Sous les voûtes de la chapelle du Sacré-cœur monte un joyeux tohu-bohu. René, un sans-abri de Perrache, a grimpé sur scène pour entonner «Les Lavandières», une chanson de son répertoire. On ne l'arrête plus! A table, les enfants des familles de demandeurs d'asile attendent, comme les personnes sans domicile fixe, la remise des cadeaux. Des adultes aux plus petits, tout le monde aura droit à de beaux vêtements neufs et/ou des livres, neufs également - «question de dignité».
Deux fois plus de convives que l'an dernier
Ambiance conviviale hier après-midi, à la paroisse Sainte-Croix de Lyon 2 e , où une soixantaine de sans-abri et de personnes en grande précarité - deux fois plus que l'an dernier - ont partagé un repas de Noël offert par la communauté catholique et laïque Sant'Egidio, avec notamment le soutien de commerçants du quartier. Les invités sont, pour la plupart d'entre eux, des personnes que cette communauté a l'habitude de suivre dans le cadre de son service hebdomadaire (écoute, distribution de nourriture et de vêtements etc.) mais il y a quelques exceptions.
Ainsi, Jacky était à la messe de Noël à la primatiale Saint-Jean le jour-même. C'est là qu'il a entendu parler de cette initiative. Cet habitant de Saint-Romain-de-Popey, qui vit du revenu de solidarité active, est heureux de faire découvrir ses textes à ses voisins. Il y est question d'amitié - « Soyons réceptifs à ce qui nous entoure pour mieux vivre ce que nous ressentons, auprès des blessés de la vie et de tous les autres» - ou encore, d'un «plaidoyer pour une vie simple» dans le but d'apprendre à se «désencombrer de l'inutile et à vivre l'instant présent ».
«Ici aussi, souligne Jacky, on va à l'essentiel, on est dans la convivialité. La vie est difficile quand on est dans les bas-fonds, alors lien social, c'est bien.»
«Ce repas, c'est convivial, chaleureux», renchérit Jean-Pierre, un sans-abri de 54 ans qui dort derrière le Sofitel - il était chauffeur dans l'administration et a «dégringolé» après le décès de son épouse. Ce moment lui offre un temps de répit : « La nuit, je ne dors pas. On se fait agresser, voler. Je suis toujours avec le couteau entre les dents. Hier encore, un jeune voyou a voulu me casser la figure parce que je suis SDF ».
Une bénévole de Sant'Egidio passe pour proposer un dessert. « Oh, non, moi, ton sourire me suffit ! », lui répond Jean-Pierre. Au repas de Noël, les cadeaux s'échangent dans les deux sens. «Il y a toujours de belles paroles», dit Nicolas Bassy, le responsable local de Sant'Egidio. « Pour nous, ce repas est comme une icône de l'amitié que nous avons avec les pauvres. C'est le point d'orgue de l'année. Il nous apporte beaucoup de joie car il y a plus de joie à donner qu'à recevoir».
Nicolas Ballet