« Il faut éviter de toutes ses forces de se laisser entraîner dans la terrible spirale de la haine, de la violence et de la guerre. Le voisin ne doit pas en venir à lutter contre son voisin en raison de son appartenance à une autre religion ou à une autre ethnie. Jamais plus sur cette terre ! Jamais plus nulle part dans le monde ! », peut-on lire dans ce texte, paraphé à l’issue d’une émouvante cérémonie qui s’est déroulée dans le cocon d’une place de la vieille ville de Sarajevo, enveloppée par la nuit tombante.
Se rapprocher « en profondeur »
En écho au thème « Vivre ensemble, c’est le futur » qui a rassemblé plus de 2000 participants dans l’ancienne ville martyre, encore marquée par les stigmates d’un conflit de plus de trois ans, entre 1992 et 1995, les signataires écrivent : « Nous nous sommes demandés : est-ce que vivre ensemble entre personnes de religions ou d’ethnies différentes porte en son sein les germes de la haine et de la violence ? Non. Il ne doit pas en être ainsi. Même si, malheureusement, trop de pays souffrent à cause de la violence, de la guerre, de l’insécurité. À notre époque, de plus en plus de gens différents se rapprochent, dépassant les distances géographiques. Mais cela ne suffit pas. Il faut se rapprocher en profondeur. Il faut le faire spirituellement malgré la différence des religions. »
« Nous sommes différents. Mais notre conviction unanime est celle-ci : vivre ensemble entre gens différents est possible et fructueux partout dans le monde. Cela est possible à Sarajevo et partout. Il faut préparer l’avenir de manière responsable. Sur ce point, les religions ont une grande responsabilité. Ces jours-ci, à Sarajevo, nous avons vécu la grâce du dialogue et vu comment construire l’avenir ! » , est-il encore indiqué dans cet appel à la paix.
L’appel énergique du cardinal Etchegaray
Grand promoteur de la rencontre interreligieuse d’Assise, voulue par le pape Jean-Paul II en 1986 et dont les rencontres internationales de la communauté San’t Egidio perpétuent chaque année l’esprit, le cardinal Roger Etchegaray ne pouvait que saluer la force symbolique du rassemblement de Sarajevo.
Avec une énergie et un enthousiasme que n’émoussent pas ses (presque) 90 ans, l’ancien président des conseils pontificaux « Justice et paix » et « Cor Unum » s’est adressé directement à Saravejo, dans laquelle il se rendit à de très nombreuses reprises à l’époque où ses fonctions vaticanes le conduisaient à mener des missions diplomatiques.
« Sarajevo, je te dis aujourd’hui : courage ! Courage ! Réapprends à vivre ensemble, à vous regarder sans parti pris comme si chacun était tout neuf, tout frais. Courage pour rendre cette terre habitable par les hommes – il faut le croire coûte que coûte – qui sont frères et également aimés du même Père de la famille humaine », a lancé le cardinal, en s’adressant à la fois au parterre de personnalités religieuses assises derrière lui et à la foule recueillie installée sur la place.
« Sarajevo, toi qui es justement si fière de ton passé pétri de tolérance religieuse et d’échanges culturels, redeviens pleinement ce que tu es au service de tous les peuples et de toutes les religions. »
« Sarajevo, donne la main à ton voisin quel qu’il soit »
« Sarajevo, Sarajevo, je te le dis : Dieu jugera l’humanité sur ce qui se passe sous tes yeux. Sarajevo, je te le demande, donne la main à ton voisin quel qu’il soit et ensemble levez toutes vos mains unies vers Dieu » , s’est écrié Mgr Etchegaray en invitant l’assistance à se donner la main.
Ce ne fut pas le seul geste symbolique d’une soirée émouvante, dans laquelle la jeune génération tint un rôle prépondérant, comme si les adultes les prenaient à témoins de leurs promesses de coexistence pacifique.
Avec une force qui ne semble jamais s’amoindrir, Andrea Riccardi, le fondateur de la communauté San’t Egidio, a redit sa conviction que l’avenir de l’humanité passe par le dialogue.
L’an prochain, c’est à Rome, berceau de San’t Egidio, que les religions auront rendez-vous. Elles s’y retrouveront pour dialoguer et prier, comme elles l’ont fait une nouvelle fois cette année.
À 17 heures, ce mardi 11 septembre, la soirée inaugurale s’était ouverte par une prière dans différents endroits de la ville, offrant à chacune religion le loisir d’exprimer sa foi.
Devant la cathédrale de Sarajevo, catholiques, orthodoxes et protestants prièrent ensemble une heure et demie avant de retrouver juifs, musulmans, bouddhistes et autres shintoïstes sur la place centrale.
Bruno Bouvet (à Sarajevo)
Source : www.la-croix.com le 12 septembre 2012