Incontro
Internazionale
Uomini e Religioni
Palermo 1-3 settembre 2002
Terzo
Millennio senza pena di morte?
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Tamara
Chikunova
Human Rights
Organization, Uzbekistan
Bonjour, chers Messieurs!
Je
m�appelle Tamara Čikunova, je suis une m�re qui a perdu son
fils parce qu�il a �t� condamn�, contre toute loi juridique et
humaine.
Mon
fils � Čikunov Dmitrij, n� en 1971 dans la ville de Berlin,
russe, chr�tien, citoyen de la Russie � a �t� condamn� � la
peine de mort le 11 novembre 1999.
Le
10 juillet 2000, sans que j�aie pu le rencontrer, ils l�ont
fusill�.
En
condamnant mon fils � la mort, ils m�ont condamn� � mort moi
aussi, qui suis sa m�re.
Mais
le jour o� j�ai rencontr� la Communaut� Sant�Egidio, mon �me
morte a retrouv� la vie, parce qu�elle a rencontr� des fr�res et
s�urs dans le Christ. Merci � vous tous parce que vous �tes l�.
C�est
la deuxi�me fois que je viens vous voir, la premi�re fois, c��tait
au printemps de cette ann�e.
Je
suis fort touch�e par votre amour et votre compr�hension face � mon
probl�me. La visite a �t� au-del� de toutes mes attentes. Mon c�ur
s�est d�gel�. Vous et tous les membres de la Communaut�
Sant�Egidio, vous avez fait fondre la glace de la m�fiance envers
les autres. Votre foi en Dieu, votre travail plein d�abn�gation,
m�ont rendu la vie, m�ont donn� plus de force dans mon travail.
Vous avez partag� avec moi la chaleur de votre c�ur, sans aucun int�r�t
de votre part. Je suis reconnaissante � Dieu de m�avoir fait
rencontrer des personnes comme vous.
Je
repr�sente ici l�Etat de l�Ouzb�kistan. C�est un �tat tr�s
jeune, qui apr�s la d�claration de l�ind�pendance s�est dirig�
vers la d�mocratie. En Ouzb�kistan, gr�ce aux personnes qui s�engagent
pour faire changer la soci�t� � tous les niveaux, beaucoup de
choses sont en train de se r�aliser. Mais nous avons de gros probl�mes
dans plusieurs domaines.
Un
de ces probl�mes dans la l�gislation, est l�existence de la peine
de mort comme peine maximale. Mais cela n�est pas seulement un probl�me
de l�Ouzb�kistan. Dans beaucoup d�autres pays aussi on utilise
cette forme de peine qui est une offense pour tous les hommes, la
peine de mort.
Un
malfaiteur qui a commis un d�lit, qui est-ce ? Un extraterrestre
tomb� du ciel, un robot programm� pour un d�lit? Non. C�est un
membre de notre soci�t�, un citoyen de notre �tat. Mais au lieu de
le comprendre, de comprendre sa pri�re, de comprendre ce qui l�a
amen� � faire cela, nous le condamnons � la peine maximale.
N�est-ce
pas l� une preuve de notre l�chet�, de notre manque de volont� de
l�aider?
L�isoler
de la soci�t�, le cacher dans une prison, et puis le tuer. Voil�
comment nous raisonnons.
Le
probl�me de la peine de mort en Ouzb�kistan est un probl�me de
manque de compr�hension et d�absence de volont� de s�occuper du
probl�me. L�organisation que je dirige rassemble des personnes de diff�rentes
professions, qui proviennent de diff�rentes couches de la soci�t�.
Beaucoup de ces personnes sont arriv�es chez nous parce qu�elles
sont pass�es par la m�me douleur que moi, d�autres parce qu�elles
n�acceptent pas la �peine de mort� comme moyen pour r�soudre le
probl�me de la lutte contre la d�linquance. Nous avons parl� avec
plusieurs personnes, mais souvent elles ne s�y int�ressent pas ou
le probl�me les laisse indiff�rents. En effet, notre probl�me est
un probl�me d�isolement, de division entre les personnes, de
fronti�res,
de distances, de langues diff�rentes.
M�me
si nous vivons dans d�autres parties du monde, nous sommes tous
confront�s aux m�mes probl�mes. Dans les diff�rents pays, que les
gens soient riches ou pauvres, il leur manque souvent la spiritualit�.
Et souvent ce n�est que quand la douleur nous y oblige, que nous
nous adressons � Dieu pour lui demander de l�aide.
Mais
cette situation n�est pas juste.
Les
personnes qui travaillent dans le monde des affaires, travaillent de
fa�on plus efficace quand on touche � leurs int�r�ts financiers.
Alors, il n�y a plus de fronti�res, plus de barri�res
linguistiques, il n�y a plus aucun obstacle.
Il
faudrait apprendre � travailler ainsi. Pour les personnes qui portent
la Parole de Dieu, il n�y a pas de barri�res. Et pour cela nous
avons beaucoup de confiance en vous. Vous avez les possibilit�s et
les forces et � ce qui est plus important � vous avez devant un
public de personnes qui souffrent beaucoup du vide spirituel.
L�Ouzb�kistan
est un �tat jeune sur la carte du monde. Notre gouvernement et notre
pr�sident font beaucoup pour construire un �tat d�mocratique. Mais
il y a seulement peu de personnes avec une vision progressiste.
Il
faut lutter pour l��me de gens. Sinon le vide spirituel de l�homme
sera vite rempli par d�autres id�es. Je veux dire des id�es exprim�es
par le nationalisme ou le terrorisme, pour lesquelles d�ailleurs il
n�existe pas non plus de fronti�res entre les �tats et qui ne
manquent pas de moyens financiers pour arriver � leurs fins.
Voil�
pourquoi il faut faire un petit effort pour se rencontrer. Il ne faut
pas attendre, mais il faut aller � la rencontre des autres sans faire
de calculs. Il faut se rencontrer plus souvent et les confessions
religieuses doivent �tre les premi�res � faire cela.
L�Ouzb�kistan
est un pays o� des personnes de diff�rentes confessions religieuses
vivent les unes � c�te des autres, dans la paix et la concorde. Mais
en Ouzb�kistan il y a beaucoup de probl�mes. La pr�sence de la
peine de mort comme peine maximale, est une arme dans les mains de
ceux qui s�ment discorde et inimiti� dans les �mes des gens. Mais
cela n�est pas uniquement un probl�me de l�Ouzb�kistan.
Les
�v�nements tragiques du 11 septembre ont d�montr� que les fronti�res
entre les �tats, les peuples et les hommes sont illusoires.
Dans
des livres religieux de diff�rentes tendances et langues, on retrouve
une seule chose: Dieu a cr�� l�homme, l�Homme, et non pas
le japonais, le chinois, le russe ou le juif. Dieu a cr�� l�homme,
mais souvent les hommes s�approprient la responsabilit� de la vie
ou de la mort des autres, qui ont pourtant �t� cr��s par Dieu.
Avons-nous
le droit d�assumer les fonctions de Dieu?
Agissons-nous
avec justice dans nos d�cisions, quand nous pronon�ons une
condamnation?
Il
n�y a pas de d�lits que les auteurs doivent payer de leur vie. Nous
tous, habitants de la terre, sommes quelque part responsables. Cela
est notre croix, et l�ex�cution d�une personne qui a commis un
d�lit ne nous lib�re pas de cette responsabilit�, mais la rend plus
importante.
Avec
notre indiff�rence et notre cynisme nous nous sommes isol�s de cela,
mais nous oublions de ce malheur peut un jour nous toucher ou
quelqu�un de nos proches.
Avec
les r�alisations dans le domaine de la science et de la technique,
les hommes ont perdu ce qui est probablement la qualit� humaine la
plus importante: la compr�hension r�ciproque et le respect envers
tous les habitants de la terre.
Ne
repoussons pas ceux qui font appel � notre piti�, mais tendons-leur
la main, pour qu�ils trouvent de l�aide et de la compr�hension.
La
peine de mort est une manifestation de notre l�chet� et de notre
hypocrisie.
Si
nous apprenons � pardonner, le monde deviendra meilleur, et les
personnes se comprendront mieux les uns les autres.
Oui, car le mal g�n�re le
mal, et la peine de mort g�n�re le mal, cela est un axiome.
Le succ�s de la lutte contre le mal (contre les
crimes) n�est pas garanti
par une loi sans piti�, mais la certitude qu�on sera puni.
La peine de mort g�n�re elle-m�me le mal: c�est la n�gation
du droit et de la possibilit� de corriger une erreur judiciaire;
c�est un d�ficit d�humanit� au sein de la soci�t� et de l��tat;
non seulement elle porte en elle l�erreur, mais elle viole la chose
la plus importante, le droit ind�niable de chaque �tre humain: le
droit � la vie.
J�ai
trouv� des personnes qui partagent mes id�es, des m�res, des s�urs,
des fr�res qui partagent ma douleur. J�ai fond� l�organisation �M�res
contre la peine de mort et la torture �.
Notre
organisation est publique. De toute notre �me, de toute notre force
et notre volont�, nous luttons pour l�abolition des condamnations
� mort.
Les pays riches n�ont pas le droit de se tenir � l��cart, quand chaque
jour quelque part sur cette terre on pratique encore cette terrible
peine de mort, quand chaque jour on enl�ve � de fa�on l�gale !
� la vie de certaines personnes.
Un
malfaiteur commet un d�lit tout seul ou en groupe. Le tribunal
prononce la peine maximale, avec notre accord tacite commet un
homicide. La peine capitale est un homicide, un homicide l�galis�
par notre l�chet�, par notre hypocrisie et le refus d�entendre un
appel au secours. Car chaque d�lit est un appel au secours, de
quelqu�un qui ne sait plus quoi faire. Et qu�est-ce que nous lui
donnons comme aide? Il re�oit �la peine maximale�, c�est-�-dire
la peine de mort.
Pourquoi
est-ce que ce fait triste est la norme de notre vie?
De
mon point de vue, ce sont les personnes qui ont d�di� leur vie au
service de Dieu qui doivent s�occuper de la solution de ce probl�me.
Avec leur connaissance de l��me humaine, avec leur mis�ricorde,
seulement eux peuvent aider � r�soudre ce probl�me. Car ces
personnes sont les m�decins de l��me humaine. Nous avons appris �
soigner notre corps, et nous vivons de plus en plus vieux.
Dans
la recherche de bien-�tre mat�riel, nous sommes tous devenus sourds.
Nous avons arr�t� d��couter notre �me, nous sommes devenus durs
et sourds.
Et
d�autres personnes ont profit� de notre surdit�. Ce sont les
personnes qui donne une aide spirituelle aux malades et qui les
soignent de leur fa�on. Et � cause de notre surdit� et notre c�cit�
spirituelle nous connaissons la haine religieuse, l�extr�misme, le
terrorisme qui ne connaissent pas de fronti�res.
Mais
les faux proph�tes ne dorment pas, ils remplissent le vide spirituel,
ils soignent la douleur de l��me, et nous voyons le r�sultats de
leurs soins dans notre propre vie.
Les
�v�nements en Ouzb�kistan, en Russie et en Am�rique, les �v�nements
en Isra�l sont eux aussi le r�sultat de notre surdit� et notre
c�cit�.
En avant, alors, retrouvons la vie, apprenons � ne pas n�gliger les
souffrances spirituelles de l�homme.
Les
hommes de Dieu sont les m�decins des souffrances de l��me humaine.
Mais la pr�sence de la peine de mort dans la l�gislation est aussi
une maladie, la maladie de l��me de la soci�t�. C�est une
maladie grave et dangereuse, plus dangereuse qu�une maladie du corps.
La
science et les m�decins gu�rissent le corps. Mais les cons�quences
de la maladie de l�esprit sont terribles.
Chaque
guerre est une maladie de l�esprit. Et nous connaissons tous les
cons�quences de la guerre.
Je
m�adresse � vous, fr�res et s�urs!
Vous
avez gu�ri mon �me, votre chaleur humaine m�a donn� la force de
pers�v�rer dans la lutte pour l�abolition de la peine de mort, car
il est �crit: �A celui � qui on a beaucoup donn�, on demandera
beaucoup �.
Alors,
luttons ensemble pour l�abolition de la peine de mort en
Ouzb�kistan,
parce que des milliers de personnes souffrent et attendent votre
compassion. Ils ont mis leur espoir en notre aide.
L�humanit� a appris � tuer, maintenant, il faut qu�elle apprenne �
pardonner. C�est peut �tre une chance pour le salut de nous tous.
Avec
amour et estime, Tamara Čikunova
Chief-Coordinator
�Mothers
against the death penalty and torture�.
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