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7 Septembre 2009 16:30 | Filharmonia Krakowska

Intervention



Hamidou Sall


Organisation Internationale de la Francophonie, France

... Ainsi que la santé,
seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.
Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,
Ma patrie ! Et chanter mes regrets et mes larmes

...Trainer sur les pavés de Paris pareils songes
Quand mon oreille bruit des clameurs, des mensonges
Montant de la cité, projets intempestifs,
Querelles de damnés, plaintes, regrets tardifs !

... Notre pensée hésite à prendre son essor
Et pour parler de toi, notre âme est sans ressort,
Pologne, ô notre mère !...


Ces vers me sont remontés à la mémoire à l’instant où j’ai reçu l’invitation à venir prendre part à ces assises. Ils sont d’Adam Mickiewicz, le grand romantique polonais, poète statufié et figé dans la posture de héros de la mythologie de cette terre.
Pour Mickiewicz, le grand Hugo, auteur de la Légende des siècles avait écrit : parler de Mickiewicz, c’est parler du beau, du juste et du vrai, c’est parler du droit dont il fut le soldat, du devoir dont il fut le héros, de la liberté dont il fut l’apôtre et de la délivrance dont il fut le précurseur. Banni, proscrit, vaincu, il a superbement jeté aux quatre vents l’altière revendication de la patrie.
Adam Mickiewicz fut professeur au Collège France à Paris. C’est au cours de son séjour sur les bords de Seine, à Paris, qu’il compose et publie en 1834, Pan Tadeusz, un très long poème qui est une évocation intelligente et pathétique de la patrie écrasée et humiliée.

Qui n’a pas de mémoire n’aura d’avenir. L’avenir se construit en fonction d’un passé qui nous aide et nous porte plus loin. C’est toute l’importance des enjeux mémoriels, et de le rappeler ici, à Cracovie, sur cette terre de Pologne qui connut les pires malheurs de la guerre et bien d’autres vicissitudes de la vie, est pour moi un devoir et une manière de marquer la solidarité des peuples que l’histoire a blessés.

En prenant la parole ici, dans ces assises vouées à la paix du monde et la fraternité des peuples, j’ai plaisir à transmettre le salut des peuples d’Afrique et plus particulièrement le salut amical et fraternel de ma terre sénégalaise. Il m’est donc particulièrement agréable de mêler ma petite voix, a cette polyphonie qui, depuis Assisse, la ville de Saint-François, parcourt inlassablement le monde pour y semer la bonne parole.

Merci donc à la Communauté San’ Egidio qui, dans la tyrannique limite de dix petites minutes, m’offre néanmoins l’occasion de vous entretenir d’un sujet qui ne saurait s’épuiser en dix heures.
Si j’ai commencé mon propos par la parole d’un poète d’ici, c’est également par celle d’un autre de la terre polonaise que je voudrais la terminer. Mais entre mes deux poètes polonais, je vous parlerai d’un autre poète ; un poète originaire de mon pays, un poète sénégalais qui a signé quelques-unes des plus belles pages de la littérature francophone : j’ai nommé Léopold Sédar Senghor. Et c’est au travers d’un rapide survol de son œuvre que je vous parlerai du Sénégal, et partant, de l’Afrique. Le faisant, je dirai un mot de cette Afrique à la fois porteuse d’incertitudes inédites et de nouvelles formes d’exclusion, mais une Afrique résolument ouverte à de grandes opportunités et porteuse de nouvelles chances d’épanouissement si elle sait être fidèle à son génie propre dans un monde globalisé qui ne lui fait pas que des cadeaux.
L’Afrique dont je suis originaire et dont je voudrais vous entretenir, dans la limite du temps qui m’est impartie, c’est cette terre qui pour avoir tant donné au monde, a, depuis longtemps et pour toujours, inscrit l’espoir au cœur des hommes ; une Afrique qui a multiplié l’histoire par la géographie.
La violence de l’histoire lui a arraché des centaines de millions de ses enfants l’impliquant dans la construction des Caraïbes et des Amériques avec lesquelles elle est liée par le sang  et la douloureuse mémoire de cet ignoble commerce triangulaire qu’a été la traite négrière. Elle a également connu une douloureuse trajectoire dans ses rapports avec une Europe qui, par les grandes équipées marines et la colonisation, définira les contours cartographiques de son morcellement interne. L’Afrique est le livre ouvert dans lequel se lit l’histoire de l’humanité.
L’Afrique a apporté une énorme contribution à la construction du monde et pour cela aussi, elle a payé un lourd tribut que les historiens, souvent, oublient de nous rappeler. Surgissant de la longue nuit coloniale, l’Afrique est tombée dans une décolonisation avortée tout en étant, également et au même moment, le lieu d’exacerbation d’une guerre froide qui y a transposé ses contradictions lui offrant ainsi, en plus de ses propres déchirures, des conflits d’une autre dimension avec à la clé des régimes politiques sans légitimité démocratique, sur fond de conflits ethniques et religieux d’un autre âge.
Une Afrique sous la menace constante de guerres civiles, une Afrique meurtrie par les  grandes endémies et pandémies. Une Afrique encore victime de la paupérisation croissante et d’une mondialisation sauvage.
Et pourtant, contre vents et marées, elle a tenu debout et elle tient encore debout. Mieux, de son passé lourd et de son présent difficile, elle tire une inébranlable force combinée à une tenace volonté de s’en sortir : c’est cela qui lui donne la force de regarder demain.

Je suis un africain originaire du Sénégal, un petit pays dont plus de quatre-vingts pour cent des citoyens sont de religion musulmane, une écrasante majorité qui pourtant, pendant vingt ans, avait choisi de mettre à sa tête, comme premier Président de la République, un homme qui appartenait à la minorité catholique. 

Enfant d’un siècle brutal, bouleversé par les guerres mondiales, les décolonisations, les totalitarismes et l’apartheid, Léopold Sédar Senghor, puisqu’il s’agit de lui, en était devenu l’étonnant acteur. De son regard unique, il en avait accompagné le lourd cheminement et avait contribué à le façonner en en assumant la charge du politique tout autant que celle du poète et de l’intellectuel.
A la tête du jeune Sénégal nouvellement  indépendant, Léopold Sédar Senghor a tout de suite misé sur la ressource humaine, celle-la même sans laquelle rien n’est viable encore moins durable. Educateur hors pair, il s’est investi dans la mise en place d’un système éducatif performant basé sur un enseignement de haute qualité, un enseignement qui a su maintenir l’équilibre entre les réalités locales et celles d’un vaste monde  auquel l’histoire avait lié son pays. Les jeunes élèves sénégalais étaient ouverts à toutes les disciplines : littérature, sciences, musique, etc. Ils étudiaient toutes les œuvres, classiques et modernes. Senghor avait maintenu et renforcé l’étude des langues classiques : latin grec et arabe. Au Lycée, on apprenait l’allemand, l’espagnol, le portugais, l’italien, le russe. Il a fait aimer le théâtre et tous les autres arts qui participent à l’éveil d’une conscience culturelle, dans le respect de la diversité et de l’attachement à la culture africaine et sénégalaise.
Léopold Sédar Senghor accordait une grande importance à l’éducation et à la formation. Il était toujours fier de rappeler que son pays consacrait plus de trente trois pour cent de son budget à ce secteur où se construit le sénégalais de demain, c’est-à-dire un homme techniquement compétent parce que bien formé par une école enracinée dans les valeurs de civilisations africaines mais aussi parfaitement conscient et ouvert aux enjeux du monde moderne, parce que culturellement ouvert aux valeurs fécondantes des autres culturelles mitoyennes et fraternelles.
Pour lui, rien mieux que l’Ecole ne pouvait réaliser ce grand projet de civilisation. Professeur de lettres classiques et grammairien, ce conducteur d’hommes savait que pour éduquer il fallait enraciner d’abord ; et c’est bien là l’étymologie de ce mot auquel il a consacré l’essentiel de sa vie.

Homme politique, dans une Afrique plus marquée par des coups d’état militaire et par le monopartisme, Léopold Senghor a poussé le Sénégal dans la voie du multipartisme et de la démocratie. C’est du reste cet ancrage durable dans une démocratie jeune et prometteuse, une liberté de pensée et d’opinion, une presse librement foisonnante, et un respect des droits de l’homme qui a offert à son pays, en mars 2000, une belle alternance politique, exemplaire et pacifique. D’autres pays l’ont réussi et on ne peut que s’en féliciter.

Pour ma part, je demeure convaincu que le parcours exceptionnel de cet homme d’exception reste un exemple à méditer par delà les vicissitudes de l’histoire et des antagonismes politiques.
Aujourd’hui, au regard du parcours de Léopold Sédar Senghor dont nous sommes les héritiers – pour l’heure quelque peu désinvoltes -, il me semble possible et urgent de montrer que son l’œuvre et  son action ouvrent un chemin toujours vivace et fructueux.
Léopold Sédar Senghor nous a donné le goût et la passion de la curiosité têtue de l’autre. Il nous a montré qu’il était possible de s’enraciner dans sa culture tout en étant ouvert aux valeurs fécondantes des autres cultures et civilisations.

Senghor est Senghor parce qu’il est tout à la fois l’enfant de la culture africaine et le pur produit de l’université occidentale. Son œuvre poétique et morale, sa volonté et son combat politiques ont établi pour les générations présentes et à venir, un formidable et réel dialogue entre deux mondes et deux grammaires de l’intelligence et du regard. Un pont de chair et de pensée maintient encore en vie ces deux entités, ces deux versants d’une histoire culturelle vouée, quoique l’on dise ou fasse, à l’unité respectueuse des spécificités ou à la poussière des intolérances.
Aujourd’hui, en ces périodes de renouvellement douloureux des assisses du monde, en ces temps sombres et maussades du repli sur soi, de l’enferment, de la montée des périls de l’égoïsme et de l’ignorance de l’autre,  l’œuvre de Senghor m’apparaît comme une formidable source d’oxygène et d’espoir. Une réflexion sereine et lucide, critique et prospective constitue pour nous sénégalais et africains, une opportunité, un champ de possibles d’où l’on peut tirer la force de regarder demain, comme le disait son ami et compagnon de plume et de combat, Aimé Césaire, l’illustre poète martiniquais qui nous a quittés il y a un peu plus d’un an.

Sa vie durant, Léopold Sédar Senghor s’est battu pour construire, dans un dialogue des cultures fécond et soutenu, un monde nouveau qui sachant maintenir l’équilibre entre l’orgueil d’être différent et le bonheur d’être ensemble. 
Homme d’Etat, il a puissamment contribué à forger une nation. Il a consolidé l’unité de son pays pour en faire un pays de tolérance et de laïcité active. Il a consolidé les bases d’un dialogue constant et quotidien entre musulmans et chrétiens qui dans un petit pays sans grandes ressources naturelles, ont appris à vivre, à travailler et à souffrir ensemble. Des hommes et des femmes qui participent en commun à toutes les actions de solidarité pour, par exemple, construire ensemble une mosquée ou une église.   
C’est cette solidarité qui fait que partout musulmans et chrétiens cultivent ensemble leurs champs et magnent ensemble la viande de l’Aïd, la fête du mouton ou la bouillie de mil à la pâte d’arachide quand arrive la Pâques.  Ils partagent la joie et le bonheur des mêmes cérémonies familiales et religieuses, des hommes et des femmes de religions différentes qui se fréquentent et s’apprécient mutuellement.

Mesdames, Messieurs, c’est aussi à Léopold Sédar Senghor que nous devons la belle et riche notion d’accord conciliant qui résume ce que je viens de vous dire de mon pays, c’est-à-dire l’essence de cet art de vivre sénégalais, ce merveilleux lien social qui se trouve dans la recherche et la culture de ce qui unit et non de ce qui divise. La conception senghorienne de l’accord conciliant, c’est cette magnifique voie qui permet d’aller à l’essentiel de ce qui préserve le lien social et consolide le commun vouloir de vie commune.

J’ai ouvert mon propos par Adam Mickiewicz et je vous ai entretenu de Léopold Sédar Senghor, ici à Cracovie, en terre polonaise, dans la patrie de Wislawa Szymborska, Prix Nobel de littérature en 1996. Mais pourrais-je seulement terminer mon intervention sans vous parler d’une autre grande figure polonaise, un homme d’exception qui nous as quittés il y a quelques années, une grande figure qui nous avait rendu visite au Sénégal. Musulmans, aux côtés de nos frères chrétiens, nous avions pleuré un homme d’amour et de fidélité. A l’annonce de son décès, j’ai vu les jeunes du monde entier pleurer un homme qui les a tant aimés et qui, son pontificat durant, avait travaillé à l’unité des chrétiens tout en exaltant les racines communes aux religions du Livre. J’ai nommé le Pape Jean-Paul IIa
Mais Karol Wojtyla, le compatriote de Mickiewicz était aussi un poète. Pour sa mère, il avait écrit :

Sur ton tombeau blanc
Des fleurs blanches pleines de vie.
Ô combien d’années ?
Sur ton tombeau blanc,
Ô mère, mon aimée éteinte,
Pour un fils plein d’amour
Une unique prière : repos éternel.


Le 14 février 2009, je suis allé m’incliner devant cet athlète de la foi parti des terres de Wadowice et qui à présent repose dans les sous-sols du Vatican dans la fidélité à l’amour de sa Pologne natale,

N’ayez pas peur, cette belle parole, cet admirable cri, il l’avait lancé à l’humanité pour l’appeler à une véritable conversion des cœurs et des esprits.
Dans mon pays et partout ailleurs en Afrique, il avait donné à la paix son nouveau nom c’est-à-dire le développement. En cela, il suivait et prolongeait l’enseignement de Popularum Progressio, cette Encyclique mémorable du grand Pape Paul VI, son illustre prédécesseur.

Oui Mesdames et Messieurs, la paix ne se réduit pas à une absence de guerre, fruit de l’équilibre toujours précaire des forces. La paix se construit jour après jour, dans la poursuite d’un ordre voulu de Dieu qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes.
Le développement des peuples est en effet le garant de la paix et la paix, la condition sine qua non du développement.  Cette vérité, un homme d’ici, un Homme de foi et de piété, un Homme de justice et de paix, était venu nous le rappeler sur la terre africaine du Sénégal.

Et c’est riches des enseignements de ces hommes d’exception que nous autres africains, par delà les vicissitudes de l’histoire et par delà la terrible tragédie de notre parcours, nous restons debout avec la force de regarder demain. Et c’est là, une formidable opportunité.

Je vous remercie.



 


Cracovie 2009

La salutation du pape Benoît XVI à l'Angelus


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