Comunità di Sant

Sommet Islamo-Chr�tien
Rome, 3-4 octobre 2001


 Mercredi 3 Octobre 2001
Centro Congressi di Via di Porta Castello 44
Session d'Ouverture

Roger Etchegaray
Cardinal, Pr�sidente �m�rite du Conseil Pontifical pour la justice et la Paix, Saint-Si�ge

   


J�ai particip� � de tr�s nombreux colloques islamo-chr�tiens, de Rabat � Istanbul, de Sarajevo � Bagdad, de Khartoum � T�h�ran. Ce matin, nous mesurons tous que notre rencontre, en raison m�me de son contexte historique, prend une profondeur, une densit� extraordinaires; cela devrait donner le ton � nos dialogues futurs.

Je voudrais hisser ma r�flexion � sa pointe extr�me en abordant le probl�me de l�extr�misme, car nous touchons l� au noeud de nos interrogations, de nos perplexit�s, de nos peurs, voire de nos l�chet�s. Comment soustraire aux contrecoups de la violence aveugle les processus de r�conciliation et de paix auxquels nous sommes d�sesp�r�ment attel�s? Pour cela, nous devons d�abord nous demander pourquoi il y a des extr�mistes, car aucun extr�misme, m�me religieux, n�est h�r�ditaire ni le produit d�une g�n�ration spontan�e. On ne na�t pas extr�miste, on le devient, et il est important d�en conna�tre la cause ou les causes.

Aucune religion ne peut, sans offenser Dieu, le capter, voire le capturer pour le mettre dans son camp contre un autre. Si certains pr�sentent aujourd�hui le visage crisp� de l�extr�misme, ce n�est pas seulement � la suite d�une lecture fondamentaliste d��crits religieux mais aussi par une sorte d�autod�fense contre les menaces d�une soci�t� qui �vacuerait la dimensions religieuse, celle qui donne un sens � la vie humaine? Il s�agit pour l�homme religieux d�apprendre � penser l�absolu de Dieu dont il se r�clame l�gitimement comme un absolu relationnel et non comme un absolu d�exclusion ou d�inclusion. Le respect pl�nier de l�autre va plus loin qu�une simple tol�rance rendue in�vitable par la vari�t� des croyances.

L�extr�misme trouve aujourd�hui son meilleur terrain dans les in�galit�s flagrantes et les nationalismes exacerb�s qui viennent pervertir la vision unitive de toute la famille humaine. Qui se sent mordu, bless� dans sa dignit� et jusque dans son identit� fonci�re se met � aboyer plus qu�� appeler au secours. La peur animalise l�homme et le rend irrationnel, l�entra�ne vers les gestes d�mentiels du terrorisme , qui est le r�gne illimit� de la peur, le triomphe supr�me du d�sespoir. Le terrorisme na�t d�une soci�t� oppress�e devenue oppressante.

J�ai beaucoup r�fl�chi ces temps-ci aux rapports islamo-chr�tiens. Je les ai toujours consid�r� tr�s complexes, non seulement de par le poids de l�histoire sur nos mentalit�s mais surtout de par la nature m~me des deux religions plus diff�rentes qu�on ne le dit habituellement. Par respect, ou plut�t par incomp�tence sur les d�bats internes que traverse l�Islam si un et si divers � la fois face aux d�fis contemporains, je voudrais assurer les musulmans, fils d�Abraham comme moi, de mes efforts constants pour comprendre leur foi et pour leur proposer au nom de mon Eglise le programme commun trac� par le Concile Vatican Il:�prot�ger et promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la libert� � (Nostra Aetate n. 3).Faute de temps, je ne retiens ici que le dernier th�me indiqu�, celui de la libert�. Il est sans nul doute le plus lourd � porter sur nos �paules quand on sait � quel point not�e foi commune (et en particulier la foi musulmane qui se d�finit ainsi) est faite d�une totale soumission � Dieu. J�y vois l�, au contraire, le vrai ressort en faveur de la libert� humaine jusque dans sa dimension religieuse. La libert� n�est pas le privil�ge de certains peuples, elle est le patrimoine d� tous les peuples mais nul ne peut y acc�der, pas plus en Occident qu�en Orient, si ce n�est par le recours � une ma�trise int�rieure et une asc�se morale. On ne donne pas la libert� aux hommes de l�ext�rieur, ni m�me � coup de constitutions d�mocratiques si n�cessaires soient elies. Et c�est ici que chr�tiens et musulmans doivent rassembler toutes leurs �nergies spirituelles pour �duquer tous les hommes � vivre dans la libert� de leur propre foi et de leur conscience d�homme.

Mais le dialogue islamo-chr�tien ne saurait se faire sur le dos du dialogue avec les juifs, ces autres fils qui se r�clament du m�me P�re des croyants. Et au del� de ce cercle ternaire, je dirais de ce dan abrahamique, c�est un charisme de la communaut� Sant'Egidio qui nous accueille d��largir notre regard � toutes les religions et � toutes les cultures pour embrasser d�un m�me regard l�immense famille humaine o� tous sont �gaux et �galement aim�s de Dieu �cl�ment et rnis�ricordieux� selon l�expression coranique.

Je dois m�arr�ter, non sans faire un d�tour oblig� par J�rusalem, ce lieu unique et universel � la fois, o� �tout l�homme est n� comme le chante un psaume (ps. 87). J�rusalem est le test d�une paix vraie et durable non seulement pour le Proche Orient mais pour le monde entier et tous les fils d�Abraham doivent prouver qu�ils sont capables de vivre ensemble en paix dans ses murs et de l�ouvrir ainsi � toutes les caravanes humaines. Tache passionnante qui fait appel � beaucoup d�imagination, d�audace et surtout de foi, de conversion des esprits et des c�urs. Il faut y croire. Pour ma part, accompagnant le Pape Jean-Paul 11 dans son p�lerinage en Terre Sainte, je garde en esprit l�image la plus forte que nul ne pouvait esp�rer, celle du jour o�, comme dans un fondu encha�n�, le Pape passa sans transition de l�Esplanade des Mosqu�es� au �Mur des Lamentations �, puis au �Saint S�pulcre �, signifiant ainsi que J�rusalem est le lieu o� chacun doit se d�gager de toute souverainet� terrestre, se d�v�tir de ses all�geances humaines pour �tre tout entier � Dieu.

Que cette vision, r�elle et non imaginaire, rassasie nos yeux tous les jours et soutienne, dans une ferme esp�rance, nos efforts obstin�s pour rapprocher 1�Orient et l�Occident, le v�ritable Orient et le v�ritable Occident tous deux marqu�s par le �Soleil de Justice� qu�est notre Dieu.