Mario Soares
Ancien Pr�sident de la R�publique du Portugal
1. Parmi les grands d�fis de notre temps, je place sans h�siter les attentats que les hommes (et nos civilisations dites d�velopp�es) sont inconsciemment en train de pratiquer contre la Nature, mettant en cause les �quilibres �cologiques de la Plan�te et, mena�ant ainsi, la survie des esp�ces � humaine, animale et v�g�tale. 2. Il s�agit d�un d�fi global � parce qu�aucun Etat, pour plus puissant qu�il soit, ne peut le r�soudre tout seul, � l�int�rieur de ses fronti�res. Un d�fi qui oblige les Etats membres des Nations unies au devoir �thique de lui confier le mandat � et les moyens � de sa r�solution. Mais les �go�smes nationaux et les int�r�ts mat�riels inavouables, ont emp�ch� qu�il en soit ainsi, comme cela s�est pass� au cours des r�unions si frustrantes de Kyoto et de Johannesburg. 3. Lors de la r�union de Rio de Janeiro, en 1992, dont l�Agenda 21 a �t� souscrite par 130 Chefs d�Etat, on a lanc� le concept de d�veloppement durable, c�est-�-dire que le d�veloppement de l��conomie ne suffit pas; mais que le d�veloppement a une dimension sociale et �cologique qui ne doit pas �tre oubli�e. M�me si ce concept rel�ve du simple bon sens, il n�a pas �t� possible de l�appliquer �tant donn� qu�il porte atteinte aux int�r�ts mercantiles des soci�t�s actuelles. 4. La globalisation d�r�gul�e et sans valeurs �thiques, la secondarisation des Nations unies et de ses Agences sp�cialis�es, l��mergence d�une seule puissance h�g�monique, avec une ambition imp�riale, la mercantilisation des soci�t�s, dont l�argent est la valeur supr�me, sont quelques-uns des facteurs responsables de l�absence d�avanc�es dans la d�fense des �quilibres �cologiques de la Plan�te. Or, les �tudes existent, les mesures � appliquer sont connues et il y a une prise de conscience croissante dans l�opinion publique mondiale de la gravit� de la situation qui s�annonce, stimul�e par les ONGS environnementales. Mais en r�alit�, les �seigneurs de la guerre�, continuent d�attiser des conflits, les �seigneurs de l�argent� sont beaucoup plus puissants que les politiciens dans les soci�t�s m�diatis�es qui sont les n�tres, et les �seigneurs de la technologie�, avec une vision �troite et imm�diatiste, continuent de mettre en p�ril les ressources naturelles de la Plan�te. 5. Les questions sont globales et si nous enqu�tons s�rieusement nous d�couvrons les m�mes causes: la recherche du profit pour le profit sans autres crit�res. L��conomisme mercantile. 6. Le trou dans la couche d�ozone qui est la cause du r�chauffement excessif de la terre et qui est responsable des changements climatiques de ces derni�res ann�es; la destruction progressive des for�ts et la croissante d�sertification de grandes zones de la Terre; les d�potoirs que sont en train de devenir les Oc�ans, avec la menace de mise en cause de leur autor�g�n�ration; la pollution des r�seaux hydrographiques, le d�sordre urbain c�tier; les pluies acides, etc � sont quelques-uns des plus grands attentats contre la Nature auxquels nous assistons avec une pr�occupation croissante. 7. Un des produits naturels essentiels � la vie � non seulement � l�homme mais aussi � toutes les esp�ces � c�est l�eau. L�eau a toujours �t� consid�r�e un bien commun illimit�, m�me si depuis les temps les plus recul�s sa distribution et sa r�gulation aient donn� lieu � d�innombrables conflits. Aujourd�hui, l�eau, on le sait, est un bien rare et certains veulent la traiter comme s�il s�agissait d�une marchandise, en oubliant que l�eau est source de vie et que par cons�quent, elle constitue un Droit Humain fondamental. 8. De grandes multinationales ont commenc� � s�int�resser � la mercantilisation de l�eau, en consid�rant que, du fait de sa raret�, c�est un produit qui, au cours de ce si�cle deviendra un bien aussi pr�cieux que le p�trole. Ce qui fait que de fortes pressions s�exercent sur les gouvernements et le pouvoir local en vue de la privatisation de l�eau. 9. Comme Pr�sident du Contrat Mondial de l�Eau consid�r� comme indispensable par le Groupe de Lisbonne, la Fondation Gulbenkian, dont Riccardo Petrella � professeur � l�Universit� de Louvain � est le grand animateur, nous avons lanc� Le Manifeste de l�Eau qui part du principe que l�eau n�est pas une � res nullius �, parce qu�elle est un bien commun qui appartient � tous les habitants de la terre. Ce Manifeste a deux finalit�s, la premi�re, l�acc�s de base � l�eau pour tous et sa gestion solidaire et durable qui implique des devoirs de solidarit�, de coh�rence pour ne pas mettre en cause les libert�s et les droits des g�n�rations futures et la deuxi�me, la protection et le respect de l��cosyst�me Terre. 10. L�objectif du Manifeste est de faire reconna�tre que l�eau est un bien commun, patrimoine mondial de l�Humanit�, parce qu�elle est source de vie et une ressource fondamentale pour le d�veloppement durable de l��cosyst�me Terre. 11. Il importe donc de faire prendre conscience � tous les �tres humains, qu�il est n�cessaire d�avoir une politique mondiale de l�eau. Non pas en pensant aux int�r�ts priv�s mais au bien commun de l�Humanit�. L�eau potable est aujourd�hui, d�j�, inaccessible � un nombre consid�rable de personnes: plus de 1,4 milliards. Par ailleurs plus de 2 milliards ne b�n�ficient d�aucun syst�me sanitaire, ni de purification, ni de recyclage des eaux us�es. La Conf�rence de l�Unesco sur le th�me �Ressources en Eau du Monde au d�but du XXI�me si�cle�, estime que, si la tendance n�est pas invers�e, le nombre d��tres humains qui n�auront pas acc�s � de l�eau potable en 2025 s��l�vera � 4 milliards, � ce moment-l�, la moiti� de la population mondiale. L�eau est donc une question centrale de notre temps et c�est pour cette raison qu�elle ne peut pas �tre � la merci de la cupidit� des int�r�ts priv�s.
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