13/01/1995
La Plate-forme de Rome
1.
Les partis de l'opposition alg�rienne, r�unis � Rome aupr�s de la Communaut� de San Egidio, d�clarent en ce 13 janvier 1995 :
L'Alg�rie traverse aujourd'hui une �preuve tragique sans pr�c�dent.
Plus de trente ans apr�s avoir ch�rement pay� son ind�pendance, le peuple n'a pas pu voir se r�aliser les principes et tous les objectifs du 1er novembre 1954 et a vu s'�loigner progressivement tous les espoirs n�s apr�s octobre 1988.
Aujourd'hui le peuple alg�rien vit un climat de terreur jamais �gal�, aggrav� par des conditions sociales et �conomiques intol�rables. Dans cette guerre sans images : s�questrations, disparitions, assassinats, torture syst�matis�e, mutilations et repr�sailles sont devenus le lot quotidien des Alg�riennes et des Alg�riens.
Les cons�quences des �v�nements de juin 1991 et du coup d'Etat du 11 janvier 1992, l'interruption du processus �lectoral, la fermeture du champ politique, la dissolution du FIS, l'instauration de l'�tat d'urgence et les mesures r�pressives et les r�actions qu � elles ont suscit�es, ont engendr� une logique d'affrontement.
Depuis, la violence n'a cess� de s'amplifier et de s'�tendre . Les tentatives du pouvoir de cr�er des milices au sein de la population marquent une nouvelle �tape dans la politique du pire. Les risques de guerre civile sont r�els, mena�ant l'int�grit� physique du peuple, l'unit� du pays et la souverainet� nationale.
L'urgence d'une solution globale, politique et �quitable s'impose afin d'ouvrir d'autres perspectives � une population qui aspire � la paix et � la l�gitimit� populaire.
Le pouvoir n'a initi� que de faux dialogues qui ont servi de paravents � des d�cisions unilat�rales et � la politique du fait accompli.
Une v�ritable n�gociation reste l'unique moyen de parvenir � une issue pacifique et d�mocratique.
A- Cadre : valeurs et principes
Les participants s'engagent sur la base d'un contrat national dont les principes sont les suivants et sans l'acceptation desquels aucune n�gociation ne serait viable :
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La d�claration du 1er novembre 1954 : "la restauration de l'Etat alg�rien souverain d�mocratique et social dans le cadre des principes de l'islam ( art 1)";
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le rejet de la violence pour acc�der ou se maintenir au pouvoir ;
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le rejet de toute dictature quelle que soit sa nature ou sa forme et le droit du peuple � d�fendre ses institutions �lues ;
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le respect et la promotion des droits de la personne humaine tels qu'�nonc�s par la D�claration universelle, les pactes internationaux sur les droits de l�homme, la Convention internationale contre la torture et consacr� par les textes l�gaux ;
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le respect de l'alternance politique � travers le suffrage universel ;
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le respect de la l�gitimit� populaire. Les institutions librement �lues ne peuvent �tre remises en cause que par la volont� populaire ;
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la primaut� de la loi l�gitime ;
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la garantie des libert�s fondamentales, individuelles et collectives quelles que soit la race, le sexe, la confession et la langue;
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la cons�cration du multipartisme ;
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la non implication de l'arm�e dans les affaires politiques. Le retour � ses attributions constitutionnelles de sauvegarde de l'unit� et de l'indivisibilit� du territoire national ;
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les �l�ments constitutifs de la personnalit� alg�rienne sont l'islam, l'arabit� et l'amazighit� *; la culture et les deux langues concourant au d�veloppement de cette personnalit� doivent trouver dans ce cadre unificateur leur place et leur promotion institutionnelle, sans exclusion ni marginalisation ;
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la s�paration des pouvoirs l�gislatif ex�cutif, et judiciaire ;
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la libert� et le respect des confessions.
B- Mesures devant pr�c�der les n�gociations
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La lib�ration effective des responsables du FIS et de tous les d�tenus politiques. Assurer aux dirigeants du FIS tous les moyens et garanties n�cessaires leur permettant de se r�unir librement entre eux et avec tous ceux dont il jugent la participation n�cessaire � la prise de d�cisions
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L'ouverture du champ politique et m�diatique. L'annulation de la d�cision de dissolution de FIS. Le plein r�tablissement des activit�s de tous les partis.
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La lev�e des mesures d'interdiction et de suspension des journaux des �crits et des livres, prises en application du dispositif d'exception.
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La cessation imm�diate, effective et v�rifiable de la pratique de la torture.
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L'arr�t des ex�cutions des peines capitales, des ex�cutions extrajudiciaires et des repr�sailles contre la population civile.
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La condamnation et l'appel � la cessation des exactions et des attentats contre les civils, les �trangers et la destruction des biens publics.
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La constitution d'une commission ind�pendante pour enqu�ter sur ces actes de violences et les graves violations des Droits de l'homme.
C- R�tablissement de la paix
Une dynamique nouvelle pour la paix implique un processus graduel, simultan� et n�goci� comprenant :
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d'une part, des mesures de d�tente r�elle : fermeture des camps de s�ret�, lev�e de l'�tat d'urgence et abrogation du dispositif d'exception ;
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et d'autre part, un appel urgent et sans ambigu�t� pour l'arr�t des affrontements. Les Alg�riennes et les Alg�riens aspirent au retour de la paix civile. Les modalit�s d'application de cet engagement seront d�termin�es par les deux parties en conflit avec la participation active des autres partis repr�sentatifs.
Cette dynamique exige la participation pleine et enti�re des forces politiques repr�sentatives et pacifiques. Celle-ci sont en mesure de contribuer au succ�s du processus en cours et assure l'adh�sion de la population.
D- Le retour � la l�galit� constitutionnelle
Les partis s'engagent � respecter la Constitution du 23 f�vrier 1989. Son amendement ne peut se faire que par les voies constitutionnelles.
E- Le retour � la souverainet� populaire
Les
parties prenantes aux n�gociations doivent d�finir une l�galit�
transitoire pour la mise en oeuvre et la surveillance des accords. Pour
cela, elles doivent mettre en place une Conf�rence nationale dot�e de
comp�tences r�elles, compos�e du pouvoir effectif et des forces
politiques repr�sentatives.
Cette
Conf�rence d�finira :
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les structures transitoires, les modalit�s et la dur�e d'une p�riode de transition, la plus courte possible devant aboutir � des �lections libres et pluralistes qui permettent au peuple le plein exercice de sa souverainet� ;
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la libert� de l'information, le libre acc�s aux m�dias et les conditions du libre choix du peuple doivent �tre assur�s ;
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le respect des r�sultats de ce choix doit �tre garanti.
F- Garanties
Toutes les parties prenantes � la n�gociation sont en droit d'obtenir des garanties mutuelles.
Les partis, tout en gardant leur autonomie de d�cision :
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s'opposent � toute ing�rence dans les affaires internes de l'Alg�rie ;
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d�noncent l'internationalisation de fait qui est le r�sultat de la politique d'affrontement men�e par le pouvoir ;
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demeurent convaincus que la solution de la crise ne peut �tre que l'oeuvre exclusive des Alg�riens et doit concr�tiser en Alg�rie ;
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s'engagent � mener une campagne d'information aupr�s de la communaut� internationale pour faire conna�tre l'initiative de cette plate-forme et lui assurer un soutien ;
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d�cident de lancer une p�tition internationale pour appuyer l'exigence d'une solution politique et pacifique en Alg�rie ;
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appellent la communaut� internationale � une solidarit� agissante avec le peuple alg�rien ;
d�cident de maintenir les contacts entre eux en vue d'une consultation et d'une concertation permanentes.
Pour
la LADDH : Abdennour Ali Yahyia
Pour le FLN : Abdelhamid Mehri
Pour le FFS : Hocine A�t Ahmed ; Ahmed Djeddai
Pour le FIS : Rabah Kebir ; Anwar Haddam
Pour le PT : Louisa Hanoune
Pour le MDA : Ahmed Ben Bella ; Khaled Bensmain
Pour Ennahda : Abdallah Jaballah
Pour le JMC : Ahmed Ben Mouhammed
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