La Liberté de Fribourg | 2 Augustus 2010 |
SORTIR LA GUINEE DE SON MARASME POLITIQUE |
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La Guinée, avec ses quelque 8 millions d'habitants, est un pays africain de l'ouest peu connu du grand public. Et pourtant, depuis plus de 50 ans, sa population a connu une série de drames ininterrompue. De 1958 à 1984, elle a été dirigée par Sékou Touré, un dictateur sanguinaire, puis par Lansana Conté, un militaire converti théoriquement à la démocratie, mais en réalité un leader autoritaire dont les Guinéens ont beaucoup souffert. Aux exactions de ces dirigeants peu scrupuleux, il faut ajouter que durant les années 80 et 90, une partie du territoire national est devenue otage des mouvements rebelles violents au Libéria et en Sierra Leone. Les guerres qui se déroulaient chez ces voisins ont conduit quelque 700'000 personnes à se réfugier dans ce pays déjà très pauvre.
La mort du Président Conté en décembre 2008 avait suscité des espoirs dans la population, mais ils ont très vite été déçus. L'armée a pris le pouvoir et a créé le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), le nouvel exécutif. Son Président, le capitaine Moussa Dadis Camara, a proclamé son intention d'assurer la transition vers un gouvernement démocratiquement élu. Ces promesses n'ont pas rassuré les Guinéens qui se sont mobilisés pour provoquer des désordres civils. Le 28 septembre 2009, une manifestation organisée par l'opposition fut mâtée dans le sang (157 morts) par les militaires et les forces de sécurité. La communauté internationale a condamné avec force ces violences et stoppé son aide à la Guinée. Le 3 décembre, un membre du CNDD a tiré sur son Président, le blessant grièvement. Evacué à l'étranger pour y être soigné, il est aujourd'hui remplacé ad interim par le Général Konaté.
La situationdu pays est quasi désespérée et bien peu d'acteurs internationaux s'engagent sérieusement pour le sortir de ce marasme, hormis la Communauté Sant'Egidio, connue pour avoir déjà mené des dialogues de paix dans plusieurs pays africains, en particulier et avec succès au Mozambique. Cette Communauté est bien implantée en Guinée où elle compte 2'000 membres dans la société civile et développe un programme de lutte contre le sida qui a déjà touché des dizaines de milliers de personnes.
Mario Giro, chargé des affaires extérieures de la Communauté Sant'Egidio, a lancé un processus de transition destiné à enfin amener ce pays vers un fonctionnement institutionnel qui respecte l'ensemble de la population. Pour ce faire, il part, entre autres, des conclusions du travail de Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso, nommé médiateur pour rétablir le dialogue politique entre les différentes composantes de la société guinéenne. A Rome, 22 représentants politiques, membres du Parlement et des diverses composantes de la société civile, ont participé tout récemment à l'élaboration d'un "Accord politique global", paraphé après trois jours d'intenses tractations. Ce document, qui devra maintenant être signé par les actuels dirigeants du pays (CNDD), fixe les mesures à prendre pour calmer les esprits après les innombrables violations commises contre la démocratie et les droits de l'homme. Les engagements prévus devraient permettre le bon déroulement des élections présidentielles du 27 juin et faire espérer un futur démocratique, libéré des entraves ethniques.
Le travail accompli à Rome est énorme et prometteur. Encore faut-il que les participants à cet effort de réconciliation réussissent à convaincre les membres du CNDD à adhérer à l'accord. Les deux grands obstacles à surmonter sont l'armée et les luttes interethniques.
Dans un monde où les relations internationales sont dominées par l'intransigeance et les antagonismes, de tels efforts de médiation sont à saluer. L'avenir des Guinéens dépend de leur succès.
Paul Grossrieder
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