« L'amour pour la vie rend expert en humanité. » La formule est de Mario Giro qui a reçu, vendredi, à Paris (1) le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits. Inconnu du grand public, discret et modeste, cet Italien de 52 ans dirige les relations internationales de la communauté catholique Sant'Egidio (2).
L'amour contre la guerre, l'estime et la courtoisie contre les fusils. La naïveté du propos ferait sourire si elle ne témoignait du pouvoir des mots. Les chefs de guerre écoutent cet idéaliste lucide qui leur offre son amitié désintéressée. Il ne juge pas, il ne condamne pas, il aime et il écoute. « C'est l'amitié à l'oeuvre », résume Michel Camdessus, ancien patron du FMI, l'un des experts du jury qui ont distingué Mario Giro. C'est en effet l'amour du prochain qui est à la manoeuvre avec l'action de cet homme de bonne volonté qui se mêle de ce qui nous regarde tous : la paix à préserver ou à retrouver.
Algérie, Albanie, Burundi, Kosovo, Liberia, Soudan, Côte d'Ivoire, Guinée, Niger. La liste est longue de ces théâtres de guerre oùMario Giro a joué pendant des années le rôle d'un diplomate informel, à mains nues mais le coeur armé dune conviction forgée dans le fer de sa foi : « La paix est toujours possible. » Avec des résultats qui sont ces jours-ci d'actualité en Afrique de l'Ouest où la démocratie paisible franchit quelques pas... Qu'a-t-il donc fait Mario Giro ? Il a ramené le dialogue chez ceux qui avaient juré de s'ignorer. Il ne défend pas les intérêts d'un camp. Il rappelle seulement à chacun qu'il est un homme, une part d'humanité. Et que ce sont de simples hommes qui prennent la décision d'engager des guerres. Et ce qu'un homme fait, il peut le défaire. L'harmonie universelle n'est pas un fantasme vain. Elle est en chacun de nous.
L'empathique Mario Giro n'est pas seul. Il est la voix de Sant'Egidio (2), association formée de laïcs, qui pratiquent un service volontaire auprès des enfants des rues, des malades du sida, des personnes âgées, des sans-abris, des handicapés, des prisonniers, des condamnés à mort, tous les malmenés de l'existence, tous les exclus de la santé sociale. L'amitié avec les pauvres, voilà l'école de la relation à l'autre qui a formé la bonté de Mario Giro qui invite chacun à pratiquer la gratuité et le désintéressement : « Le monde a besoin de cette force morale pour cultiver le génie du vivre ensemble. » Écoutons-le donc. Ce message a besoin d'être à l'oeuvre dans les banlieues marquées par la violence diffuse, dans les relations entre les religions et les cultures qui doivent s'enrichir mutuellement plutôt que se combattre, dans la lutte contre la pauvreté du Sud sans quoi le Nord ne connaîtra pas la paix.
(1) La cérémonie avait pour cadre le Musée du Quai Branly qui témoigne de l'égale dignité des cultures et des hommes.
(2) Sant'Egidio, mouvement de laïcs, créé à Rome en 1968 après le concile Vatican 2, compte 50 000 membres dans 70 pays.
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