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La Vie

19 Mai 2012

Europe : au-delà de la crise, l’espérance, par Andréa Riccardi

 
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A l'occasion des 50 ans de Vatican II, lavie.fr revisite la modernité du concile et la façon dont il résonne aujourd'hui dans notre société plurielle et mondialisée. Andrea Riccardi est le fondateur de la communauté chrétienne Sant'Egidio, engagée dans le dialogue interreligieux et le travail pour la paix. Ce billet est tiré d'une intervention qu'il a faite, samedi 12 mai à Strasbourg, lors du rassemblement Ensemble pour l'Europe.

Nous ne pouvons pas nous cacher la crise de l’Europe. Qui se greffe sur d’autres crises, la crise économique qui tenaille un certain nombre de pays. Comment en sortir ? Ce n’est pas le moment de parler de recettes. Même si le message souvent véhiculé aujourd’hui est celui-ci : on sort de la crise tout seul, en se concentrant sur soi-même. Il existe un fond humain de la crise, sans doute la mère des crises : la solitude de nombreux Européens. C’est la condition d’un grand nombre de personnes, à l’heure où bien des espaces favorisant l’être ensemble se sont réduits : les partis politiques, les associations et la famille. Aujourd’hui les Européens sont davantage seuls dans la vie et se pensent davantage seuls.

Nous nous trouvons face à une culture marquée par l’individualisme, qui a des répercussions sur la vie personnelle, sur le travail et bien au-delà. La crise de l’idée d’un destin commun européen s’inscrit dans le cadre d’une crise de la communauté de vie et de destin. Cela a des conséquences dans chacun des pays. L’une de ces conséquences – et ce n’est pas la moindre –, c’est le manque de visions pour l’avenir. C’est l’incroyable besoin de visions. Les visions sont en effet des icônes d’espérance à contempler pour ne pas tomber dans le pessimisme.

Si une conception de la vie entièrement individuelle peut procurer des moments d’exaltation ou de satisfaction, l’absence de sens communautaire génère néanmoins un climat de pessimisme. Aussi, nous Européens, qui sommes quelque peu assombris, nous risquons de renoncer à faire l’histoire : « passer à l’histoire sans plus la faire » – écrit Jürgen Habermas – ou bien « prendre congé de l’histoire » – dit Benoît XVI. Nous redoutons un monde trop grand et complexe. Il semble qu’il faille nous défendre de l’histoire et du monde. Telle a été l’attitude adoptée après le 11 septembre 2001, le jour des terribles attentats contre les États-Unis. Nous devons nous défendre d’un ennemi et d’une histoire trop agressive.

Le philosophe français, Alexandre Lacroix, s’interroge : "Sommes-nous comme les Romains de l’empire tardif, arrivés au dernier chapitre de notre glorieuse (et violente) histoire ? Hédonistes et cyniques, insoucieux des lois et de Dieu, incapables de prendre quelque chose au sérieux à l’exception de nous-mêmes, incapables de nous projeter dans l’avenir, rendus paresseux par le confort, superficiels et gâtés, méritons-nous d’être dépassés par d’autres peuples, plus jeunes, plus ambitieux, plus forts ?" L’Europe est-elle un continent en déclin ? Et non plus le centre du monde dans un monde dépourvu de centre ?

La volonté existe, pour nous rassurer, de récupérer nos frontières. C’est une illusion. La majorité des pays européens ne pourront pas affronter seuls les défis mondiaux, la crise économique, la confrontation avec les géants asiatiques. Que personne ne se fasse d’illusion. Si nous ne restons pas ensemble, les pays européens seront quantité négligeable. Ainsi, nos valeurs se dilueront dans les courants de la mondialisation : ce sera, pour la planète, une perte en liberté et en humanisme.

Nous ne pouvons pas nous résigner au déclin. Le rendez-vous des chrétiens à Bruxelles est un signal fort : "Ensemble pour l’Europe". Cinquante ans se sont écoulés depuis le concile Vatican II. Nous ne l’évoquons pas comme des vieillards nostalgiques. Le concile continue de nourrir une vision de l’avenir. Le 11 octobre 1962, en ouvrant Vatican II, un octogénaire, Jean XXIII, prononça des paroles d’espérance : "il arrive souvent que nos oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui [...] ne voient que ruines et calamités. Ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré par rapport aux siècles passés. Il nous semble nécessaire de dire notre complet désaccord avec ces prophètes de malheur [...]. Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un tournant…".

Nous aussi, cinquante ans après, nous sommes en complet désaccord avec les prophètes de malheur : pour ce qui est du déclin européen et du fait que la culture individualiste doive inexorablement prévaloir. Il existe un lien étroit entre le concile et l’Union européenne. Vatican II a été, après 1945, le premier événement paneuropéen, qui réunit les évêques des deux côtés, malgré la guerre froide. En outre, le concile – bien avant que l’on ne parle de mondialisation – projeta les chrétiens européens dans le monde et inaugura l’œcuménisme.

Vatican II est une mémoire d’espérance. L’espérance ne négocie pas avec le pessimisme. Nous ne pouvons pas adhérer au "sauve qui peut" de l’esprit du déclin. Celui qui croit est appelé à « saisir fortement l’espérance qui [lui] est offerte […] comme une ancre de notre âme, sûre autant que solide » - dit la Lettre aux Hébreux. Les chrétiens sont le peuple de l’unité et de l’espérance.

L’unité. Je pense à nos histoires. Chaque mouvement est un rêve d’universalité et d’unité. Les mouvements sont différents, non pas pour diviser, mais pour unir. Chiara Lubich, une femme âgée qui n’a jamais cessé d’espérer, disait : dans l’unité, même si elle n’est pas religieuse, il y a toujours notre âme. Dans l’unité, il y a une âme chrétienne et profondément humaine. Serons-nous ceux qui se résignent, sans âme, à voir la communauté s’effilocher à tous les niveaux ?

La réponse consiste à se mettre au service d’un rêve d’unité : vivre et communiquer l’espérance. La plus grande misère européenne, c’est le manque d’espérance. L’histoire nous appelle à vivre des temps complexes et difficiles. Non pas terribles, non pas désespérés. On peut encore agir, changer. S’il existe de sérieux motifs d’inquiétude, du fait notamment de la souffrance de nombreux pays européens en crise économique, il faut créer un climat de sympathie et de solidarité, un sens du destin commun doit ressurgir, des liens sociaux doivent renaître.

Paul écrit aux Romains : « L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs… ». Dans les difficultés, notre temps peut être le temps de l’espérance, capable de faire émerger le meilleur : « Si nous restons unis, nous aurons un avenir, nous ferons du bien au monde ainsi qu’à nous-mêmes ». Mais qui sommes-nous ? Chacun de nous est toujours petit devant les appels de la vie. Hillel, maître juif de l’époque de Jésus, disait : « Là où il n’y a pas d’homme, efforce-toi d’en être un ! » Là où il n’y a pas d’homme et de femme de l’unité, efforçons-nous, d’en être avec espérance. Ainsi la culture de l’unité, vécue, pensée, communiquée, peut-elle régénérer l’âme de notre Europe.

Ce texte a été rédigé à l'occasion du rassemblement de communautés chrétiennes Ensemble pour l'Europe, samedi 12 mai 2012.


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