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La Vie

Március 29 2012

ITALIE Le fondateur de la communauté San't Egidio fait une entrée politique remarquée au sein du gouvernement Monti. Il réaffirme son souci de la justice sociale et du dialogue.

ANDREA RICCARDI «LES CATHOLIQUES DOIVENT RAPPROCHER LA CULTURE DE LA POLITIQUE»

 
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Après des années dans les coulisses, le voici enfin sur le devant dela scènepolitique italienne. À 62 ans, Andrea Riccardi, le très populaire et très médiatique fondateur de la communauté de Sant' Egidio, est désormais ministre de la Coopération internationale et de l'Intégration. À peine nommé, il a multiplié les annonces de réformes : octroi de la citoyenneté italienne aux enfants d'immigrés nés dans la Péninsule, réduction du prix du permis de séjour, garantie d'une maison et de l'éducation aux Roms. Après le diplomate chevronné, l'Italie découvre l'homme politique expérimenté. Ses amitiés épousent l'ensemble de l'échiquier politique italien et son esprit de dialogue est unanimement reconnu. La gauche applaudit ses premiers pas, la droite salue sa figure morale, mais s'inquiete d'une popularité et d'une influente qui pourraient le pousser à prendre la téte d'un « parti catholique ». Les milieux catholiques le révent prochain maire de Rome. Lui s'en défend et ne pense qu'à sa nouvelle mission au sein de son ministère.

LA VIE. Pourquoi étes-vous entré dans le gouvernement de Mario Monti ?

ANDREA RICCARDI. Le président de la République, Giorgio Napolitano, et le président du Conseil, Mario Monti, m'ont proposé de partici-per à ce gouvernement de transition à la tete d'un nouveau ministère. celui de la Coopération internationale et de l'Intégration. Pour la première fois en Italie, il unit deux choses : les politiques qui concernent les immigrés présents sur le territoire national et celles à l'égard des pays en voie de développement, qui sont dans la plupart des cas le réservoir de l'immigration à destination de l'Europe et de l'Italie. J'ai décidé d'accepter et de mettre à profit mon réseau d'amitiés, mes expériences, mes compétences et mes connaissances établies au cours de toutes ces années de vie associative, sociale, religieuse et culturelle.

En quoi consiste ce nouveau ministère inédit dans un gouvernement italien, et que désirez-vous en faire?

A.R. Ce ministère est un véritable défi, et tout reste à faire dans un contexte très difficile pour la société italienne. En ces temps de crise profonde, marqués par des coupes budgétaires et des sacrifices, cela peut vite devenir impopulaire de s'occuper de catégories de personnes comme les travailleurs étrangers, les Roms, les réfugiés, les peuples lointains frappés par la malnutrition, les maladies, les guerres. Mais ce qui me motive, c'est la conscience que les thématiques de l'immigration et de l'aide au développement sont des processus historiques inéluctables qui peuvent étre appréhendés et guidés avec le sens de la responsabilité, de la clairvoyance et de l'ouverture. S'occuper d'intégration et de coopération n'est pas seulement un grand atte humanitaire et éthique, mais correspond aussi pleinement à l'intérét national. Si l'on ne trouve pas aujourd'hui des solutions à ces problèmes, l'avenir pourrait en effet nous réserver de mauvaises surprises.

Le gouvernement dont vous faites partie est marqué par une forte présence de ministres catholiques. Pourquoi sont-ils entrés dans ce gouvernement ?

A.R. Il n'y a pas de délégation catholique au gouvernement. Il y a des ministres catholiques, qui n'appartiennent à aucun parti, et qui travaillent avec des ministres qui ne le sont pas. Par ailleurs, il y avait également des ministres catholiques dans les gouvernements précédents, tant de centre gauche que de centre droit. Le gouvernement Monti reflète toutes les sensibilités du pays et les catholiques y constituent une part importante. Ce qu'il y a de nouveau, en revanche, est à chercher dans la société italienne. Au cours des années Berlusconi, les catholiques se sont retrouvés presque dépaysés face à une bipolarité musclée, à un langage très fort, à la limite de la violente, à une politique qui a privilégié les polémiques personnelles au détriment du débat d'idées. Ils ont alors préféré s'occuper des questions sociales, en mettant au second pian l'engagement dans les partis et les institutions. Ce n'est que très récemment que les catholiques ont L'Évangile parie avant tout d'amour. Mais les deux ne sont pas séparés. Je pense souvent à Paul Ricoeur, qui parlait avec beaucoup de finesse et d'efficacité de la possibilité de concilier en politique les règles et la générosité, la justice et l'amour, l'équité et l'humanité. repris goùt à la politique, à l'envie de se rencontrer, de parler, de s'engager pour le bien du pays. C'est le signe positif d'une lente maturation.

Que proposent les catholiques pour résoudre la crise actuelle ?

A.R. Je ne sais pas à quel point l'on peut parler d'une réponse catholique à la crise. Probablement, les catholiques, qui sont très différents les uns des autres, ont plusieurs réponses. Et c'est là une richesse, tant pour le monde catholique que pour le pays. Néanmoins, si l'on regarde l'enseignement des derniers papes et l'élaboration de la dottrine sociale de l'Église, on se rend compte que les catholiques ne partent pas de zéro. Jean Paul II comme Benoit XVI avaient mis en garde la communauté internationale contre le divorce entre l'éthique et le profit, contre un écart de plus en plus excessif entre l'economie et la finance. Si l'on avait porté plus attention à ces enseignements, nous ne serions peut-ètre pas là où nous en sommes aujourd'hui. Il y a également une crise de la culture politique. Nous avons assisté ces dernières années à une séparation entre la politique et la culture, que les catholiques ont le devoir de rapprocher de nouveau.

Mais cette volonté de mettre plus de culture et d'éthique dans la vie politique du pays est-elle encore possible après l'ère Berlusconi ?

A.R. L'éthique en politique est touj ours nécessaire. Et l'éthique n'est pas, heureusement, l'exclusivité des catholiques. Mème si les catholiques — il suffit de penser aux pages de Luigi Sturzo, prétre catholique italien (18711959), fondateur du parti populaire, ancétre de la démocratie chrétienne en Italie — se sont souvent opposés, je dirais de manière culturelle plus que politique, aux nombreuses formes de machiavélisme. La politique est la construction de la justice sur la Terre.

C'est ce que pourrait éventuellement faire une nouvelle démocratie chrétienne ?

A.R. La DC a représenté, au cours de la seconde moitié du siècle dernier, l'un des piliers fondamentaux de l'histoire italienne. Mais je ne crois pas que la DC renaitra comme parti, car l'Histoire ne se répète pas. Toutefois, une grande partie du patrimoine de la DC, ses valeurs, ses enseignements, l'exemple de ses plus éminents représentants, est encore d'actualité. Je pense avant tout à la capacité de comprendre le pays et de le guider gràce à des équilibres politiques sans tesse rénovés : je pense au sens de l'État, à la politique du dialogue et du débat d'idées, à l'ouverture à l'Europe (imaginée par trois catholiques, De Gasperi, Adenauer et Schuman) et au monde. Un retour sur l'histoire de la démocratie chrétienne ne doit pas ètre synonyme de nostalgie, mais plutót la réaffirmation de la valeur d'une culture politique pensée, vécue dans un échange avec les autres.

Mais, sans parti politique, comment les catholiques pourront-ils peser sur le destin du pays?

A.R. Depuis la disparition de la DC, les catholiques ont continué à faire de la politique dans différents partis. Je ne pense pas que cette situation change beaucoup dans un futur proche. Mais une participation accrue des catholiques au sein des partis existants sera sùrement possible et, j'ajoute, souhaitable. Cela pourrait aider à faire évoluer notre système politique vers une dialectique fondée davantage sur le débat que sur l'affrontement.


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