Comunità di S.Egidio


 

15/11/2007

�Quelque chose de fasciste et de r�pugnant...�
Italie : la chasse aux Roumains
Depuis que l'assassinat d'une femme de 47 ans a �t� imput� � un jeune Roumain d'origine tsigane, l'Italie est en proie � une vague de x�nophobie sans pr�c�dent

 

Il ne reste plus que des v�tements d�tremp�s, des planches pourries, des chiffons et des bouteilles vides : le minibidonville de Tordi Quinto, � Rome, a �t� ras� deux jours apr�s l'assassinat, le 30 octobre, de Giovanna Reggiani, 47 ans, �pouse d'un officier de marine. Dans ce campement vivaient une cinquantaine de Roms, parmi lesquels le jeune assassin de Giovanna, dont le geste meurtrier a d�clenche une vague x�nophobe sans pr�c�dent en Italie.

�Ce qui me frappe le plus, explique Paolo Ciani, de la Communaut� de Sant'Egidio, en pi�tinant ces pauvres d�bris, c'est que la premi�re et la seule manifestation des institutions � l'�gard des Roms aura �t� l'arriv�e des bulldozers. Pas une assistante sociale. M�me pas un flic. Les bulldozers.� Ciani, qui est responsable du travail avec les migrants, raconte que d'autres �vacuations ont eu lieu dans la p�riph�rie de la capitale, toutes exp�ditives et silencieuses et toutes sans aucun relogement.

La Communaut� la�que de Sant'Egidio, tr�s puissante et tr�s active dans la Ville �ternelle, essaie donc de suppl�er les carences des institutions pour les quelque 6 000 romanichels, pour la plupart roumains, essaimes dans des baraques le long du Tibre. Ainsi que pour les 250 000 migrants venus de Bucarest ces derni�res ann�es. Mais elle se heurte � un incroyable silence, une omerta complice de la population, qui � 81%, d'apr�s les sondages, dit �Basta les Roms !�, confondant d'ailleurs all�grement romanichels et Roumains. �Les habitants de Rome criminalisent en choeur les baraccati [ceux qui vivent dans les baraques] , rel�ve Mario Marazziti, un des fondateurs de la Communaut� de Sant'Egidio. C'est incroyable si l'on se souvient que, dans les ann�es 1 970, plus de 70 000 Romains vivaient dans ces conditions. Des parias que l'on retrouve dans les livres et les films de Pasolini.�

A l'intention de ces citoyens � la m�moire courte, Marazziti s'est fendu d'un �dito sanglant dans le �Corriere d�lia Sera� : �Roms, Roumains, Romains... une m�me racine.� Mais, malgr� leur g�n�rosit�, ceux de Sant'Egidio ne sont pas encore parvenus � renverser le courant. A droite comme � gauche, une vague de r�actions visc�rales a submerg� les esprits. On ne raisonne plus, on hurle son allergie aux immigr�s. Et on cogne � l'occasion. Les coups viennent surtout de l'extr�me-droite. Le 2 novembre, � Torre Angela, dans la p�riph�rie de la capitale, quatre Roumains qui sortaient d'un supermarch� sont tabass�s par des �nergum�nes � la t�te ras�e. Le 3, au Ponte Mlvio, pr�s de Rome, une centaine de �naziskins� d�filent avec leurs croix celtiques et leurs slogans : �Rumenifuori !� (�Dehors les Roumains !�) et �l'Italie aux Italiens !� Le quotidien berlusconien �Il Giornale� titre alors : �Les Romains r�agissent avec leurs couteaux et leurs b�tons contre les Roumains.� Le 5, un cocktail molotov est lanc� contre une �picerie roumaine � Monterotondo, dans les faubourgs de Rome. Le 7, une manif de la Ligue du Nord devant le Palazzo Chigi, si�ge de la pr�sidence du gouvernement, demande �une Italie lib�r�e des Roms, des tsiganes et des Roumains criminels�. Le 8, une Roumaine est trouv�e morte br�l�e dans sa baraque � Mlan : crime x�nophobe ? En fait, les 160 000 Roms qui vivent en Italie ainsi que les 550 000 Roumains qui y ont un travail r�gulier sont devenus d'un coup des boucs �missaires. M�me pour le monde politique.

Gianfranco Fini, leader d'Alleanza Nazionale, qui a pourtant tout fait pour se lib�rer de son pass� fasciste, est p�remptoire : �Les Roms ne sont pas int�grables.� A gauche aussi, on r�agit mal. Un d�put� de Rifondazione Comunista d�clare ing�nument : �Les camps de Roms sont dans les p�riph�ries o� vivent nos �lecteurs. Pas dans les quartiers chics. Notre �lectoral est fatigu� de l'immigration.� Le gouvernement Prodi suit le mouvement en prenant un d�cret-loi qui, dans sa premi�re version - elle sera corrig�e par la suite -, laisse la porte ouverte aux expulsions massives de citoyens communautaires pour des �motifs de s�curit� publique�. En r�alit�, il n'y aura eu en quinze jours que vingt-sept expulsions effectives, mais un ton a �t� donn�, et un climat, l�gitim� : l'ex�cutif a prouv� qu'il prenait en charge le besoin de s�curit� des citoyens.

Il y a quelque chose �de fasciste et de r�pugnant dans ces r�actions�, r�plique Rossana Rossanda dans �Il Manifeste�. Et le �Corriere d�lia Sera� publie une caricature f�roce qui montre Prodi, Veltroni, Berlusconi, Fini et Bossi d�filant bras dessus, bras dessous au cri de �Fuori i Rumeni� sous le titre : �La marche sur... Rom.� Quant au cardinal Carlo Maria Martini, il interroge publiquement : �Sommes-nous devenus racistes ?� C'est un fait que la x�nophobie prend racine en Europe. En Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique. En Italie, pays tol�rant par tradition, c'est un ph�nom�ne nouveau. Inqui�tant

Marcelle Padovani