«Le 12 mai 2002, lorsque nous avons lancé la Coalition mondiale contre la peine de mort, à Rome, nous étions une cinquantaine. Aujourd’hui, ce quatrième congrès mondial réunit plus de 1000 participants!» se réjouit Stefano Argentino Sorino, de la Communauté de Sant’Egidio. Cette ONG italienne est l’un des membres les plus actifs de la coalition qui a largement contribué à l’abolition de la peine de mort – ou à son moratoire – dans 140 pays. A l’exception notable de l’Asie.
«L’Asie est le continent où la peine capitale est la plus pratiquée», note le militant italien. En Extrême-Orient, les seuls pays abolitionnistes sont le Cambodge, le Timor-Leste et les Philippines. La Chine détient le triste record du plus grand nombre d’exécutions au monde. Le chiffre exact est un secret d’Etat, mais Amnesty International estime qu’en 2009 il y en a eu 1400. Cependant, par rapport à la densité de la population, c’est l’Iran qui est le champion toutes catégories.»
Le combat d’une mère
Sur ce tableau noir, l’Asie centrale constitue une tâche lumineuse et insoupçonnée. Toutes les ex-républiques soviétiques ont aboli la peine capitale ou adopté un moratoire, à commencer par le Turkménistan, qui a ouvert la voie en 2000. «C’est assez étonnant, au vu de la piètre situation des droits de l’homme dans ces pays, note Argentino Sorino. Mais une femme a beaucoup contribué à cette évolution: Tamara Chikunova.»
«J’ai appris par hasard que mon fils avait été fusillé, alors que j’allais lui rendre visite à la prison de Tashkent», se souvient cette Ouzbek. C’était en 2000, la peine de mort était un secret d’Etat en Ouzbékistan et les familles des condamnés n’étaient même pas averties des exécutions.
Au lieu de se laisser abattre, Tamara Chikunova crée l’Association des mères contre la peine de mort. «Au début, personne ne soutenait mon combat, se souvient-elle, à l’exception d’Amnesty International et de Human Rights Watch. Mais depuis que j’ai rencontré Sant’Egidio, en 2002, mon engagement a pris une dimension internationale: j’ai fait des tournées, on m’a attribué des prix et cette notoriété m’a protégée.» Avec le soutien des ONG et d’ambassades européennes, elle a réussi à sauver 23 personnes du couloir de la mort, qui ont été relâchées ou condamnées à des peines plus légères. «Lorsque la peine capitale a finalement été abolie en Ouzbékistan, le 1er janvier 2008, il y avait encore 56 personnes en attente d’exécution à la prison de Tachkent », continue-t-elle.
Depuis, la bataille a été gagnée dans toute la région, mais Tamara Chikunova a encore un objectif: faire abolir la peine capitale en Biélorussie, seul Etat européen qui la pratique encore. Ailleurs, en Asie, le combat des abolitionnistes est plus difficile, tant pour des raisons politiques et culturelles qu’à cause d’une indifférence certaine de la population.
En Indonésie, ceux qui sont condamnés pour terrorisme sont les premiers à passer devant le bourreau. «En 2008, dix personnes ont été exécutées en Indonésie, nous raconte Papang Hidayat, militant de l’ONG KontraS, ce qui a fait perdre au président sa nomination pour le Prix Nobel de la paix. Trois catholiques, accusés d’être les têtes pensantes du soulèvement de Sulawesi, ont été mis à mort malgré les appels répétés du Pape. C’est que trois islamistes allaient être exécutés pour les attentats de Bali et il fallait montrer que la peine capitale n’échoit pas seulement aux musulmans.»
Agazzi Isolda
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