Andrea Riccardi : Il y a un lien très fort entre Sarajevo et l’esprit d’Assise, une sorte d’affinité immédiate. D’une certaine manière, cette ville est le contraire de l’esprit d’Assise puisqu’elle symbolise la lutte entre communautés religieuses. Mais ce lieu de conflit et de cohabitation a justement besoin de ce souffle de paix. Ici, en voyant les cimetières, on comprend vite que l’urgence, c’est vivre ensemble, et que c’est une chance. Les guerres de religion, c’est l’exploitation des religions.
Dimanche, vous vous êtes référé à votre expérience au Rwanda en rappelant votre interrogation d’alors : comment vivre ensemble après de telles tragédies ?
Oui, au Rwanda comme au Burundi, il y a beaucoup de pays où le feu couve sous la cendre. Partout, il ne faut pas attendre le futur de façon béate mais le préparer. En pensant à la dimension éducative et au rôle créatif des religions. L’image d’Assise, c’est un exemple pédagogique pour le monde entier. Mais pour vivre ensemble, il faut découvrir les racines spirituelles de cette cohabitation. On ne vit bien ensemble que si on est égaux. Dieu a créé l’homme et la femme égaux et différents.
Justement, dix-sept ans après la fin de la guerre, il est beaucoup question à Sarajevo de discriminations entre fidèles de confessions différentes…
Question compliquée… Elle montre déjà qu’il est important que catholiques et orthodoxes soient unis ici pour éviter les risques d’homogénéisation de la population. De ce point de vue, la venue pour notre rassemblement de Irinej, le patriarche de l’Église orthodoxe serbe, a été un geste fort. Concernant les personnes qui disent souffrir de discriminations, je les écoute et les soutiens.
Est-ce que cela suffit ?
D’abord, il ne faut pas oublier les populations de Sarajevo comme beaucoup l’ont fait. C’est pourquoi je suis heureux que la rencontre de Sant’Egidio ait accueilli cette année deux grandes personnalités européennes : Mario Monti, le président du Conseil italien et Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen.
Là encore, ne peut-on pas s’interroger sur l’utilité de la présence de ces têtes d’affiche ?
Cela, je l’ai entendu des milliers de fois… Et je réponds : quel est le résultat de la prière ? Nul peut-être, mais que serait le monde sans la prière ? Le patriarche Athenagoras disait que la prière protège secrètement le monde. Il en va de même pour le dialogue.
Nos rencontres ne sont pas des vitrines, elles constituent des avancées. Ceux qui disent qu’elles sont des vitrines sont des pessimistes, de petits esprits, incapables de vision. La vision, c’est déjà une garantie pour le futur.