L'élection présidentielle, prévue le 27 juin, aurat-elle lieu ? RABIATOU SERAH DIALLO : Elle aura lieu, parce que toutes les conditions sont réunies pour cela: notre nouvelle Constitution a été révisée par des experts neutres, qui ne sont pas candidats. Depuis l'indépendance de notre pays, c'est une première. De même pour le code électoral. Les candidatures ont été validées par la Cour suprême, et la campagne a débuté. Et les moyens financiers sont là. Donc, je ne vois pas la raison qui pourrait amener à reporter ce scrutin. Si tel devait être le cas, ce serait alors comme un couteau qui exterminerait le peuple guinéen! Le peuple attend cette élection. Les 159 membres de notre Conseil sont très unis. Nous avons travaillé en un temps record. Nos représentants sillonnent actuellement le pays pour expliquer le processus électoral. Il nous faut sortir le pays de la crise, et par les élections. Un report serait extrêmement dangereux. On ne peut plus, dans notre pays, laisser un individu tailler seul une loi à sa mesure ou à la mesure de sa famille, au détriment du peuple tout entier.
Vous avez menacé de démissionner en cas de report...
Bien sûr. Car certains, qui gagnent leur vie en faisant de la politique, ne pensent pas aux plus pauvres. Et moi, je ne pourrais pas être complice d'un tel camouflage.
Comment remettre l'armée guinéenne à sa place?
La refonte de l'armée, avec l'ONU, a débuté. Pour le moment, c'est en bonne voie. Mais c'est aussi toute l'administration guinéenne qu'il faut refondre. Nous travaillons pour que la nouvelle autorité qui sera mise en place trouve un terrain déblayé. Les militaires, qui ont pris goût au pouvoir, comme les membres du gouvernement, craignent d'être à la rue, avec leurs familles, s'ils quittent le pouvoir. Il faut donc accompagner leur reconversion, récupérer les armes. Nous y réfléchissons. Par exemple, il nous faut aider à la reconversion des milliers de jeunes qui ont été massivement recrutés et formés par les militaires. Ils ne doivent pas se retrouver à la rue. Notis savons que notre pays est très fragile.
Comment intégrer les ethnies qui ne sortiront pas vainqueurs des élections?
Le pouvoir ne s'arrête pas seulement au fauteuil présidentiel. Chacun doit prendre conscience de l'état du pays. L'élection de l'un ne se fait pas au détriment des autres. Il y a du travail pour tout le monde. Nous voulons associer les religions, les jeunes, les femmes à la reconstruction du pays.
Votre pays a connu plusieurs massacres, Le dernier s'étant produit au stade de Conakry, le 28 septembre 2009. Qui va pouvoir juger les auteurs?
Une enquête nationale a été menée, mais nous ne faisons pas confiance à ses auteurs. Nous, les forces vives du pays, n'étions pas présents lors de la publication des résultats. C'est tout cela qu'il faut changer, notamment l'impunité. Les coupables doivent être punis selon les forfaits qu'ils ont commis. Ils doivent avoir le courage de demander pardon. Les fautes doivent être reconnues, et réparées. La justice doit relever ce défi. Mais la corruption, qui trouve sa source dans la pauvreté, est omniprésente. Alors que chez nous, les compétences ne manquent pas! À la suite des massacres de 2006 et 2007, il n'y a jamais eu aucune commission d'enquête. Le peuple de Guinée attend.
De quels exemples africains la Guinée pourrait-elle s'inspirer?
Le Mali, par exemple, a su gérer sa transition politique. De même le Bénin, ou encore le Ghana.
Que pensez-vous de l'apport au processus de paix de la Communauté Sant'Egidio? Celleci a annoncé la semaine dernière à Rome la signature d'un «accord politique global».
Il est très positif. Au début, les 22 membres de la mission, qui sont venus à Rome préparer cet accord, ne se parlaient pas! Après une semaine de médiation, le dialogue a pu finalement se tenir. C'est très encourageant. À leur retour à Conakry, ils avaient repris confiance. Cet acquis est très important. Nous ne devons pas baisser les bras.
Êtesvous étonnée d'être encore en vie?
À plusieurs reprises, j'ai failli mourir. Et je suis toujours en vie. Je ne crains pas le moment où Dieu viendra me prendre! Mais je n'y pense pas tous les jours...