
mardi
14 novembre 2000
Aux
Etats-Unis, pendant le d�compte des voix, les ex�cutions
continuent
NEW
YORKde notre correspondante Sylvie Kauffmann
Apr�s
une pause de plus d�un mois, bienvenue en fin de campagne �lectorale,
les ex�cutions ont repris leur rythme de croisi�re au Texas,
Etat du gouverneur George W. Bush, o� trois sont pr�vues cette
semaine dont celle d�un handicap� mental condamn� � mort il
y a vingt ans. Apr�s Stacey Lawton, mardi 14 novembre, et Tony
Chambers, mercredi 15, Johnny Paul Penry, 44 ans, doit �tre ex�cut�,
jeudi 16, au p�nitencier de Hunstville, o� sont ex�cut�s
tous les condamn�s � mort de l�Etat, pour le viol et le
meurtre d�une jeune femme de 22 ans commis en 1979. Selon ses
avocats, il a un quotient intellectuel de 56 et l��ge mental d�un
enfant de 6 ans. Les journalistes du New York Times, qui ont pu
le rencontrer en prison, affirment qu�il n�a pas r�ellement
conscience du sort qui l�attend : � La seule chose que je
sache, leur a-t-il dit, c�est qu�on va me mettre une aiguille
dans le bras pour m�endormir. Je trouve que c�est une chose
cruelle, de m�endormir. � Il ne sait pas compter, ne sait pas
lire, croit au P�re No�l et passe ses journ�es � faire des
coloriages. Au nom de l�Union europ�enne, dont la France a la
pr�sidence, le consul de France � Houston a rendu visite la
semaine derni�re � Austin au pr�sident de la commission des
gr�ces, auquel il a demand� que la condamnation � mort de
Johnny Penry soit commu�e en � toute autre peine compatible
avec le droit international �. Cette commission, compos�e de
dix-huit membres, n�a accord� la cl�mence qu�� un seul
condamn� depuis cinq ans. L�ambassadeur de France �
Washington, Fran�ois Bujon de l�Estang, a �galement fait
valoir dans une lettre au gouverneur George W. Bush que l�Union
europ�enne, � profond�ment pr�occup�e par l�imposition de
la peine capitale � des gens souffrant de troubles mentaux,
consid�re que de telles ex�cutions d�gradent la dignit� et
la valeur de la personne humaine �. Plusieurs conventions
internationales interdisent l�ex�cution de personnes atteintes
de troubles mentaux.
Le
cas de M. Penry a d�j� fait l�objet d�un examen juridique
approfondi, jusque devant la Cour supr�me des Etats-Unis, qui,
en 1989, a d�cid� � son propos que l�ex�cution de retard�s
mentaux ne constituait pas � un ch�timent cruel et inusit� �,
et ne violait donc pas le huiti�me amendement de la
Constitution. Mais tr�s divis�e sur le sujet, la Cour avait
ajout� qu�il appartenait au jury de prendre en consid�ration
le degr� de handicap mental de l�accus� au moment du choix de
la peine et avait ordonn� un nouveau proc�s pour Johnny Penry.
Il fut � nouveau condamn� � mort. Lundi, l�Allemagne a
demand� � la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye
de condamner les Etats-Unis pour non-respect de leurs
obligations internationales lors de l�ex�cution de deux
citoyens allemands, les fr�res Lagrand, accus�s de meurtre en
Arizona en 1999. Berlin reproche aux Etats-Unis de ne pas avoir
inform� les fr�res Lagrand de leur droit � une assistance
consulaire, comme le prescrit la convention de Vienne de 1963.
Trente-cinq
condamn�s � mort ont �t� ex�cut�s cette ann�e au Texas,
147 au total depuis que M. Bush a �t� �lu gouverneur de cet
Etat, il y a cinq ans. Et 6 ex�cutions sont encore pr�vues d�ici
au 12 d�cembre.