Cornelio Sommaruga
Pr�sident de la Fondation Caux, Suisse
Gr�ssGott ! Lorsque mes amis de la Communaut� de Sant�Egidio m�ont invit� � prendre la pr�sidence et mod�ration de cette table ronde consacr�e � l�autocritique des religions, je me suis dit que c��tait une mission redoutable, car, bien que critique de nature, aussi par rapport � ma propre religion, je n�avais pas de l�gitimit� et de base th�ologique pour le faire. Je me limiterai donc pour ma part � poser un certain nombre de questions, d�autant plus que les insignes personnalit�s � mes c�t�s sont des hautes autorit�s, religieuses et la�ques, repr�sentant les trois grandes religions abrahamiques. Je les pr�senterai lorsqu�elles prendront la parole. Aujourd�hui, nous ne devons pas n�gliger le fait que la rencontre de Sant�Egidio de cette ann�e se d�roule sous le titre g�n�ral � entre guerre et paix : religions et cultures se rencontrent�. Le th�me est donc donn� pour notre table ronde aussi : l�autocritique aux religions ne devrait-elle pas porter sur l�analyse des tensions interreligieuses toujours bien pr�sentes dans d�innombrables conflits � travers le monde o� r�gnent l�intol�rance, la discrimination, l�oppression, la terreur et la violence ? Reconnaissons le, de nombreuses personnes la�ques, mais parfois aussi religieuses, accusent la religion d�encourager, ou tout au moins d�approuver, de telles violences et injustices. Dans mon activit� professionnelle, j�ai eu la chance, mais aussi la redoutable mission, de pr�sider pendant 13 ans jusqu�� fin 1999 le Comit� international de la Croix-Rouge. J�en ai tir� la conviction de l�exigence de faire plus, beaucoup plus, pour pr�venir les conflits. Avec des coll�gues hauts responsables d�organisations internationales � vocation humanitaire et les chefs des communaut�s religieuses pr�sentes � Gen�ve � non seulement de foi abrahamique � nous avons formul� et lanc� l�Appel spirituel de Gen�ve, lors de la journ�e des Nations Unies le 24 octobre 1999, dans la cath�drale St-Pierre � Gen�ve. Cet Appel, relanc� le 11 septembre 2002 et renouvel� au printemps 2003, le jour du d�clenchement des hostilit�s en Iraq, contient des expressions fortes qu�il vaut la peine de rappeler aussi dans ce contexte. � Parce que nos religions, ou nos convictions personnelles ont en commun le respect de la dignit� de la personne humaine. Parce que nos religions, ou nos convictions personnelles ont en commun le refus de la haine et de la violence. Parce que nos religions, ou nos convictions personnelles ont en commun l�espoir d�un monde meilleur et juste. Nous, repr�sentants de communaut�s religieuses et repr�sentants de la soci�t� civile, demandons aux d�cideurs plan�taires, quel que soit leur champ d�activit�, de respecter de mani�re absolue les trois pr�ceptes suivants : 1.Ne pas invoquer une force religieuse ou spirituelle pour justifier la violence, quelle qu�elle soit ; 2.Ne pas se r�f�rer � une force religieuse ou spirituelle pour justifier toute discrimination et exclusion ; 3.Ne pas user de sa force, de sa capacit� intellectuelle ou spirituelle, de sa richesse ou de son statut social, pour exploiter ou dominer l�autre � Voici donc ma premi�re question : les religions de tradition et descendance abrahamiques peuvent-elles vraiment souscrire � ces principes et les mettre en �uvre ? Les Nations Unies ont souvent lanc� des appels pour mettre fin au racisme, � la discrimination, � l�intol�rance et � la violence, appels qui tendent � reconna�tre que le facteur religieux et spirituel doit non seulement �tre prot�g� en termes de droits humains fondamentaux, protection due � la libert� de religion ou de croyance, mais que les religions elles-m�mes ont un r�le � jouer. Ma deuxi�me question va donc vers les responsables religieux pour leur demander si les droits qu�ils revendiquent pour eux-m�mes ont �t� accompagn�s du souci d�assurer ces m�mes droits aux autres. Sont-ils pr�ts � exercer la tol�rance, au sens actif, du respect du droit � la diff�rence et � la diversit� ? Qu�en est-il de l��ducation religieuse, transmise dans un esprit d�ouverture et de tol�rance ? Pourquoi les religions � c�est une troisi�me question � font-elles de la promotion institutionnelle, plut�t que de donner la priorit� � la foi ? Pourquoi les �glises tendent-elles � proposer l�exclusivit� de la propre v�rit� et excluent par cela leur propre impartialit� dans la m�diation ? Chaque religion porte en elle la promesse de la paix et se pr�occupe d�anticiper sur l�au-del� pour essayer de la construire ici-bas. Ne faut-il pas � c�est ma quatri�me question- alors s�efforcer de d�passer les divergences entre elles pour mettre l�accent sur ce qui les unit ? Cette recherche de dialogue et de convergence est certes l�objet noble de cette rencontre de Aix la Chapelle de Sant�Egidio : les religions et confessions ici pr�sentes sont-elles pr�tes � faire en sorte que les bons propos de ce dialogue interreligieux et interculturel soient s�rieusement mis en �uvre dans leurs propres communaut�s ? Dans le monde de violence que nous connaissons, les religions font parfois des pas pour surmonter en commun conflits, m�fiance, rivalit�s et ignorance. Cette dynamique est g�n�ralement timide et parall�lement de nombreuses confessions religieuses sont gagn�es par l�intransigeance et font face � un extr�misme croissant. La r�gle d�or proclam�e par toutes les religions : � ne fais pas aux autres ce que tu n�aimerais pas qu�on te fasse �, ne devrait-elle pas � c�est ma cinqui�me question � �tre diffus�e avec plus de courage et de force pour que tout le monde l�applique dans sa propre vie ? Apr�s toutes ces questions, j�aimerais dire que je pr�f�re conjuguer religion et paix, plut�t que religion et guerre. L�affirmation de Jean-Paul II � Ankara, en 1979, me donne en ce sens confiance et espoir : � La foi en Dieu que professent les descendants spirituels d�Abraham � juifs, chr�tiens et musulmans � quand elle est v�cue sinc�rement et qu�elle p�n�tre la vie, est un fondement assur� de la dignit� et de la libert� de l�homme, ainsi qu�un principe de rectitude pour la conduite morale et la vie en soci�t�. � Le moment est venu de laisser la parole aux participants de la table ronde.
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