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Le Phare Kinshasa Les Ong des Droits de l'homme interpellent J.Kabila sur le maintien de la peine de mort DOCUMENT
Kinshasa
Excellence Monsieur le Pr�sident de la R�publique,
Nous, associations et organisations congolaises de d�fense et de promotion des droits de l'Homme en R�publique D�mocratique du Congo, avons l'honneur de vous exprimer une fois de plus, notre vive indignation et notre profonde pr�occupation suite � la d�cision prise par votre gouvernement, � propos de la suspension du moratoire sur la peine de mort, laquelle a �t� officiellement notifi�e le 23 septembre 2002 par une lettre du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux au Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme en RD Congo.
Apr�s que chacune de nos organisations vous ait saisi quant � ce, par voie de simple correspondance ou de m�morandum et qu'aucune suite ne nous ait �t� r�serv�e � ce jour, nous vous r�it�rons par la pr�sente notre position sur cette �pineuse question � laquelle nous souhaiterions obtenir une suite favorable.
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Avant de d�velopper notre position sur les motifs avanc�s par le Ministre de la Justice, cens�s justifier la lev�e du moratoire ainsi que sa co�ncidence avec le r�quisitoire du Minist�re public dans le proc�s des pr�sum�s assassins de feu Pr�sident Laurent D�sir� Kabila, nous aimerions rappeler les diff�rents engagements pris par votre gouvernement ainsi que celui de votre pr�d�cesseur, Laurent D�sir� Kabila sur cette question de la peine de mort en RD Congo.
1. Des engagements pris
En date du 22 juin 1999, faisant suite � la r�solution 1997/12 de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies confirm�e par les r�solutions 1998/8, 1999/61 et 2000/65 du m�me organe demandant aux Etats qui n'ont pas encore lev� l'option pour l'abolition de la peine de mort d'instaurer � tout le moins un moratoire sur l'ex�cution de cette peine, le gouvernement de la RD Congo, par la lettre du Ministre des Droits humains, Monsieur L�onard SHE OKITUNDU, adress�e au Secr�taire G�n�ral des Nations Unies, exprimait son intention ferme d'abolir la peine de mort en RD Congo et se r�solvait de d�cr�ter un moratoire g�n�ral sur les ex�cutions capitales.
Cette mesure a �t� salu�e par l'ensemble de la population congolaise en g�n�ral et particuli�rement par nous, organisations de d�fense et de promotion des Droits de l'Homme.
D�s votre av�nement � la magistrature supr�me, vous avez solennellement proclam� votre attachement aux droits de l'homme ainsi que votre souci de militer en faveur de leur promotion et de leur respect.
En date du 30 mars 2001, devant la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies � Gen�ve, vous avez r�affirm� solennellement la d�cision prise par votre pr�d�cesseur, allant dans le sens de d�cr�ter un moratoire sur les ex�cutions capitales. Cette mesure a �t� par ailleurs consolid�e par une r�solution de la Conf�rence Nationale des Droits de l'Homme, fruit de votre propre initiative, laquelle a �t� lou�e et salu�e par l'ensemble des forces vives de la Nation.
La d�cision d'observer le moratoire marque une importante avanc�e vers le respect des droits de la personne, particuli�rement le droit � la vie et constitue sans nul doute, le constat que la peine capitale telle qu'appliqu�e en RD Congo, est une grave violation de ce droit fondamental.
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Quelles que soient les raisons qui puissent �tre invoqu�es pour justifier la suspension du moratoire, cette grave d�cision constitue un v�ritable recul dans les efforts collectifs que nous fournissons tous pour le respect des droits de l'homme.
Et par cette d�cision, votre gouvernement se met en porte-�-faux complet avec ses discours progressistes, pourtant si r�guli�rement prononc�s sur la sc�ne nationale et internationale et jette ainsi � coup s�r un discr�dit s�rieux sur la r�alit� de vos intentions affich�es ainsi que de vos diff�rents engagements pris sur la question des droits de l'homme.
2. Quant aux arguments avanc�s par le Ministre de la Justice pour justifier la suspension du moratoire sur la peine de mort
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Les raisons invoqu�es par le Ministre de la Justice pour justifier la suspension du moratoire manquent totalement de pertinence et cachent maladroitement des motifs inavou�s.
La premi�re raison avanc�e est celle de �la recrudescence du grand banditisme entra�nant r�guli�rement mort d'homme�.
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Les causes et les auteurs de l'ins�curit� sont divers et nombreux, mais les auteurs principaux de l'ins�curit� causant parfois mort d'hommes sont les militaires, les officiers de police judiciaire et les agents des services de s�curit� de l'Etat qui, le plus souvent �chappent � toutes poursuites judiciaires. La d�linquance parmi les agents de l'ordre et de l'arm�e r�sulte pour la plupart de cas de la �clochardisation� des incrimin�s par le non paiement r�gulier des soldes qui pousse les uns � l'extorsion et les autres � la formation des bandes de malfaiteurs en vue d'attenter � la vie et aux biens des personnes. Un recrutement s�v�re et s�lectif au sein de ces diff�rents corps pourra r�sorber le probl�me de la criminalit� d�cri�e.
Quant � la mauvaise compr�hension du moratoire par les d�linquants qui font r�gner la terreur dans la population, deuxi�me raison avanc�e par le Ministre de la Justice,
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Les diff�rentes �tudes men�es par nos organisations ainsi que par d'autres institutions scientifiques ind�pendantes ont su d�montrer que �penser pouvoir r�duire la criminalit� par l'application de la peine de mort est une vue tout � fait illusoire de la r�alit� sociologique et psychologique�.
En effet, aucune preuve scientifique en RD Congo tout comme ailleurs, n'a � ce jour, jamais �t� apport�e pour �tayer de fa�on irr�futable un �ventuel effet dissuasif de la peine de mort, ni un quelconque autre effet b�n�fique de cette peine. Au contraire, l'unique r�sultat incontestable que celui-ci peut avoir est d'interdire toute possibilit� de r�habilitation ou d'amendement � l'incrimin�.
Du reste, les donn�es sociologiques et surtout psychologiques d�montrent que la vision classique selon laquelle les individus mettraient en balance, avant de passer � l'acte, et en pleine lucidit�, les avantages � tirer de la perp�tration d'une infraction et les sanctions encourues, est une vue tout � fait illusoire de la r�alit� psychologique. C'est une erreur psychologique grave de continuer � croire que lorsqu'un individu emport� par la force de la passion ( jalousie, convoitise, etc.) ou encore de la d�mence, se laisse intimider au moment de poser l'acte fatal par la menace de la peine de mort. Bien au contraire, il s'active apr�s coup � en cacher les traces, esp�rant toujours �tre plus malin pour �chapper aux cons�quences de son geste.
Excellence Monsieur le Pr�sident,
De plus, votre gouvernement n'avance aucune statistique comparative de la p�riode d'avant le 10 d�cembre 1999 (date de l'entr�e en vigueur du moratoire) au 23 septembre 2002, c'est-�-dire la p�riode couvrant l'application du moratoire, pour d�montrer en termes chiffr�s, la recrudescence de la criminalit� et surtout ressortir le lien de cause � effet entre le moratoire sur les ex�cutions de la peine de mort et cette recrudescence.
Quant � la troisi�me raison invoqu�e par le Ministre de la Justice consistant en la prise de position du Parlement qui a jug� pr�matur�e l'abrogation de la peine de mort, lors de la discussion et du vote du code de justice militaire;
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Cette position du Parlement ne peut en rien influer sur la d�cision du gouvernement pr�alablement prise quant � l'application du moratoire sur les ex�cutions capitales. De plus, le Parlement ne s'est point prononc� sur le moratoire, mais plut�t sur la suppression imm�diate ou � long terme de la peine de mort.
S'agissant de la quatri�me raison relative � la n�cessit� de demeurer conforme aux engagements ant�rieurement pris par le Gouvernement congolais, il y a lieu de s'interroger sur la nature de ces engagements dans la mesure o� les seuls engagements pris par le Gouvernement sur la question de la peine de mort sont ceux repris dans la lettre du 22 juin 1999, lesquels ont �t� maintes fois r�affirm�s par vous-m�me tel que relev� ci-haut.
3. Quant � la co�ncidence de la mesure de votre gouvernement avec le d�but du r�quisitoire du Minist�re public pr�s la Cour d'Ordre Militaire dans le proc�s des pr�sum�s assassins de feu le Pr�sident Kabila;
Excellence Monsieur le Pr�sident,
L'ensemble des organisations de d�fense et de promotion des droits de l'homme suit avec un int�r�t particulier le d�roulement du proc�s des pr�sum�s assassins du feu le Pr�sident Laurent D�sir� Kabila. Mais il ne peut s'emp�cher d�s lors de d�duire que la mesure prise par votre gouvernement vise en r�alit� � se venger et � �assassiner l�galement� les personnes qui seraient d�clar�es coupables par la cour d'Ordre Militaire de l'assassinat du Pr�sident Laurent D�sir� Kabila.
Ce d�sir peut �tre compris, mais il faut emp�cher que la vengeance ne s'exerce car les soci�t�s humaines doivent �tre b�ties sur les valeurs plut�t que sur les vices qu'elles condamnent.
L'histoire des efforts visant � �tablir la primaut� du droit n'est autre que celle des mesures introduites progressivement dans l'ordre public et les recueils des lois pour limiter le recours � la vengeance personnelle. Si les l�gislations modernes n'autorisent pas � incendier la maison d'un incendiaire, � jeter dans le feu un pyromane, � violer un violeur ou � torturer un tortionnaire, ce n'est pas parce qu'elles tol�rent ces d�lits. En fait, c'est parce que les soci�t�s comprennent qu'elles doivent �tre b�ties sur les valeurs diff�rentes des vices qu'elles condamnent.
4. Recommandations
Excellence Monsieur le Pr�sident,
Devant cette situation si pr�occupante et au regard de ce qui pr�c�de, les organisations congolaises de d�fense et de promotion des droits de l'homme vous invitent instamment � :
1� Lever la d�cision de suspension du moratoire sur les ex�cutions capitales;
2� Engager un d�bat public sinc�re sur les causes majeures de la pr�tendue recrudescence de la criminalit�;
3� Inviter le rapporteur sp�cial sur les ex�cutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires, charg� du suivi de l'application de la peine de mort � travers le monde en vue d'un dialogue constructif autour des questions soulev�es par la probl�matique de la peine de mort ;
4� Garantir effectivement le droit � un proc�s �quitable pour les personnes actuellement poursuivies dans le cadre du proc�s relatif � l'assassinat du Pr�sident Laurent D�sir� Kabila.
Fait � Kinshasa, le 19 novembre 2002
Pour les ONGS des Droits de l'Homme :
Pour l'Observatoire Congolais des Droits Humains (OCDH),
Ma�tre Dieudonn� DIKU
Secr�taire G�n�ral
Pour l'Association Africaine de D�fense des Droits
de l'Homme (ASADHO),
Amigo NGONDE FUNSU
Pr�sident
Pour la Ligue des Electeurs,
Paul NSAPU
Pr�sident
Pour les Toges Noires,
Ma�tre Stanislas MUAMBA BIAKALUAMFIKA
Secr�taire G�n�ral, a.i.
Pour le Comit� des Observateurs des Droits de l'Homme
(CODHO),
Ma�tre Robert SIMUERAY
Vice-Pr�sident
Pour la Campagne pour les Droits de l'Homme
au Congo (CDHC),
Ma�tre Marcel WETSH'OKONDA
Directeur National
Copie pour information � :
Monsieur le Secr�taire G�n�ral des Nations Unies ;
Son Excellence Monsieur le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux;
Son Excellence Monsieur le Ministre des Droits Humains ;
Madame le Rapporteur sp�cial sur la situation des Droits de l'homme en RDC;
Monsieur l'Ambassadeur des Etats-Unis d'Am�rique en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur de la R�publique fran�aise en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur du Royaume de Belgique en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur du Canada en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur de Grande-Bretagne en RDC ;
Madame l'Ambassadeur d'Allemagne en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur des Pays-Bas en RDC ;
Monsieur l'Ambassadeur du Royaume de Su�de ;
Monsieur l'Ambassadeur de la R�publique Sud-Africaine en RDC ;
Monsieur l'Envoy� sp�cial du Secr�taire G�n�ral des Nations-Unies en RDC ;
Monsieur le Facilitateur du Dialogue intercongolais ;
Monsieur le Rapporteur sp�cial sur les ex�cutions sommaires et extrajudiciaires ;
Monsieur le Pr�sident de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ;
Monsieur le Directeur du Bureau sur terrain du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l'homme . |