Troisième puissance de la zone euro, l’Italie affiche un bilan désastreux de 46 décès en six jours, liés à la vague de froid exceptionnelle qui frappe l’Europe. Dire que la péninsule n’est habituée ni aux tempêtes de neige, dans les régions du centre et du sud, ni au froid glacial, jamais aussi cinglant depuis 1985, ne suffit pas à « justifier » un bilan aussi lourd, dans un pays d’Europe de l’Ouest.
L’Italie souffre d’une absence chronique de culture de la prévention. Chaque désastre naturel creuse plus encore cette plaie ouverte, avec son lot de morts et de blessés, dont le nombre élevé s’explique également par trois facteurs caractéristiques.
Une population exposée
En premier lieu, la péninsule est le plus vieux pays d’Europe, 22 % de la population est âgée de plus de 65 ans. Ainsi, les personnes âgées étant plus fragiles face au froid, on compte de nombreux morts parmi elles, comme celui de cet homme de 81 ans, mort d’hypothermie et retrouvé, seul, dans une ferme délabrée, à proximité d’Avellino, en Campanie.
Ensuite, seul 1 % du PIB est consacré au soutien des foyers les plus modestes, alors que le pays compte 3 millions de personnes dans une situation de grande pauvreté, selon les chiffres 2011 de l’Institut national de statistiques. Faute de moyens, une famille de quatre personnes, avec deux enfants en bas âge, qui vivait près d’Ancône, dans les Marches, se chauffait à l’aide d’une très vieille chaudière. Tous sont morts le 7 février, intoxiqués au monoxyde de carbone.
Les associations démunies
Enfin, la solidarité demeure essentiellement une affaire des associations bénévoles, mais 50 % seulement reçoivent un soutien financier des institutions. Or toutes lancent l’alarme sur l’augmentation du nombre de sans-logis en danger de mort. Dernier cas en date : une Ukrainienne de 62 ans qui s’était réfugiée dans une cabane à la périphérie de Milan, en Lombardie, a été retrouvée morte de froid, à l’image d’autres sans domicile fixe dans cette région, dont des jeunes, des Italiens et des Roumains, victimes du redoutable mélange « alcool-dénutrition-gel ».
« Face à des personnes âgées et jeunes qui meurent encore de froid, je sens le besoin d’élever la voix pour dire qu’il faut cesser d’agir seulement dans l’urgence », déclare, dans un entretien publié par La Repubblica , Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio et ministre chargé de la coopération internationale.
« Les sans-abri ont une vie quotidienne exposée à mille et un risques. On rencontre partout des nouveaux pauvres, des gens qui ont perdu leur travail, leur maison, leur famille. Les associations de solidarité parviennent à planifier certaines actions, mais uniquement là où elles opèrent. Sachant que les sans-logis sont très mobiles, cela rend encore plus importants et nécessaires les petits gestes de solidarité de la part de la population », plaide Andrea Riccardi.
Anne Le Nir, à Rome
Source : www.la-croix.com le 9 février 2012