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2 Julho 2010

Libérons-nous finalement du poids de la guerre !

 
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Pourquoi parler encore d’amnistie? Au détour d’un interview pour l’hebdomadaire néerlandophone Knack, j’ai exprimé l’opinion que la situation politique actuelle présente une chance de réconciliation dans la question du passé de guerre de notre pays, qui n’a toujours pas été digéré. A mon sens, Bart De Wever, en tant que représentant d’un courant au sein du nationalisme flamand, qui a admis et pris conscience de la faute de la collaboration, et Elio Di Rupo, président du parti qui, par excellence, a résisté à toute réconciliation dans cet épineux dossier, ont toutes les cartes en mains.
Pourquoi formuler cette proposition aujourd’hui ? Et d’où vient-elle ? Je suis touchée depuis longtemps par l’importante part émotionnelle et passionnelle que le discours nationaliste flamand dissimule derrière des accents sobres et rationnels. Je ne peux me défaire de l’idée qu’il s’agisse, pour beaucoup de Flamands radicaux, d’une conséquence de l’absence de l’une ou l’autre forme d’amnistie pour les collaborateurs après la seconde guerre mondiale et du sentiment d’injustice que la jurisprudence d’après-guerre a laissé. Des blessures non-cicatrisées du passé ont ainsi pu vivre leur propre vie et générer, même dans un pays démocratique, civique et aussi bien portant que le nôtre, des formes étonnantes d’inimitié. La radicalisation communautaire au nord du pays a beaucoup de causes, mais la non-réconciliation avec un passé de collaboration et de répression en est peut-être la page la plus sensible. L’heure n’est-elle pas aujourd’hui venue – 65 ans après la libération – de la tourner une fois pour toutes ?
Avec la Communauté de Sant’Egidio, qui joue un rôle de médiation dans bon nombre de conflits en Afrique, dans les Balkans, et ailleurs, j’ai souvent eu l’occasion de remarquer que la guerre inflige des blessures très profondes. Dans ce contexte, j’ai compris combien la pacification et la réconciliation sont importantes après un conflit, quelle que soit la difficulté que cela représente pour les anciens ennemis. Je lance cet appel à l’une ou l’autre forme d’amnistie en tant que chrétienne pour qui le pardon n’est pas un concept creux : il n’y a de paix et de réconciliation réelles, que lorsque ‘une purification de la mémoire’ a eu lieu.
Les méandres de l’histoire n’ont jamais permis d’amnistie en Belgique, à la différence notoire de presque tous les autres pays européens qui furent occupés. En France et aux Pays-Bas une forme d’amnistie a déjà été accordée durant les années 1950. En tant que fils d’immigré, Elio Di Rupo doit savoir que même l’Italie d’après la mésaventure fasciste a connu une large amnistie en 1948. L’historien anversois Herman Van Goethem écrit à ce sujet dans Collaboratie in Vlaanderen, vergeten en vergeven (‘Collaboration en Flandre: oublier et pardonner’): “bien sur l’amnistie ne signifiait en aucun cas une légitimation ou même de la compréhension pour les agissements du passé. Il s’agissait uniquement de mettre un point final aux séquelles de la guerre. Cette amnistie a eu pour conséquence que, dans ces pays, la persécution après la guerre a été digérée.”
Il est vrai que la Belgique –comme l’amnistie n’était pas politiquement envisageable – a accordé des grâces, mais un tel processus ne s’est déroulé que de façon individuelle et non pas collective. Les sentiments de rancune envers l’Etat belge, ont, à mon sens, beaucoup à voir avec une opinion publique à qui n’a jamais été offerte l’occasion d’assimiler le passé par un geste de réconciliation collectif.
Que pourrait bien impliquer une amnistie en 2010, alors que toutes les personnes directement concernées sont soit décédées, soit très âgées ? Ce qu’elle ne peut certainement pas être, c’est une justification de la collaboration avec le régime criminel nazi.  Il est donc nécessaire que vienne du côté nationaliste flamand une reconnaissance publique que ces formes de collaboration étaient erronées et coupables. Des pans importants du mouvement nationaliste flamand me semblent aujourd’hui partager cette vision. De la part des autorités belges, l’amnistie pourrait également porter à déclarer que la jurisprudence répressive d’après la guerre a souvent été inéquitable. Des ‘menus fretins’ ont été lourdement condamnés ou même exécutés – raison de plus pour totalement bannir la peine de mort de la surface du globe – alors que des ‘gros poissons’, qui avaient bien plus à se reprocher, échappaient au couperet. La plupart des historiens sont aujourd’hui d’accord de reconnaître que la balance de la justice était alors souvent déséquilibrée et que la répression a surtout touché des personnes communes ou pauvres.
Quant à la persécution des juifs, elle représente le chapitre le plus tragique de l’histoire de l’occupation. L’unicité de la Shoah reste ineffaçable. Grâce entre autres aux recherches de Lieven Saerens nous savons depuis quelques années que des collaborateurs flamands ont réellement joué un rôle actif dans l’arrestation et la déportation des Juifs d’Anvers, avec les camps d’extermination pour terrible conséquence. Thierry Rozenblum a récemment mis en évidence, dans Une cité si ardente, que même certains Liégeois n’étaient pas non plus sans reproche à cet égard. La sensibilité de nos concitoyens juifs dans ce dossier est compréhensible et je la partage entièrement. Il faut tout mettre en œuvre pour que la réconciliation ne soit pas une banalisation. En tant que membre du conseil d’administration de la caserne Dossin à Malines et présidente d’une Communauté qui organise chaque année, à Anvers, une commémoration des déportations juives avec pour slogan ‘Celui qui oublie l’histoire, est condamné à la revivre’, je suis la première à souligner l’importance de la mémoire. L’amnistie ne peut porter à l’amnésie. Il ne peut être question d’oublier, mais bien de pardonner et de réconcilier. N’est-il pas grand temps de lire l’histoire non plus avec les catégories du 21ième siècle, mais avec comme perspective l’avenir du vivre ensemble au 21ième? Il y va de l’intérêt de tous.


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